Energies renouvelables au Bénin : Les talons d’Achille d’un secteur pourtant prometteur

Fulbert ADJIMEHOSSOU 7 novembre 2019

Au Bénin, environ deux tiers de la population attendent encore d’avoir accès à l’électricité, avec une disparité significative entre les zones urbaines et rurales. Pendant ce temps, il faudra encore des efforts pour que l’énergie photovoltaïque prenne le contrôle des ménages et crée des opportunités d’emplois durables.

La vie s’arrête encore dans de milliers de ménages béninois quand se couche le soleil. Pourtant, l’irradiation moyenne est de 3,9 kWh/m².j au sud et 6,2 kwh/m².j au nord sur toute l’année. Ce qui constitue un potentiel énergétique solaire qui peut être valorisée dans toutes les zones agro écologiques du pays. Pourtant, le solaire semble encore être un mythe. Et quand on remonte le parcours fait jusque-là, on comprend le mal. En réalité, à travers plusieurs projets, des initiatives ont été prises pour booster les énergies solaires à partir du milieu rural. C’est le cas du Projet 24 villages solaires, l’une des toutes premières initiatives, mais qui a souffert de problèmes de gestion.

L’indispensable cadre de gestion
Il était question de mettre en place de l’éclairage public avec une centrale solaire, et de la faire accompagner par le pompage solaire. Ce projet a connu un échec cuisant, tout simplement parce que le mode de gestion adopté n’était pas adapté à un ouvrage public. « Ce mode de gestion consistait à mettre en place des comités villageois pour pouvoir désigner des gestionnaires locaux. Mais il s’est avéré après quelques années que la question de la maintenance a été totalement laissée. Cela a conduit sans doute à la destruction complète des ouvrages construits. Dans ces villages solaires aujourd’hui, il y a encore quelques pompages qui marchent bien qu’ils aient été abandonnés », déplore Jean-Francis Tchèkpo, Directeur Général de l’Aberme, à la causerie débat qui a eu lieu mardi dernier entre les acteurs.
D’autres initiatives connaîtront des difficultés semblables. C’est le cas du Projet de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (Prodéré) qui dans sa phase pratique en 2014, devra permettre l’installation de 6 mini-centrales solaires à titre expérimentale. Le Projet de valorisation de l’énergie solaire (Proves) n’est pas non plus sans être affecté. « Sans un cadre réglementaire, il était impossible de pouvoir exploiter ces mini centrales. C’est un ouf de soulagement de l’avoir », martèle Jean-Francis Tchèkpo.

Un marché à dynamiser
L’évaluation du marché de l’énergie solaire hors réseau au Bénin, réalisée en juillet 2019 en dit plus sur des obstacles à franchir. Selon l’étude restituée le 30 octobre 2019, le potentiel annualisé du marché au comptant solaire hors réseau pour le secteur de l’utilisation productive en 2018 est 41,1 millions USD. « Au Bénin, nous avons un potentiel très fort de plus de 500.000 ménages qui peuvent électrifier d’ici 2030 », déclare Seini Nouhou Amadou, Responsable Zone 3, Président du Centre des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique de la Cedeao. Pour Félix Comlan EBO, Président de Ecole Supérieure des Métiers des Energies Renouvelables (Esmer Bénin), c’est aussi une mine d’opportunités pour l’entrepreneuriat des jeunes. « C’est un secteur qui a un boom d’évolution. Il y a aujourd’hui un manque d’entrepreneurs qualifiés dans le secteur. Il est nécessaire que les jeunes profitent pour entreprendre. Le taux d’électrification étant faible, il faut des entrepreneurs pour accompagner l’Etat », souligne-t-il.
Cependant, il faut aussi compter avec le faible pouvoir d’achat des consommateurs, le manque d’options de financement, le faible niveau de sensibilisation des consommateurs aux solutions solaires notamment dans les zones rurales et le manque de financement pour les entreprises solaires. L’accès au financement est aussi essentiel pour la croissance du marché solaire hors réseau. Les entreprises solaires ont besoin de financement pour leurs besoins en fonds de roulement, tandis que les consommateurs d’énergie solaire hors réseau ont besoin de financement pour l’achat des systèmes. Le rapport d’évaluation du marché de l’énergie solaire hors réseau au Bénin révèle les barrières et les actions possibles pour faciliter l’accès au financement aux entreprises du secteur. « Il faut donc supporter le secteur privé, former les entreprises et appuyer le financement à travers des lignes de crédit qui vont être mise en œuvre. Il faut tenir des capacités des entreprises à mettre un bon plan d’affaires, mais aussi des moyens financiers. C’est pourquoi le Rogep pense à une ligne de crédit à travers la Boad qui va rétrocéder ces fonds aux banques commerciales avec des taux revus », pense Seini Nouhou Amadou.

« Sortir de l’amateurisme »
Tout est presque encore à l’étape embryonnaire. Au nombre des défis, il faut faire face au manque de capacité locale, c’est-à-dire de techniciens qualifiés pour l’entretien des systèmes. « Il y a beaucoup qui ne sont pas formés pour ça et quand ils font des installations, les ménages se plaignent de ça deux semaines après. Il y a des normes qu’on ne peut qu’apprendre en deux, trois ans de formation. Quand on parle de photovoltaïque, il y a le dimensionnement qu’il faut faire, il faut savoir bien faire le montage pour que le ménage puisse jouir de son investissement. L’amateur prend juste un panneau, une batterie, un régulateur. Derrière ça, il y a beaucoup de choses qui sont cachées. Les livres n’ont jamais remplacé le professeur. Le problème est entier. Il faut des formations continues », fulmine Judicaël Agbanglanon – CILECT. Dans ce cas, il faut renforcer les actions vers la professionnalisation. « Il nous faut sortir de l’amateurisme. En réalité, c’est un métier qui relève des 8 branches que nous avons en ce qui concerne le code de l’Uemoa. Mais actuellement, la clientèle n’est pas satisfaite de ce qui se fait. Simplement, parce que beaucoup n’ont pas la connaissance requise. Ce qui est en train d’être corrigé », insiste Jérôme Zannou, formateur dans le secteur. Tout ceci, ajouté à la volonté politique, pourra donner un nouvel élan à l’énergie photovoltaïque au Bénin.



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