Entretien avec Professeur agrégé en ophtalmologie sur le Glaucome : « …Pour le Glaucome aigu… Si cet œil n’est pas pris en charge dans les 6 heures, on reste aveugle à vie... »

La rédaction 18 janvier 2017

En Afrique, la cécité de l’œil est de plus en plus croissante. La première cause est la cataracte. Mais une autre cause existe et est plus cachée. Il s’agit du Glaucome qui est sous plusieurs formes et n’est détecté qu’après la consultation chez l’ophtalmologue. Le cas le plus grave du glaucome est le glaucome primitif aigu. D’après le Professeur agrégé en ophtalmologie, Dr Rafiou Lawani, ce mal peut entrainer une cécité rapide et à vie du patient, si l’œil n’est pas pris en charge dans les 6 heures qui suivent. Dans un entretien qu’il nous a accordé, Dr Rafiou Lawani donne plus de détail sur le glaucome et son traitement. A l’occasion, il a expliqué les raisons de l’épidémie de conjonctivite (Apollo) au Bénin et dénonce l’utilisation abusive de collyre sans ordonnance par les patients.

Qu’est-ce que le Glaucome ?
Un glaucome est une neuropathie optique (maladie du nerf optique qui en dégénérant, va entrainer une cécité) qui aboutit à une mauvaise vision. Il y en a de plusieurs sortes dont le glaucome primitif et le glaucome secondaire. Le primitif est lié à la naissance. Par contre, le secondaire est lié à une maladie ou un traumatisme. Le plus troublant est le glaucome primitif qui se présente aussi sous plusieurs formes. Le primitif aigu se manifeste de façon brutale sous une forme douloureuse avec une déstabilisation visuelle brutale. On l’appelle généralement glaucome aigu, et c’est une cause de cécité dans les six heures mais qui est très rare. En dehors du primitif aigu, celui plus dangereux est le glaucome chronique ou glaucome primitif à angle ouvert. Il s’agit d’une neuropathie optique qui, en dégénérant (évolution négative), entraine la mort des fibres qui constituent ce nerf optique. Ce qui, au fil du temps, va causer la mort du nerf optique d’où la cécité de l’œil. Du point de vue épidémiologique, le glaucome primitif à angle ouvert constitue la deuxième cause de cécité dans le monde.

Quelles sont les caractéristiques du glaucome primitif à angle ouvert ?
Le noir, le sujet mélanoderme, est plus sujet au glaucome primitif à angle ouvert. Il a une caractéristique importante celle de rendre aveugle de façon insidieuse, de façon silencieuse. Cette évolution silencieuse de la maladie fait que beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles sont glaucomateuses, donc ne savent pas qu’ils doivent se traiter et des années plus tard, elles deviennent aveugles. Malheureusement dans nos consultations quotidiennes on en découvre beaucoup plus et c’est un drame. La seule et première manière de le savoir, c’est de se dépister puis le traiter. Le dépistage se fonde sur deux volets dont le premier est l’examen systématique du patient par l’ophtalmologiste, qui doit examiner de façon complète tous les patients qu’il reçoit, car parmi ses patients, il y en aura qui seront glaucomateux. Le second volet est que la sensibilisation de la population sur l’existence d’une telle maladie qui, dans son évolution silencieuse, va un jour conduire à la cécité. Il faut un examen de la vue au moins chaque année et au plus tous les deux ans pour identifier si on a un glaucome chronique ou non. Le glaucome chronique est lié à un facteur qui est l’hypertension de l’œil. Il est caractérisé par une élévation anormale de la tension, de la pression dans l’œil. C’est cette pression qui amène le nerf optique à souffrir. Chaque fois que la tension augmente de façon anormale, quelques fibres dans le nerf optique se cassent.

Comment traiter un glaucome ?
Pour traiter le Glaucome, il faut des traitements médicaux les plus courants. Dans le cas du Glaucome primitif à angle ouvert, c’est la tension oculaire qui est le facteur à prendre plus en compte. Il faut donc que le médecin mette en place toutes les stratégies pour que la tension dans l’œil reste basse, normale et ne se lève pas dans des circonstances données comme tard dans la nuit, souvent lié à des traitements hypertensifs excessifs et autres facteurs qui peuvent aggraver l’hypertension dans l’œil.
Ainsi, il faut retenir que le facteur à contrôler, c’est l’hypertension intraoculaire par des médicaments hypo-tonusants oculaires, qui sont des médicaments locaux, des collyres qu’il faut mettre tous les jours pour que la tension ne se lève pas. Il y a également des comprimés qu’on peut prendre de façon temporaire pour donner un petit coup d’accélérateur au traitement. Il existe aussi un traitement physique par laser, et enfin, il y a un traitement chirurgical. Mais l’objectif de tous ces modes de traitements, c’est de baisser la tension dans l’œil afin qu’elle ne puisse amener plus tard à la cécité. Tous ces modes de traitement sont relatifs au glaucome chronique.
Par contre pour le Glaucome aigu ou par fermeture de l’angle, il survient de façon brutale. Il est reconnaissable toute suite parce que la tension monte brutalement. On peut passer d’une tension de 15-20 à 60-70 en une ou deux heures. Cela entraine donc des signes et le premier, c’est la douleur extrême insupportable. L’œil devient rouge et dure comme une bille. La vision dans ce cas chute de façon importante immédiatement. Si cet œil n’est pas pris en charge dans les 6 heures, on devient et on reste aveugle à vie. Heureusement, c’est une maladie qui est très rare et qui impose une prise en charge médicale puis chirurgicale immédiate sur l’œil qui est atteint, mais aussi de façon préventive sur le deuxième œil pour qu’il ne subisse pas la même crise.
Il y a les autres types de glaucome dont le glaucome de l’enfant, qui fait partie des glaucomes primitifs. Il y a des enfants qui naissent avec une hypertension importante de l’œil. L’enfant nait avec un œil trop gros qui malheureusement glauque est blanchâtre et ne fait pas mal, car l’enfant ne se plaint pas. Ce glaucome doit être opéré dans la semaine ou le mois où l’enfant est né de façon à ce que l’hypertension persistante n’amène pas une cécité chez l’enfant. Il s’agit du Glaucome congénital qui peut-être dans l’évolution associé au glaucome congénital tardif ou les glaucome juvénile. C’est toujours au niveau des enfants et c’est le même mécanisme où l’hypertension augmente en entrainant plus tard une cécité.
Enfin les glaucomes secondaires sont difficiles à traiter, car il relève généralement d’un mécanisme traumatique ou infectieux sur un œil qui a subi beaucoup de chosees, que ce soit par maladie ou par choc. Ce type de glaucome nécessite une chirurgie avec un matériel spécial pour amener la tension à s’abaisser.

Comment un enfant peut-il naître avec un glaucome congénital ?
En général, c’est une malformation d’une partie l’œil. Il y a une partie de l’œil qu’on appelle l’angle irido-cornéens. C’est l’angle entre la cornée (le hublot de l’œil) et l’iris (le muscle marron derrière le hublot). Les deux muscles s’accolent à un endroit appelé l’angle irido-cornéens et c’est par là que l’eau (l’humeur aqueuse) fabriqué dans l’œil sort habituellement. Chez l’enfant, on note une malformation de cette partie, d’où l’humeur aqueuse ne sort pas, stagne et finit par entrainer une hypertension intraoculaire importante. Sur cet œil, l’hypertension amène une distension importante qui fait qu’un œil va paraitre beaucoup plus gros que l’autre. Et cet œil qui va rentrer à travers les différentes mailles de la cornée qui devait être transparente, devient glauque, devient blanchâtre. Cela devient un œil de glaucome congénital. C’est une affection avec laquelle on nait.

De plus en plus de personnes sont sujettes à des conjonctivites communément appelé « Apollo », qu’est ce qui explique cet état de chose ?
Effectivement, par période on note la recrudescence des conjonctivites, communément appelées Apollo qui sont des conjonctivites bactériennes et plus souvent virales qui arrivent et qui inquiètent. C’est une maladie saisonnière comme la grippe, les maladies Orl qui se révèlent plus que d’autres. La conjonctivite est plus remarquable parce que le virus se propage de façon fulgurante puisqu’il est manu porté. Le patient à des sécrétions, il se gratte, il touche ses yeux, il serre la main à d’autres, il touche des instruments que d’autres vont toucher après... Voilà les raisons pour lesquelles l’épidémie se propage de façon rapide, pas de santé publique mais quand même d’une importance plus ou moins grande. Le remède pour l’éviter, c’est de laver régulièrement les mains en étant malades ou non pour casser la chaine de contamination.

Il parait que l’eau de mer peut stopper la contamination. Qu’en dites-vous ?
L’eau de mer a beaucoup de vertus en raison de la salinité et de la polarité qu’elle contient. Mais en matière de conjonctivite, ce n’est pas le remède indiqué. C’est vrai que quand on était gamin, les parents nous ouvraient les yeux dans l’eau de mer quand nos yeux étaient rouges. Mais ce n’est pas un remède recommandé. L’idéal c’est de se laver les mains à l’eau propre et au savon, puis se nettoyer les yeux à l’eau propre. Enfin se rendre dans l’immédiat vers un agent de santé local ou son ophtalmologue pour se faire prescrire un collyre adapté pour son traitement.

Quelques conseils ?
J’attire à l’occasion l’attention de la population, des responsables et acteurs de la chaine de distribution des médicaments et des autorités sanitaires sur le phénomène d’automédication par des collyres qui prend de l’ampleur surtout des collyres de corticoïdes. Ces derniers sont des classes de médicaments qu’on utilise pour se décaper la peau ou pour faire le rinçage. Or, ils ont beaucoup d’effets qui sont largement utilisés dans toutes les spécialités médicales, notamment en ophtalmologie où ils sont d’une nécessité absolue dans certaines indications. La première précaution à prendre avant l’utilisation de ces collyres corticoïdes, c’est de s’assurer que la cornée de l’œil est intègre. Si vous avez la moindre plaie sur cette cornée et que vous utilisez un corticoïde, vous empêchez la cicatrisation des plaies. Il existe aussi une affection virale qui est l’herpès-cornéen qui, lorsque cette affection est présente sur cette cornée ulcérée en y mettant un corticoïde, c’est comme si vous mettez de l’essence sur du feu et l’on peut aboutir en quelques jours à une perforation d’un globe oculaire. Donc les responsables des pharmacies locales ou des officielles doivent faire attention à faire respecter la législation, car ces médicaments sont souvent délivrés sous ordonnance. Or les patients en procurent sans ordonnance. Il faut aussi que les populations comprennent que ces produits achetés sans ordonnance peuvent aboutir à des catastrophes et nous en voyons régulièrement. L’attention de tous est appelée pour une plus grande responsabilité dans la délivrance de ces collyres aux patients pour une attention particulière à ne pas mettre n’importe quoi sur l’œil sans un avis médical.
Propos recueillis par : Yasmine DA MATHA (Coll)



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