Entretien avec Raïmi Paraïso Paka, président de l’Ong Alto Afrique-enfants : « …Dans cette lutte que nous menons contre la traite des êtres humains, les Etats-Unis d’Amérique ont toujours été à nos côtés… »

Karim O. ANONRIN 19 juillet 2018

L’Organisation non gouvernementale panafricaine Action pour la lutte contre la traite des enfants de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (Alto-Afrique Enfants) présidée par le Congolais-Béninois, Abdou Raïmi Vincent Paraïso Paka, a officiellement lancé le lundi 16 juillet 2018 à Pointe Noire au Congo, ses activités de lutte contre la traite des êtres humains en général et celle des enfants et des femmes en particulier, avec l’appui de l’Ambassade des Etats Unis au Congo-Brazzaville. Dans un entretien téléphonique, le président de l’Ong Alto-Afrique Enfants, Abdou Raïmi Vincent Paka Paraïso, revient sur le combat qu’il mène pour l’éradication du fléau que constitue le trafic des êtres humains en Afrique.

Que représente l’appui de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique que vous venez de recevoir en République du Congo pour le lancement des activités de votre ONG ?
Je tiens d’abord à rappeler que l’Ong Alto Afrique-Enfants est une organisation non gouvernementale créée en République du Congo-Brazzaville le 02 janvier 2006 et plus précisément à Pointe-Noire. Il s’agit d’une Ong qui travaille dans la lutte contre la traite des êtres humains en général et la traite des enfants et des femmes de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale en particulier. Pour revenir à la question, je dirai que l’appui que nous venons de recevoir de la part de nos amis américains constitue pour nous, un geste salutaire pour la sauvegarde de la dignité humaine. Il n’est de secret pour personne que la traite des personnes constitue, un crime aux droits de l’homme et pour y faire face, il faut que les lois, les textes et les accords dans la théorie comme dans la pratique soient respectés et mis en application contre ces bourreaux, que les victimes trouvent réparation et qu’elles soient protégées de façon particulière compte tenu de certaines vulnérabilités auxquelles elles sont sujettes. Dans cette lutte que nous menons depuis plusieurs années, les Ambassades Américaines ont toujours été à nos côtés à travers leurs soutiens financiers, administratifs et diplomatiques. Au nom de l’Ong Alto Afrique-Enfants, je tiens à leur rendre hommage.

Qu’est-ce qui sous-tend le lancement des activités d’une Ong qui existe depuis 2006 ?
‘’Lancement’’ parce que la République du Congo est tombée dans la liste noire des pays qui ne font pas assez d’efforts pour arrêter le trafic des enfants selon le Département d’Etat américain ; c’est-à-dire la liste numéro 3. Or, ce pays n’est qu’un pays de transit et d’accueil de trafic des êtres humains. Il s’agit d’un fléau transfrontalier que l’on ne saurait imputer à un seul pays africain. A titre illustratif, vous n’êtes pas sans savoir que plusieurs enfants béninois quitte régulièrement leur pays pour la Guinée Equatoriale, le Gabon en passant par le Congo-Brazzaville. Il faut donc accentuer la lutte. Il s’agit surtout d’un lancement d’activités qui sonne comme une alerte aux autorités corrompues à divers niveaux pour leur dire que ce n’est pas seulement une problématique de l’Ong Alto Afrique-Enfants, mais que c’est aussi une préoccupation majeure des Etats Unis d’Amérique.

Quel est le contenu de l’appui de l’Ambassade des Etats Unis d’Amérique au Congo dans le cadre de ce lancement d’activités ?
Il s’agit essentiellement d’un appui financier pour traquer les trafiquants et les mettre à la disposition des autorités judiciaires.

Quel type de relation entretenez-vous avec votre pays d’origine le Bénin ?
Nous n’intervenons pas qu’au Bénin. Nous travaillons en Afrique de l’Ouest à partir du Bénin pour toucher les autres pays de cette partie du continent africain. Nous sommes en partenariat avec la Brigade de protection des mineurs au Bénin. Nous ramenons très souvent au Bénin les enfants victimes de la traite selon leur volonté. Ceci, dans le respect des accords bilatéraux entre la République du Congo et le Bénin. Une fois les enfants ramenés au Bénin, on les confie à la Brigade de protection des mineurs. Le suivi des enfants est à la charge de l’Etat béninois pour une réinsertion durable. Mais chaque fois que nous rentrons au pays, nous ne manquons d’aller visiter ces enfants dans leurs foyers d’accueil.

Qu’est-ce que les Etats africains doivent faire aujourd’hui pour éradiquer le fléau de la traite des êtres humains, surtout avec l’existence de l’esclavage en Libye ?
Ce que les médias ont montré sur la Libye n’est pas étranger à l’Ong Alto Afrique-Enfants. Il y a longtemps que nous interpellons sur l’ampleur et la gravité de la situation. Des milliers d’enfants, de femmes et même d’hommes sont toujours soumis à l’esclavage dans plusieurs pays et c’est inadmissible. Des êtres humains victimes de la traite de la part des passeurs et personnes malintentionnées sont régulièrement repêchées dans les eaux de la Méditerranée parce qu’ils sont à la recherche de l’Eldorado en Europe. L’heure est grave et il faut vite agir. Alors, pour éradiquer le phénomène de la traite des êtres humains, au niveau de l’Ong Alto Afrique-Enfants, nous proposons déjà premièrement, un contrôle strict des documents administratifs permettant la sortie et l’entrée des personnes dans chaque pays. Deuxièmement, je crois qu’il faudra que la justice commence par sévir en punissant sévèrement les trafiquants. Ceci permettra de dissuader ceux qui comptent se lancer dans cette filière qui n’honore guère l’Afrique. Tant que l’impunité règnera, il sera difficile d’éradiquer le fléau de la traite des êtres humains.

Parlez-nous un peu de cette distinction reçue par votre Ong aux Usa.
C’était en 2012 et ce fut une période de joie pour tous les membres de l’Ong Alto Afrique-Enfants, pour l’Etat congolais et aussi pour l’Etat béninois dont je suis originaire. Au fait, j’ai été déclaré ‘’héro mondial’’ de lutte contre la traite des personnes par le Département d’Etat Américain sous le Secrétaire d’Etat, Hilary Clinton, qui m’a d’ailleurs reçu. Nous étions 10 dans le monde entier à recevoir cette distinction intitulé Prix de distinction Héros 2012 de lutte contre le trafic des personnes du Département d’Etat Américain. J’ai même été le porte-parole des autres héros

Votre mot de la fin
Je voudrais d’abord remercier l’Ambassade des Etats-Unis au Congo qui croit en nous. Ensuite, je n’oublie pas l’Ambassade et le Consulat de France pour leurs contributions multiformes dans la gestion de ce phénomène. Enfin, puisque je m’adresse aussi à l’opinion publique béninoise, je voudrais lancer un appel à l’endroit des autorités du Bénin en les invitant à plus de vigilance vis-à-vis des enfants que les gens envoient à l’étranger. Les autorités béninoises résidant au Congo qui protègent les trafiquants sont aussi interpellées avant qu’il ne soit trop tard. C’est ensemble que nous allons conjuguer le phénomène de la traite des êtres humains au passé en Afrique
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN (Interview exclusive du journal FRATERNITE)



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