Epiphane Azon au sujet de l’affaire sextape dans des collèges au Bénin : « Si chacun jouait convenablement son rôle, on n’en serait pas arrivé à cette situation »

Patrice SOKEGBE 3 avril 2020

Le système éducatif béninois ne cesse d’exposer ses faiblesses d’année en année. La publication des vidéos pornographiques des élèves sur les réseaux sociaux suscite une vague de réactions. Epiphane Azon, Président de la Fédération nationale de l’association nationale des parents d’élèves du Bénin (Fenapab), désapprouve quant à lui, cet état chose et pointe du doigt les parents qui prennent soin de leurs enfants sans les éduquer.

Que vous inspire l’affaire sextape dans les écoles ces derniers jours ?
Je dirai que je suis triste au nom de tous les parents d’élèves du Bénin. Nous sommes tous choqués et consternés par la situation. Voir des vidéos de nos enfants tenir des rapports sexuels en classe, c’est à la limite catastrophique. L’école est en détresse et il faut que l’on change de fusil d’épaule.

Qu’est ce qui pourrait être à l’origine de ce phénomène qui ne fait que se répéter ?
L’éducation des enfants est une cause commune, parce qu’elle interpelle tous les acteurs du système éducatif qui doivent se donner la main, des gouvernants aux apprenants, en passant par les enseignants, les parents et l’administration scolaire. Chacun dans la chaîne n’a pas su bien jouer son rôle. Comme l’a dit un artiste, tout le monde est coupable. Si chacun jouait convenablement son rôle, on n’en serait pas arrivé là. Et j’accuse au premier chef les parents d’élèves qui sont les premiers éducateurs des enfants. Les parents d’élèves s’occupent de l’éducation des enfants, l’école se charge de leur instruction.

L’interdiction du châtiment corporel est-elle pour quelque chose ?
Je me demande si le châtiment corporel était si valable pour notre génération et non obligatoire pour celle actuelle. Je constate que frapper les enfants ne leur dit plus rien. L’expérience n’a jamais que démontré le cerveau et la chicotte ont fait bon ménage. La chicotte influence le cerveau. Je n’ai pas connu cette expérience. Donc, à l’ère des technologies de l’information et de la communication, il vaut mieux sensibiliser, communiquer sérieusement avec les enfants et leur dire ce qu’ils doivent faire et ne pas faire. Lorsque cette communication manque, la rue prend le dessus. Dans ce cas, nous assistons à la débauche, comme ce à quoi nous assistons actuellement.

Beaucoup accusent les parents de ne pas prendre soin de leurs enfants. Quelle est votre position à ce sujet ?
Beaucoup accusent à raison les parents de ne pas prendre soin de leurs enfants. Ils ne prennent pas soin de leurs enfants, mais ils ne les éduquent pas. Imaginez-vous que les parents donnent 2000 voire 5000 Fcfa à leurs enfants. Cet état de choses ne permet pas à l’enfant d’apprendre à se battre pour le futur. Il pense sur toute la ligne que la vie est rose. Il végète dans la paresse et crée tout ce que nous constatons aujourd’hui. Donc c’est ma proposition par rapport à ça. Il y a une démission qui ne dit pas son nom. Les parents ne jouent pas correctement leurs rôles de communicateurs et d’éducateurs premiers. Si c’était le cas, je crois que chaque enfant saurait quand même ce qu’il doit faire et ce qu’il ne doit pas faire dans certains milieux ou dans le milieu scolaire.

La présence des parents conditionne-t-elle une bonne éducation des enfants ?
La présence des parents conditionne bel et bien une bonne éducation des enfants. Lorsque les parents démissionnent en matière d’éducation des enfants, nous assistons à ce à quoi nous assistons. Mais malheureusement, il y a des familles monoparentales ou le père a quitté la mère, ou c’est la mère qui a quitté le père. Et c’est le père seul qui s’occupe des enfants, ou bien la mère n’est pas avec les enfants. Là c’est compliqué. Les deux doivent se donner la main pour l’éducation des enfants, d’où le mariage n’est pas pour aller au divorce. Il faut se comprendre jusqu’au retour au Seigneur de chaque membre de la famille.

L’école est-elle un lieu d’éducation ou d’instruction ?
L’école est à la fois un lieu d’éducation et d’instruction. J’ai dit tout à l’heure que l’école achève l’éducation entamée à la maison et ajoute à cette éducation l’instruction. C’est-à-dire le devenir de l’enfant et toutes les matières qu’on lui enseigne à l’école font partie de l’instruction. Mais l’éducation, c’est le savoir-faire qui a commencé à la maison et qui doit continuer à l’école, parce que imaginez-vous, l’enfant passe plus de temps à l’école avec ses enseignants qu’à la maison avec ses parents.

Quelles propositions faites-vous pour sécuriser l’environnement scolaire ?
Pour sécuriser l’enseignement scolaire, il faut commencer par analyser toutes les situations au cas par cas. Les vendeuses s’agglutinent autour des écoles, qui n’ont pas accès à l’école. Or les vendeuses de l’école ont fait toutes les formalités médicales. Celles qui sont dehors ne font aucune formalité mais vendent plus que celles qui sont dedans. Alors il faudrait qu’on analyse pour voir la conduite à tenir. Il faut déblayer toutes les vendeuses qui vendent autour de l’école parce que c’est là où on constate des circuits fabriqués des bonbons, toffee fabriqués à base de drogue. Et les textes existent dans les établissements, il faut les utiliser. Lorsque ça se passe comme ça, quelle est la sanction ? Et il faut sanctionner. Il paraît que lorsqu’on arrache des portables à des enfants, à des apprenants, les parents arrivent et tonnent sur l’administration scolaire. Non ils n’ont pas raisons de crier sur l’administration scolaire, car ils doivent s’inspirer des textes qui régissent le règlement intérieur de l’école et se conformer. S’ils ne peuvent pas se conformer, ils enlèvent leurs enfants de là. Moi je crois que c’est de ça qu’il s’agit. Donc c’est ce que j’allais dire pour sécuriser l’environnement scolaire. Il faudrait aussi que les surveillants généraux jouent leurs rôles. Ce qui se passe dans les privés c’est que le bon payeur est cajolé, lorsque son enfant commet des impairs, on n’est pas obligé de sanctionner cet enfant, on appelle juste le parent pour attirer son attention dessus et ça s’arrête là. Il faut sanctionner et être prêt à renvoyer même en plein année scolaire même si le parent a tout payé.
Propos recueillis par Patrice SOKEGBE



Dans la même rubrique