Formation scolaire au Bénin : L’éducation béninoise en proie à une pénurie d’enseignants qualifiés

La rédaction 2 juin 2017

En dehors des diplômes universitaires sur lesquels ils sont embauchés dans les établissements d’enseignement publics comme privés, les enseignants béninois se retrouvent devant les élèves sans aptitudes pédagogiques. Pire, leur mise en condition, comme cela se voit sous d’autres cieux n’est pas toujours réelle étant donné qu’ils sont parachutés dans le système éducatif.

Il est 07 heures 45 ce lundi, Jonas Koffi, enseignant honoraire d’Anglais arrive au Ceg Godomey où il a cours avec les élèves de la classe de 5ème. Il y enseigne depuis trois ans et se plait bien à la tâche « Je me sens bien avec les élèves, je le fais avec passion. Je sais que c’est une affaire de sacrifice. », confie-t-il. Mais il reconnait avoir commencé le métier sans pré-requis pédagogique. « C’est après ma licence que je me suis lancé dans l’enseignement en 2014, donc je n’ai pas encore fait le Bapes ni le Capes », a-t-il précisé. De ces propos, il ressort que Jonas n’est pas suffisamment outillé pour éduquer les jeunes enfants à qui il doit autant que le savoir, inculquer le savoir-être et le savoir-faire. Malheureusement, ces cas sont légion au Bénin. Malgré qu’il soit un domaine sensible, le secteur éducatif est en proie à un manque de ressources humaines qualifiés qui ne fait que pénaliser les apprenants. D’où, on assiste à la multiplication des enseignants par défaut. Affi Gnonan, enseignante des Sciences de la Vie et de la Terre (Svt) témoigne « Ce métier n’est pas le métier de mes rêves. Mais quand je finissais ma quatrième année en Chimie biologie géologie (Cbg) à l’Université d’Abomey-Calavi, je ne savais à quoi m’accrocher. C’est alors j’ai dû prendre la craie en attendant de scruter d’autres horizons. Mais j’y ai pris goût. Seulement que je n’ai pas encore trouvé les moyens pour faire la formation professionnelle. ». A force de s’y frotter, elle a donc fini par s’y piquer. Chez Affi, comme chez plusieurs enseignants rencontrés, la vocation est née dans le feu de l’action. C’est ce que confirme Herman Codjo, enseignant de Français : « Ceci reste pour moi une passion. Je prépare normalement mes fiches et je dispense les cours comme cela se doit. Je reconnais que j’ai besoin de formation ». A travers ces témoignages, on peut avancer sans risque d’être contredit que le Bénin perd de ses habitudes en matière de formation des enseignants. Pour ne remonter qu’à la période révolutionnaire, les enseignants passaient quasi-systématiquement par l’Ecole normale supérieure de Porto-Novo avant de prendre la craie. Aujourd’hui, personne ne conteste la qualité du produit que ceux-là avaient généré.

La nécessité de la formation professionnelle
La formation initiale intégrée ou la formation professionnelle exclusive sont d’une importance capitale selon Docteur Basile Cossi Médénou, inspecteur pédagogique du second degré. Il définit ce qu’est un enseignant compétent : « C’est celui qui maitrise les programmes ou les situations d’apprentissage à développer ». Des aptitudes indispensables, auxquels se greffent bien d’autres telles que la connaissance des méthodes et stratégies d’enseignement, des supports didactiques (les livres inscrits au programme), une bonne préparation des cours sous-entendue l’élaboration des fiches pédagogiques, la maitrise des techniques de gestion efficace du groupe-classe (l’ensemble constitué par les élèves, l’enseignant lui-même, la salle de cours et l’activité pédagogique qui s’y déroule), les activités d’évaluation formative, les outils d’évaluation sommative, ainsi que les mécanismes de remédiation aux insuffisances notées au cours des évaluations, la législation scolaire en vue de l’application du code déontologique du métier d’enseignant etc. Ce qui fait dire à Basile Cossi Médénou que : « L’enseignant sans Bapes (Brevet d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Supérieur) ni Capes (Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Supérieur) est un enseignant qui n’a que la compétence académique. ». Autrement dit, que cet enseignant reste limité aux notions générales acquises à l’université. Les conséquences de cet état de choses sont multiples. Subjectivité dans les évaluations, démotivation des apprenants à cause de la non maîtrise des techniques de gestion des classes, mauvais résultats scolaires, désaffection pour l’école, décrochage et déperdition scolaires ; on n’en finit point d’énumérer, tant ces maux affectent l’éducation béninoise.

Vivement la refonte du mode de formation
Parachutés en masse dans le système éducatif, les enseignants béninois bénéficient d’une formation sur le tas avec des modules de renforcement de capacités qui se font en pleine année scolaire. L’inspecteur pédagogique Médénou trouve que cela ne remédie qu’en partie au problème : « Je pense que ces efforts ne remplaceront jamais une formation professionnelle à l’école normale supérieure. Nos actions sur le terrain contrôlent la mise en application des stratégies d’enseignement-apprentissage-évaluation dans leur phase pratique, la conformité des objets d’enseignement avec les programmes en vigueur, et œuvrent aux remédiations des failles constatées. L’efficacité de ces actions est déterminée par un background professionnel initial qui s’acquiert à l’Ecole Normale Supérieure ». A l’analyse des propos du pédagogue, on peut conclure que les moyens déployés par l’Etat pour remettre à niveau la masse d’enseignants qui arrivent chaque année dans les écoles n’a qu’un effet placebo sur le système éducatif. « Ce n’est pas sur le terrain que l’enseignant se forme aux grands principes de la psychologie cognitive, aux modes d’évaluation, à la gestion et à l’animation du groupe-classe et encore moins à la législation scolaire mais à l’ l’Ecole Normale Supérieure », a martelé le pédagogue. Mais là encore, des réserves peuvent être émises, le produit issu de l’Ens n’ayant pas toujours le niveau requis. S’ils ne sont pas de peu en dessous de la moyenne, certains enseignants qu’étant formés à l’Ens ont tout simplement des lacunes criardes. La panacée ne serait donc pas de recruter que des enseignants normaliens mais il faut déjà que ceux-ci aient la vocation d’enseigner ou encore ce don de soi sans lequel le titre d’enseignant serait galvaudé. En clair, ce n’est pas d’un colmatage express que l’éducation béninoise a besoin mais d’une refonte qui ne doit rien laisser aucun aspect en rade.
Prévert DJOSSOU (Stag)



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