Grossesses des adolescentes à l’école : Des vies brisées au seuil de l’épanouissement

Moïse DOSSOUMOU 21 novembre 2013

Haletant, la démarche guindée, le corps ruisselant de sueur, Arlette, élève en classe de 1ère se rend non sans effort au cours d’anglais en cet après-midi ensoleillé du mois de novembre. Délaissée par ses copines et camarades de classe avec qui elle faisait naguère le trajet de l’école, le cœur lourd, elle effectue ce parcours qui lui procurait auparavant un immense plaisir. Aujourd’hui, frustrée et désabusée, elle s’accroche à la vie comme le naufragé s’arc-boute à une main secourable. Quand après ce périple, elle franchit le portail de son lycée, il lui faut faire face aux commentaires désobligeants de ses camarades et même de certains enseignants qui prennent un malin plaisir à la stigmatiser. Pourtant, Arlette a toujours été une jeune fille intelligente, sociable et sûre d’elle. Appréciée de tous, elle faisait la fierté de ses parents et ses bonnes notes auguraient d’un avenir prometteur. La nouvelle de sa grossesse répandue telle une traînée de poudre a entaché sa réputation à un point qu’elle n’a plus que ses yeux pour pleurer.

Sexe, tabou à la maison
Lucien, préposé des services administratifs, et père de l’adolescente ne cache pas son amertume. « Ma fille est encore une enfant, elle est si jeune. J’appréhende son avenir avec beaucoup de peine. Je me demande comment elle pourra reprendre le cours de ses études, décrocher son bac, et plus tard un emploi décent avec un enfant sur les bras et le peu de ressources dont nous disposons. La vie devient de plus en plus chère. Quand je vois le ventre de ma fille s’arrondir, j’ai des pincements au cœur. J’ai si mal pour elle », se lamente-t-il. Jeanne, par contre, enceinte à 15 ans ne bénéficie pas de la même sollicitude que sa camarade d’infortune. Chassée de la maison, elle s’est réfugiée chez une tante qui lui assure le gîte et le couvert en attendant que la tempête paternelle se calme. Or, il aurait fallu que l’éducation sexuelle soit instaurée à la maison pour que ces adolescentes soient épargnées des tourments qui les rongent, malgré la vie qui fleurit en elles.
« J’aurais dû me rapprocher beaucoup plus de ma fille, lui prodiguer des conseils et veiller à ses fréquentations. Hélas, le mal est déjà fait », se désole Lucien qui ne comprend pas comment un tel malheur a pu s’abattre sur sa famille.

Le piège
Enceinte à 16 ans, Arlette entreprend péniblement sa transition vers la maternité à un âge où elle avait encore tant à découvrir de la vie. Son histoire, quoiqu’anodine, n’est pas moins poignante. Elle s’est retrouvée abandonnée et trahie par celui qu’elle aimait après qu’elle s’est donnée à lui lors d’un concours de circonstances. Le prétendu amoureux a disparu de sa vie sitôt le fruit défendu goûté et malheureusement, l’acte a induit une grossesse qu’elle a décidé de garder par crainte des conséquences de l’avortement. « Il m’a bien eue », lâche-t-elle dans un souffle. Malgré son état, sa vie est partagée entre les travaux domestiques, les soins médicaux et les activités scolaires.

« Plus tard, plus sûr »
Suzanne Govi épouse Koundé, sage femme en service au Chd-Ouémé-Plateau, recommande aux jeunes filles de se mettre à l’abri des grossesses précoces et non désirées. A l’en croire, la survenue d’une maternité à l’âge pubère n’est pas recommandée compte tenu d’un certain nombre de facteurs dont le risque de complications obstétricales et les charges matérielles et financières qu’elle induit pour la jeune maman qui ne dispose pas encore d’un revenu. De plus, il n’est pas donné à toutes les jeunes filles de reprendre le chemin de l’école après avoir accouché. A cet effet, la campagne de sensibilisation dénommée « Plus tard, plus sûr » répond beaucoup plus aux attentes des adolescents à qui il faut apprendre dès le jeune âge à maîtriser leurs pulsions sexuelles, au lieu de leur proposer le préservatif comme un rempart contre les risques découlant de l’activité sexuelle.



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