Hygiène et assainissement en milieu scolaire : Le calvaire des collégiennes en période de menstruation

La rédaction 10 avril 2019

Quand elles ne s’y sont pas préparées, beaucoup d’adolescentes au Bénin peinent à gérer leur période de menstruation. Entre les railleries des camarades, le manque de moyens pour se payer une serviette, le défaut de toilettes propres à l’école, etc. les filles pubères paniquent et s’exposent.

Vanessa, 14 ans, garde un mauvais souvenir de la première fois où elle a eu ses règles. « J’ignorais ce qui se passait. Mes camarades ricanaient quand l’une de mes amies m’a soufflé que je suis tachée. J’ai eu la honte de ma vie », raconte cette apprenante du Ceg Le Méridien, à Cococodji. Paniquée, Vanessa a été obligée de rentrer, en larmes, à la maison, ratant ainsi les cours de l’après-midi. Tout comme elle, nombreuses sont ces jeunes filles écolières qui sont surprises par ce phénomène biologique. Souvent, c’est à l’école qu’elles vivent cette toute première expérience avec le stress qui l’entoure. « J’avais peur, mes vêtements étaient tachés de sang, c’était ma toute première fois, j’étais obligée de demander la permission pour rentrer. Une fois à la maison ma maman m’a prodigué quelques conseils », confie Annie, élève en classe de seconde.

Des toilettes peu adéquates dans les écoles
En menstrues, les jeunes filles à l’école n’ont toujours pas les moyens de se changer dans de bonnes conditions. Selon les témoignages des apprenantes, les écoles sont parfois dépourvues de toilettes ou même s’il en existe, l’hygiène fait défaut. C’est une réalité à laquelle Bernice, élève en classe de 3e est confrontée au point de manquer les cours. « Je ne vais pas à l’école quand je suis en règles car dans mon collège, les toilettes ne sont pas propres. Il n’y a pas non plus d’eau pour que je puisse changer les serviettes, faire ma toilette et me laver les mains ». Elvire, élève en Tle, vit aussi cette réalité : « Nos toilettes sont faiblement entretenues. Il m’arrive des fois de rentrer à la maison pour me changer si je sens que le sang est abondant ».
Au Bénin, la thématique sur l’hygiène menstruelle est encore émergente. Sur le terrain, les organisations de la société civile commencent à prendre des initiatives dans ce sens avec un accent sur l’accès à des infrastructures adéquates. « Dans les écoles, les ouvrages d’assainissement laissent à désirer. Il faut des latrines sexo-spécifiques, c’est-à-dire en fonction du sexe pour donner l’intimité à la jeune fille de se changer quand elle est à l’école. Il faut les éduquer pour assurer l’hygiène au niveau des toilettes scolaires », déclare Yadjidé Adissoda Gbèdo, Chef du Programme d’amélioration de l’accès à l’assainissement et aux pratiques d’hygiène en milieu rural (Paphyr).

"13% des cas d’abandons liés à l’hygiène menstruelle"
La situation est parfois si préoccupante que certaines filles manquent les cours pendant quatre ou cinq jours, uniquement parce qu’elles n’ont ni protection hygiénique, ni accès à l’eau, à des sanitaires ou à un endroit pour se laver. « Il m’est arrivé une fois de manquer les cours pendant trois jours. Le sang était vraiment abondant et je dois me changer régulièrement. Voilà que nos toilettes sont irrégulièrement entretenues, et aussi il n’y pas un endroit où tu peux te doucher », témoigne Rebecca D.
Félix Adégnika, Coordonnateur national du Wsscc voit le problème de façon plus profonde. « Une étude récente faite par la fondation Claudine Talon a montré que 13% des cas d’abandon des filles dans les écoles sont liés à la gestion de l’hygiène menstruelle. Deux raisons fondamentales en sont la cause : La raillerie des camarades de classe qui comptent pour 30% des raisons évoquées et les malaises que les filles ressentent en période de menstruation qui constituent les 70% restant. Dès que la fille est tachée à l’école, les garçons se moquent d’elle puis elle est obligée de rentrer », déplore-t-il.

"…des feuilles de cahier pour contenir le sang"
Le choix des protections hygiéniques pour les jeunes filles est souvent limité par le coût. Certaines peuvent être amenées à faire avec les moyens de bord. « Il m’est arrivé une fois d’utiliser les feuilles de cahier. J’étais au cours quand j’ai senti l’arrivée des menstrues. J’ai pris quatre doubles feuilles pour me protéger en attendant de rentrer. Ce n’était pas ma première expérience. J’avais l’habitude de les utiliser, mais vers la fin, puisque le sang n’est plus abondant », déclare Gertrude E, élève en Tle.
Avec un peu plus de moyens, d’autres préfèrent utiliser les couches bébé, parce qu’elles sont à la fois moins chers mais aussi efficaces. « Depuis plusieurs mois j’utilise les couches bébé, c’est une amie qui m’a donné le secret. J’ai essayé, j’ai aimé et j’ai pris goût. C’est moins de dépenses et tu ne seras même plus obligée de te changer » nous dit Esther A. Nombreuses aussi sont celles qui, en raison de la cherté des protections hygiéniques utilisent des pagnes pendant leurs règles. « D’habitude j’utilise les pagnes, mais si j’ai cours, les matins je mets les protections jetables et pour me changer à midi je mets le pagne que je lave une fois à la maison », confie Sonia G. Le lavage de ces pagnes réutilisables s’effectue au savon et à l’eau chaude. Ils sont séchés soit dans la chambre soit dans une pièce privée. « Je sèche mon pagne de protection derrière la porte de ma chambre pour que cela ne soit pas au vu de tous », ajoute-elle. Si ces pagnes de protection ne sont pas séchés à l’air libre, c’est parce que la menstruation demeure un tabou dans certaines familles.

Des solutions durables
Cette problématique figure au rang des Objectifs du développement durable. Raison pour laquelle, selon Félix Adégnika, il urge que des mécanismes soient mis en place au Bénin comme c’est le cas dans certains pays de la sous-région. « Il faut que tous ceux qui interviennent dans le secteur se mettent autour d’une table pour faire la cartographie des interventions, des acteurs, pour mesurer l’importance de la problématique. Ce qui pourra déboucher sur une feuille de route. Nous avons nos idées sur ce qui est fait au Cameroun, au Sénégal, etc. et qui porte ses fruits », propose Félix Adégnika. En entendant, Yadjidé Adissoda Gbèdo suggère : « Il faut travailler à briser le tabou. A l’école, les menstrues peuvent venir à tout moment. Si on ne les éduque pas dans ce sens, elles sont stigmatisées ». Dans les communautés, le tabou est grand. Les risques liés à la méconnaissance des règles d’hygiène sont énormes. Mais les filles, ignorantes ou contraintes, subissent.
Firmine POGNON & Lassiratou MALAWE (Stags)



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