Interview avec le Sg Cosi, Noël Chadaré : « … Quand un concours est entaché d’irrégularités, la décision idoine est de l’annuler et de le reprendre … »

Patrice SOKEGBE 12 décembre 2013

Une semaine après la validation en conseil des Ministres du concours de recrutement d’agents permanents de l’Etat au profit de la douane, du trésor et des impôts, les syndicats ont exprimé leur mécontentement. Dans un entretien avec le Secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes, Noël Chadaré dénonce la mise à l’écart du syndicat dans l’organisation des concours.

Quelle appréciation faites-vous de la validation du concours de recrutement au profit de la direction du trésor public ?
C’est à la grande surprise de tout le monde que le gouvernement a validé ce concours, je crois que ce n’est pas une bonne chose, parce que nous sommes dans un Etat où on parle de lutte contre la corruption. Le Chef de l’Etat a marché contre la corruption, il a fait adopter une loi sur la corruption. Dans certaines décisions, on sent une envie d’éradiquer cette gangrène dans notre pays. Malheureusement, les faits qui se sont produits depuis quelque temps, surtout pour ce concours, montrent que le pouvoir n’est pas en phase avec ses déclarations. On ne peut pas vouloir quelque chose et son contraire. Avec ce qui a été dit sur le concours, on a constaté que des gens ont été déclarés admis alors qu’ils ont échoué. On a établi un lien entre certains noms qui figuraient sur la liste des admis et ceux des responsables de ministères et de directions. Quand un examen ou un concours est entaché d’irrégularités, la décision idoine est de l’annuler et de le reprendre. Donc, c’est un contre pied parfait de ce qu’on attendait. On pensait que le pouvoir resterait en phase avec sa détermination à lutter contre la corruption. Mais cela donne l’impression qu’on fait quelque chose et son contraire. La conséquence, c’est que les concours d’entrée à la fonction publique sont décrédibilisés et discréditent le pouvoir. Quand il y a concours, tout le monde appelle son parent qui se trouve dans l’administration publique. Parfois on m’appelle : « Il y a ton enfant, ton cousin,….trouve-lui une place dans la fonction publique ». Parce que personne ne croit au mérite. On se dit qu’il faut s’appuyer sur les relations et les connaissances. C’est ça qui est dans l’imaginaire collectif. Et l’Etat, en prenant cette décision de valider ce concours, confirme que les concours au Bénin s’organisent sur la base des relations, des connaissances, et des liens de familiarité. C’est dommage pour notre pays, parce que nous sommes un pays sous développé. Et pour espérer un développement véritable, ce pays a besoin d’une administration de performance. Ce n’est pas en nivelant par le bas ou en recrutant sur la base des connaissances et autres qu’il faut espérer le développement. Au contraire, nous allons nous enraciner dans la pauvreté.

Les responsables syndicaux ont-ils été associés à l’organisation de ce concours ?
Les syndicats n’ont pas été associés. Si vous avez suivi notre ami Laurent Mètognon, il a toujours proposé que les syndicats soient des partenaires pour l’organisation des concours et qu’ils aient leurs yeux rivés sur la manière dont les concours sont menés. A ce sujet, ils pourraient affirmer qu’il y a eu la transparence. Mais les propositions qui ont été faites par la Fesyntra-finances n’ont pas été considérées et l’Etat continue de procéder comme à son habitude. C’est comme si on avait quelque chose à cacher, alors que nous voulons des agents de l’Etat performants. On ne veut plus évoluer dans la médiocrité, parce qu’on estime que les uns et les autres doivent travailler dans la fonction publique. Les syndicats n’ont pas été associés. Les gens ont fait ce qui leur plaisait. Conséquence, nous avons eu des résultats douteux et frauduleux.

Vous n’êtes donc pas associés aux récents concours de recrutement organisés à l’intention des enseignants du primaire
D’abord, ce concours a été organisé depuis plus de 2 mois. Les gens ont composé et jusque-là, nous n’avons pas les résultats. Pour ce concours aussi, les syndicats ne sont pas associés. Vous savez, les gens ont l’impression que le syndicat constitue un trouble-fête pour le bon déroulement des activités. Les syndicats sont ceux-là qui peuvent apporter une caution morale à l’organisation du concours. Malheureusement, nous avons été écartés. Donc, nous attendons toujours les résultats comme tout le monde. Et puisque nous ne sommes pas dans le secret des dieux, nous ne savons pas ce qui se trame encore. J’espère que ça ne sera pas un concours qui va faire l’objet de polémique.

Quelles démarches avez-vous mené pour une proclamation rapide des résultats, étant donné que l’Etat est en manque d’enseignants à la maternelle et au primaire ?
Puisque nous ne sommes associés à rien, nous observons les gouvernants. C’est eux qui dirigent le pays. Ce sont eux qui savent qu’on a besoin des enseignants dans les classes. Mais s’ils trouvent que l’enseignement n’est pas une priorité et qu’il est possible d’envoyer les gens dans les classes en février ou en mars, nous prenons acte. Ce sont eux qui organisent, ce sont eux qui payent les enseignants. Nous n’avons pas une action spécifique que nous menons. On a déjà beaucoup de choses à faire. Nous sommes dans un pays où les syndicats sont mis à rudes épreuves. On attendra de voir ce qu’ils vont décider. Ils font du pays ce qu’ils veulent, parce qu’un concours dure au plus 2 ou 3 semaines. Et jusque-là, ce n’est pas fait.



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