Le Ministre Martial Souton à propos de la crise sociale : « Si les centrales syndicales peuvent montrer leur sens de patriotisme, les grèves doivent cesser »

Patrice SOKEGBE 3 mars 2014

Pascal Todjinou, Sg- Cgtb : « Si Placide Azandé n’est pas limogé, la grève continue »
Vous savez qu’aucune conclusion de négociation ne se fait à la télévision nationale. Je crois que l’intervention du Chef de l’Etat est un désaveu pour les membres du gouvernement qui négocient avec nous. C’est un grand désaveu. Ça veut dire en termes clairs que le Président Yayi ne fait confiance à personne. Il vient à la télévision pour faire un discours qui mélange tout à la fois. En tout cas, la base avisera. Le discours de Boni Yayi ne nous a rien apporté de nouveau. Et s’il dit vrai, que l’Etat commence dès ce lundi à payer les défalcations. Ensuite on avisera. Nous n’allons pas accepter une duperie. Qu’on reprenne le travail et que par la suite, il va refuser de payer les fonds défalqués. Donc, nous voulons des propos concrets accompagnés d’actes concrets. Et par voie de conséquence, ne pensez pas que nous allons démordre. La grève continue. C’est pour cela que les Secrétaires généraux signataires de la grève sont dans tous les départements. La grève que nous avons enclenchée est-elle d’abord pour la restitution des défalcations ? Non ! Nous avons parlé de notre liberté, et surtout le limogeage de Placide Azandé. Si Placide Azandé n’est pas limogé, la grève continue. Et, c’est près de 2,5 milliards que le Bénin perd chaque jour quand il y a grève, sans compter d’autres faits sociaux qui créent des perturbations dans le pays. Et le gouvernement de Yayi est entièrement responsable de ce qui va advenir. Nous disons à nos militants que jusqu’à nouvel ordre, la lutte continue pour des victoires grandes.

Paul Essè Iko, Sg-Cstb : « Est-ce qu’on a conclu une négociation à la télévision ? »
C’est un discours provocateur. Le Président de la République fait une déclaration à la télévision, alors que nous avons entamé des négociations qui ne sont pas encore conclues. Les négociations doivent être conclues par un relevé des conclusions signé d’accord-partie. D’abord, le Chef de l’Etat nous a choisi des médiateurs en dehors des textes en vigueur. Nous entamons une négociation et il va la conclure à la télévision. Est-ce qu’on conclu une négociation à la télévision ? Au nombre des raisons qui ont conduit à la grève, il y a d’abord la liberté. Notre liberté nous est très chère. Nous avons obtenu cette liberté avant que Yayi ne vienne. Et il n’a pas le droit de remettre cela en cause. Alors, si Azandé Placide et Pierre Coovi Agossadou ne sont pas relevés de leurs fonctions, nous continuerons le mouvement de grève.

Martial Sounton invite les syndicalistes à mettre fin à la grêve

J’informe tous les travailleurs qu’il s’agit de vaincre ou de périr.
Le 28 février dernier, le Chef de l’Etat a annoncé que les fonds défalqués pour fait de grève seront restitués aux travailleurs. Comment appréciez-vous cette sortie médiatique de Boni Yayi ?
Je voudrais rappeler que lors des négociations, les centrales syndicales ont insisté sur la nécessité de débattre essentiellement du point des défalcations qui étaient pour elles une préoccupation majeure. Dans un 1er temps, le gouvernement a dit que pour être dans la logique du dialogue, qu’il suspend la mise en œuvre de la suite des défalcations. Ils n’ont pas été d’accord avec nous et vous avez suivi cela à travers les medias. Ils ont exigé que ce soit la restitution des défalcations. Nous nous sommes séparés sur ce point. C’est le point majeur à relever pour la reprise des négociations avec les centrales syndicales. On a rendu compte au Chef de l’Etat qui dans un 1er temps s’est vu face à deux contraintes : faire respecter la loi en maintenant les défalcations et assurer la paix, la cohésion nationale et donc l’avenir des enfants qui ont cessé d’aller l’école où qui meurent dans les hôpitaux. Il était face à ces deux contraintes. Heureusement, le 28 février correspondait à un jour où le peuple béninois est sorti grand d’un processus de pardon. A cette occasion, le Chef de l’Etat a accepté de restituer les défalcations pour donner satisfaction à une revendication majeure des travailleurs afin qu’ils reprennent le chemin des écoles et des centres de santé. Donc, c’était un jour historique et l’option de la restitution des défalcations, était une exigence des centrales syndicales. Qu’il vous souvienne que nous avions fait un 1er pas que les centrales syndicales ont jugé insuffisant et que le Chef de l’Etat avait déjà accepté. La 2ème option, c’était de restituer carrément les défalcations. Logiquement, juste après cette levée de la mesure des défalcations, la balle doit être normalement ramenée à terre au niveau des centrales syndicales, s’il n’y avait pas d’autres choses à discuter.

Pour les syndicalistes, il faut un relevé des conclusions des négociations et ce n’est pas à la télévision que le Chef de l’Etat devrait conclure les négociations. Qu’en dites-vous ?
Le Chef de l’Etat est un dernier recours, nous ont-ils toujours dit. Ils nous ont envoyé vers lui pour négocier ce point des revendications. Ils ont voulu d’une réponse sur une exigence. La réponse a été favorable et normalement, il ne devrait plus avoir de débat. Mais à les écouter, c’est comme s’ils ont encore d’autres mobiles qui les poussent à vouloir maintenir la grève. Parce que dans un 1er temps, c’est le gouvernement qui avait voulu qu’on discute de tous les points et les centrales ont dit que ces points n’étaient pas prioritaires. Le point prioritaire était la restitution des défalcations sur salaires pour fait de grève. Aujourd’hui, la question de la restitution est réglée à travers le discours du Chef de l’Etat. Je crois que c’est largement suffisant pour que, si nous voulons être honnêtes, tout le monde reprenne le travail dans le sens de la cohésion et de la paix. Et si les centrales syndicales peuvent faire un pas pour montrer leur sens du patriotisme, les grèves doivent cesser. Cela n’entache pas la poursuite des négociations. D’ailleurs, nous leur avons déjà proposé cette option de reprendre le travail et que dans un agenda bien précis, déterminé d’accord-partie, qu’on puisse épuiser les autres préoccupations. Ils ont refusé. C’est eux qui nous ont maintenus sur le seul point des défalcations. Maintenant que le point est évacué, ils ne se retrouvent pas et ils disent encore autres choses.

Monsieur le Ministre, vous avez suivi la réaction des deux Secrétaires généraux. On parle de désaveu et de discours provocateur. Que répondez-vous ?
Ce n’est pas une question de désaveu. Le Chef de l’Etat a pris ses responsabilités sur la base des comptes rendus que la commission lui a faits. De quoi parlons-nous quand nous parlons de liberté. Y a-t-il des prisonniers politiques dans ce pays ? Mais écoutez un peu ce qu’ils disent même vis-à-vis du Chef de l’Etat. Et en l’état, on dit qu’il n’y a pas la liberté. On doit faire attention quand on parle à une autorité. Les institutions les plus sérieuses écrivent toujours que nous faisons partie des braves pays où la liberté est totale, où la démocratie est en marche. Je crois qu’il faut qu’on cesse de personnaliser les débats et qu’on soit objectif. Ce que nous faisons au Bénin est bien vu ailleurs et nous mettons de la boue dessus. Ce n’est pas normal. Parlant des questions de limogeage, il ne revient pas aux centrales syndicales, ni à la population de donner des ordres au Chef de l’Etat. Ce qu’on a proposé, c’était donc qu’une commission va statuer sur ce qui s’est passé. Après étude, le gouvernement pourra décider de la suite. Mais le gouvernement ne pourra pas décider parce que les centrales syndicales le demandent. Le Chef de l’Etat a les prérogatives de limoger si les mis en cause sont vraiment en faute.
Nous sommes dans un pays où les gens n’aiment pas voir les prouesses du gouvernement. Regardez tout ce que le gouvernement a fait dans le secteur de l’éducation. Regardez tout ce qui a été fait au niveau de la masse salariale, malgré le fait qu’elle ait outrepassé le plafond des 35%, le gouvernement a toujours continué par faire des efforts significatifs dans l’amélioration des conditions de vie et de travail. Pour preuve, de 2006 à ce jour, au moins 1000 salles de classe sont construites par an. Les enseignants prennent aujourd’hui 55% de la masse salariale. Et pourtant ! La crise du coton et celle du secteur privé se greffent désormais à la crise sociale aujourd’hui. Nous devons faire l’effort de démêler ces deux aspects. Parce que ça ne nous amène nulle part. S’agissant des grèves, c’est environ 125 millions de Fcfa de fonds qui ont été défalqués contre 25 milliards de salaires par mois. C’est une part infime. Mais le Chef de l’Etat a dit que les poches de résistance sont ceux qui travaillent dans les écoles, dans les centres de santé. Et le Chef de l’Etat a les prérogatives de garantir la sécurité de ces personnes-là. Par conséquent, il est obligé de faire quelque chose pour décrisper la tension sociale. On comprend qu’à travers ce que nous venons de suivre, certaines personnes ne sont pas dans la logique de la décrispation.

Certains syndicalistes sont dubitatifs. Ils disent qu’ils veulent des actes concrets et que le gouvernement commence par rétrocéder les fonds défalqués.
Un minimum de logique dans ce que nous faisons. Un Chef d’Etat a fait un discours solennel et a ordonné la rétrocession des défalcations. Nous sommes dans un Etat dans lequel la transparence y est. Il faut que les gens traitent et commencent par payer dans tout le Bénin. Donc, il faut un peu de temps pour la restitution. Quand les gens pensent que les travailleurs doivent continer la grève, jusqu’au paiement des défalcations, je crois qu’ils en font un peu de trop.

A la suite du discours du Chef de l’Etat, la réaction des Secrétaires généraux montre bien que la grève va se poursuivre. Le gouvernement a-t-il déjà pensé à une alternative au cas où la grève se poursuivrait ?
De toutes les façons, les alternatives sont là. Premièrement, n’oubliez pas que les jeunes cherchent du travail. Les autres ont le travail, sont payés pour le travail, et refusent d’aller au travail. C’est un paradoxe. On ne pourra pas continuer à accepter cela. Secundo, à partir de ce lundi, les statistiques seront rigoureusement tenues par les préfets, les maires et les parents d’élèves. Donc, dans chaque commune on aura un point précis. Et la loi sera appliquée avec la dernière rigueur. Parce que le gouvernement est en train de comprendre que les vrais mobiles sont ailleurs. Ceux qui auront compris le message du Chef de l’Etat et qui se seront mis au travail, à travers les statistiques, seront épargnés. Donc, des mesures sont prises pour que la sécurité des gens soient assurée, que les grévistes indélicats soient remplacés, que les défalcations se poursuivent au niveau de ceux qui iront encore en grève.
Transcription : Patrice SOKEGBE



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