Les sachets plastiques au Bénin : Un ennemi intime, difficile à combattre

La rédaction 6 juillet 2017

Après plus d’une décennie de léthargie, le Bénin s’engage à interdire l’importation, la production, la commercialisation et l’utilisation des sachets plastiques sur son territoire. Alors que les acteurs attendent l’adoption de la loi en la matière pour enclencher le combat, faute d’alternatives, les utilisateurs peinent à s’en débarrasser.

Le retour du sujet dans l’actualité, ces derniers jours, ne bouscule en rien les habitudes. Pour de nombreux usagers des lieux d’échanges commerciaux, la volonté d’interdire les sachets plastiques reste un épiphénomène. Accrochée à ses trois colis de sachets en plastiques, dame Toffoton, rencontrée ce 03 juillet 2017, au cœur du marché Dantokpa, se moque presque d’une probable interdiction. « Les dirigeants n’ont apparemment rien d’autre à faire dans le pays. On a interdit les médicaments de rue, les vendeurs d’essence sont persécutés, maintenant ce sont les sachets plastiques qui les préoccupent », dit-elle sur un ton moqueur. Pourtant, elle n’est pas sans être informée de certains risques liés à ces matières. Ramenée à la raison par un autre usager, Toffoton conteste. « Je sais que ce n’est pas bon. Je n’ignore pas l’odeur que ça dégage quand on fait le feu avec. Mais, si c’est juste transporter des produits, l’Etat doit être regardant », ajoute-t-elle.

Dantokpa : le gisement de la bête noire
S’il y a un lieu qui illustre aussi bien l’attachement que les Béninois ont pour les sachets plastiques que les conséquences sur l’environnement, c’est le marché Dantokpa. Depuis le pont, la berge reflète un gisement de déchets, dont les plus dominants sont les plastiques, qui finissent leur course au niveau de l’embouchure. A Dantokpa, la quasi-totalité des emplettes se font dans ces sachets à portée de main des milliers d’usagers qui fréquentent le marché. A Missèbo, ils tapissent les allées au point de s’accrocher aux pieds. « Tout se fait ici avec les sachets. Je ne vous le dis pas, mais ils sont même utiles pour des besoins physiologiques », lâche Razaki, un vendeur de fripes.
En suivant les indications des vendeurs, nous nous retrouvons devant un distributeur de sachets. Visiblement peu soucieux d’une probable interdiction, il se contente de quelques commentaires en Yoruba. Des discussions en aparté avec des détaillants permettent de comprendre que le Nigéria est le véritable fournisseur du Bénin et que Dantokpa reste la première cible de la guerre contre les matières plastiques. « Une bonne partie des sachets qui quittent le Nigéria atterrissent ici pour être distribués aux détaillants. Même si on interdit les sachets, ce ne sera pas facile de faire respecter la mesure ici à Tokpa. Ce sera un peu comme la lutte contre les faux médicaments », affirme Christian, gérant dans une boutique de téléphonie mobile.
La lutte pourra donc prendre plusieurs années, voire une décennie, comme le cas de la bataille contre l’essence de contrebande. C’est un détail que Dr Victor Gbèdo, Directeur de Dcam/Bethesda prend au sérieux. « Il faut s’attendre à des résistances, surtout au niveau de ceux qui ont des profits dans ce commerce de produits plastiques. Il faut alors certes la loi, mais il faut rester déterminé pour ne pas fléchir. Nos douaniers doivent faire un travail énorme avec la porosité de nos frontières », avertit-il. Au-delà du marché Dantokpa, presque tous les centres d’échanges commerciaux constituent des facilitateurs du voyage des sachets des lieux d’importation vers les ménages, puis les dépotoirs.

L’Uac, un modèle qui fléchit
L’absence d’alternative, c’est-à-dire de sachets biodégradables, n’est pas de nature à favoriser la lutte. Certains consommateurs disent n’avoir pas le choix. C’est le cas de Dénis, étudiant à la Fashs, qui s’offre, ce mardi matin, non loin de l’arrêt bus du campus, un plat de riz chaud dans un sachet noir. « Les sachets sont mauvais, mais nous n’avons pas d’autres alternatives. En dehors des vendeuses de pain qui continuent pour la plupart de vendre en papiers journaux, discrètement tout se vend presque en sachets », explique-t-il. Pourtant, il y a quelques années, la mesure d’interdiction était strictement respectée sur le campus. Avec un peu de flexibilité, les vieilles habitudes reprennent, et les sachets signalent leur retour. « Il y en a qui amènent ça depuis la maison. On ne peut pas fouiller tous ceux qui entrent au campus pour détecter les sachets. Le Bénin n’a pas à mon avis un problème de textes mais de mentalités », relativise Dr Jaurès Tanmapi, spécialiste des sciences de l’environnement. Par contre, l’Université d’Abomey-Calavi ne fléchit pas dans sa détermination à redonner une nouvelle vie aux déchets. Au Centre de Valorisation de déchets en énergies renouvelables et en agriculture (Valdera), les déchets dégradables sont transformés en compost pour le maraichage, et en énergies renouvelables utilisée sur place. Les matières plastiques également changent de vie. « Les plastiques lavés, broyés puis mélangés avec de la sciure, et du polymère sont transformés en pavés. La fabrication de faux plafond est en expérimentation », précise Dr Jaurès Tanmapi.
Les possibilités de valorisation sont énormes. L’engagement de l’Etat manque encore à l’appel pour la promotion des alternatives possibles, la valorisation en masse des sachets qui se retrouvent déjà dans la nature. Cette marche à tâtons risque de donner raison à cette revendeuse de divers à Dantokpa qui craint que la lutte ne soit que « du folklore ».
Fulbert ADJIMEHOSSOU



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