Lutte contre l’insécurité au Bénin : Braquages par des soldats : une équation difficile à résoudre

La rédaction 18 octobre 2017

Les faits deviennent récurrents et inquiétants. Bien que l’Etat-major général n’ait jugé utile de s’expliquer au sujet de ce drame qui fait école sur l’ensemble du territoire national, il convient de s’attarder sur comment ils en sont arrivés à devenir des bourreaux pour des populations dont ils ont à charge la protection. Que de l’opprobre jeté sur la grande muette, sans que cela n’émeuve personne. Pourtant, les forces armées béninoises continuent de faire la fierté du pays et de sa démocratie sur un continent en proie à des conflits. Si on n’y prend garde, les braqueurs tapis dans leur rang, risquent de conjuguer au passé cette réputation d’armée la plus disciplinée de la sous-région, dont chacun peut encore s’enorgueillir.
L’implication des hommes de rang dans les actes de braquages déjoués çà et là, renseigne davantage sur l’ampleur du mal et laisse perplexe sur sa propension. Certes, chaque corporation a ses tares, mais quand des gens formés au maniement de l’arme, trahissent leur serment et s’adonnent à des actes répréhensibles, il y a de quoi susciter l’émoi au sein du peuple. Des soldats braqueurs, c’est une porte ouverte au grand banditisme, un phénomène déstabilisant pour un pays. Quand on pense qu’ils sont formés aux frais du contribuable, l’indignation est encore plus grande. L’Etat a-t-il décidé d’habiller et de renforcer les capacités des divorcés sociaux ? Cela ressemble bien à du cinéma. Mais la réalité n’en est pas loin.

Une gangrène à circonscrire
Tenez ! Il y a quelques jours, un gendarme Gign a été arrêté par des policiers de l’unité d’élite Raid, suite aux échanges de tirs intervenus lors d’un braquage déjoué au quartier Fifadji à Cotonou. En août dernier, un militaire en treillis s’est fait passer pour le garde du corps de l’He Zéphirin Kindjanhoundé pour cambrioler, au vu et au su de tous, sa boutique située à Abomey-Calavi. Il sera arrêté et écrouer à la prison civile de ladite commune. En 2012, le cambriolage du trésor public a été l’œuvre de deux militaires associés à quelques individus, qui ont réussi à emporter la somme de 900 millions de francs Cfa, avant d’être rattrapés par le Général Sessi Louis Philippe Houndégnon, alors commissaire central de la ville de Cotonou. De source policière, des soldats font aussi partie de la bande qui a opéré à Tchaourou en juillet passé. Le duo Houndégnon-Hounonkpè, précédemment à la tête de la Direction générale de la police nationale, a aussi réussi à neutraliser le militaire braqueur qui dictait sa loi aux populations d’Adja-Ouèrè en 2015. Les cas sont légion. La liste n’est pas exhaustive.

Des loups dans la bergerie
La question qui effleure les lèvres des Béninois est de savoir les raisons qui sous-tendent ce paradoxe, qui reste indéchiffrable pour nombre d’observateurs avertis de la vie sociopolitique sous nos cieux. Certains tombent à volonté dans le piège des mauvaises conditions de travail et de vie des agents. Le cas échéant, dépouiller sous la menace des armes des populations sans défense suffirait-il à résoudre l’équation ? Certainement pas. Le mal est plus profond même si chacun peut se convaincre de ce que les Béninois méritent mieux en termes de revenu moyen, dans un pays où la pauvreté est de l’ordre de 41%. Et dans ce registre, les militaires et les gendarmes ne sont pas les moins lotis de la République. A l’évidence, les valeurs civiques et morales ont déserté le forum. La patrie signifie peu de chose pour ces soldats qui ont choisi nager dans la déviance. Sinon, comment prêter serment devant le drapeau national, de défendre l’Etat, et ce, même au prix de sa vie, pour ensuite retourner les armes contre des concitoyens ? Cela ne s’explique pas. Cette équation renvoie également aux critères de recrutement des agents, ainsi qu’au suivi de carrière de la troupe. Autres temps, autres mœurs, dit l’adage populaire. C’est bien derrière nous cette époque où les enquêtes de moralité étaient obligatoires pour recruter un agent. Aussi, la vocation n’a plus droit de cité. L’armée devient un tremplin, la seule issue pour joindre les deux bouts dans un pays où la question de l’emploi se pose avec acuité. Silence ! Ne parlez plus de vocation à servir la patrie, ne parlez plus de sacerdoce. Des loups ont investi la bergerie. Ici, des soldats avides prennent des armes pour martyriser les plus faibles.

Des armes dans la rue
Quand les braquages perpétrés par des soldats deviennent un phénomène courant, il faut s’interroger sur comment les armes sont gardées dans l’armée. L’on a encore en mémoire cette décision du président Yayi qui interdisait à tout militaire de rentrer au terme du service avec son arme. Car, la gestion des armes dans un Etat est très délicate. C’est une question préjudicielle en matière de sécurité intérieure du pays. Malheureusement, la plupart des militaires et gendarmes arrêtés sur les scènes de braquage détiennent leurs armes de service. Cela pose donc le problème de contrôle des armes et des munitions par leur hiérarchie. L’on ne devrait pas retrouver des armes dans la rue n’importe comment. Ce n’est pas normal.

Nécessité d’une enquête
Combien sont-ils ? Comment opèrent-ils ? Dans un Etat sérieux, cela devrait faire l’objet d’une enquête. Les quelques arrestations de gendarmes et de militaires ne suffiraient pas à enrayer le mal. L’état-major et le conseiller spécial du chef de l’Etat à la sécurité intérieure, le Gl Nazaire Hounonkpè, ont du pain sur la planche. Il est de leur responsabilité de veiller à la sécurité des citoyens. Et le conseiller spécial qui est à l’avant-garde de la sécurité intérieure devrait éclairer le chef de l’Etat, chef suprême des armées, sur la stratégie appropriée pour venir à bout du mal, et éviter à tout prix, de faire le lit de la crise de confiance entre le peuple et les soldats. Cela y va de l’intérêt de tous.
Richard AKOTCHAYE



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