Me Charles BADOU « … : L’Etat béninois était non seulement partie, mais il a produit des moyens qui ont fait l’objet de contradictoire... »

Isac A. YAÏ 30 mai 2014

Quelle est la forme de la décision de la Ccja ?
C’est une sentence qui est rendue, c’est une décision qui est rendue par un tribunal, mais la précision qui va être apportée, c’est qu’il s’agit d’un tribunal arbitral, la Ccja, suivant les règles de la Ccja, sous le contrôle de la Ccja

La sentence est-elle avec ou sans recours ?
C’est une sentence qui est définitive, surtout que c’est une sentence Ccja. Même l’exequatur est donné par la Ccja de sorte que ça ne peut pas être considéré comme une décision rendue en première instance ou à un appel. C’est une sentence définitive et qui est en principe irrévocable.

Quand on suit les commentaires des Ministres de la justice, du développement et du Chef de l’Etat, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je ne veux pas entrer dans les polémiques. Il faut simplement voir la décision, ce qu’elle dit. Je crois qu’on doit pouvoir tous nous accorder sur ce que dit la décision, parce qu’elle est là et on peut la commenter. Tout ce qui tourne autour, je ne participerai pas à cela. Que dit la décision ? Il ne faut pas oublier que la condamnation première prononcée par la décision, c’est que l’Etat puisse exécuter le contrat qui portait sur le Pvi. C’est important de le dire. Dans un premier temps, l’Etat n’est pas condamné à payer de l’argent à la société Benin Control Sa. Quel que soit le montant, ce n’est pas la condamnation première. Et là-dessus, Benin Control en est conscient, ne voulant pas faire condamner l’Etat à payer beaucoup d’argent. A partir du jour de la notification de la décision, l’Etat béninois dispose de 60 jours pour commencer par exécuter la décision. A partir de ce moment, l’Etat béninois n’aura absolument rien à payer à la société Benin Control. La première décision rendue par la Ccja, c’est de condamner l’Etat à reprendre l’exécution du contrat qui le lie à Benin Control, le contrat Pvi.

Il est dit que l’Etat béninois n’a pas pris part à ce procès. Le gouvernement n’a désigné personne pour le représenter à ce procès.

Ce n’est pas juste de dire que l’Etat béninois n’est pas partie. Encore une fois, je dis que je ne ferai pas de polémique, je me contenterai de ce que dit la sentence arbitrale et de ce qui a été véritablement dit dans le dossier. Et là-dedans, l’Etat béninois est parti au procès. Et si vous lisez la sentence arbitrale, vous verrez clairement que l’Etat béninois est partie à la procédure, l’Etat béninois a produit ses moyens. D’ailleurs, nous connaissons déjà ces moyens qui ont été pendant longtemps agités à droite et à gauche et qui consistent à dire que c’était un contrat administratif et que la Ccja ne pouvait pas en connaître. Mais la Ccja s’est prononcée là-dessus. Le moyen de l’Etat béninois a été rejeté. Donc, l’Etat était donc parti, c’est clair dans le procès. L’Etat béninois était non seulement partie, mais il a produit des moyens qui ont fait l’objet de contradictoire. La décision a été rendue. Comme je le dis encore, je ne veux participer à aucune polémique, je me limite à ce qui s’est passé, à la vérité, des débats et on ne peut pas dire qu’au vu de la vérité des choses et de la sentence arbitrale, qui est disponible, que l’Etat n’était pas partie, que l’Etat béninois ne savait pas.
Ce qui va intéresser le Béninois lambda, c’est cette menace du ministre Marcel de Souza qui dit que l’Etat béninois va se retirer de l’Ohada. Cela est-il possible ?
C’est toujours possible que l’Etat se retire de l’Ohada, mais on attend de voir s’il suffira d’une seule décision pour que l’Etat se retire. C’est toujours possible de se retirer d’un traité international. Le traité de l’Ohada est un traité international qui prévoit les conditions de retrait. Mais ce qui est important à dire, c’est que si l’Etat se retire de l’Ohada, la sentence est là. Et le fait pour l’Etat de se retirer n’annulera pas la sentence arbitrale. Si le débat est de critiquer la sentence arbitrale, le retrait ou non n’a aucune incidence sur la décision qui est rendue.

Et le ministre Djènontin qui estime que l’Etat béninois ne va payer aucun kopeck à Benin Control.
Je dis que je ne vais pas participer à une polémique, à tout ce qu’on dit et à tout ce qu’on ne dit pas. Ce qui est sûr, c’est que le ministre de la justice a des conseillers qui sont de grands juristes, le Chef de l’Etat a aussi des conseillers qui sont de grands juristes. Ils savent ce qui se passe. Lorsque vous refusez d’exécuter une décision, on sait comment cela se passe. Lorsqu’on vous expulse de chez vous, vous avez le choix de partir de vous-même ou on vous force à partir. C’est un droit pour l’Etat béninois de dire qu’il ne veut pas exécuter la décision. C’est son droit. C’est le droit également pour Benin Control de rechercher l’exécution de la décision. Chacun a ses droits.

Le Chef de l’Etat se demande où trouver 160 milliards à payer à un seul individu et que le Bénin n’a pas des moyens là. Quelle appréciation faites-vous de ces propos ?
J’ai toujours pensé que le Chef de l’Etat est responsable. Le problème que pose le Chef de l’Etat, c’est comment exécuter la décision. Ça peut faire l’objet de négociation. Bien sûr que je ne parle pas au nom de Benin Control par rapport aux négociations, mais on sait toujours pour ceux qui pratiquent la justice que même si une décision est rendue, il est possible de négocier, quitte à voir comment exécuter la décision. Ce qui n’est pas la même chose. Déjà, une contradiction, si j’en tiens à ce que vous rapportez, le ministre qui dit qu’on n’exécute pas, le Chef de l’Etat qui dit comment va-t-on exécuter ? C’est déjà plus sage de se poser la question de savoir comment va-t-on exécuter que de fait toute autre chose. Tout compte faire, chacun est dans son droit.

Que va-t-il se passer au cas où le Bénin ne s’exécuterait pas ?
Benin Control avisera.

Le Chef de l’Etat a aussi dit que Benin control, ni la Ccja n’étaient pas informés de ce dossier là. Qu’en dites-vous ?
On ne peut pas dire que la Ccja n’était pas informée parce que c’est sous son contrôle que l’arbitrage a eu lieu, puisque c’est la Ccja qui a nommé le Président du tribunal arbitral.
Aussi, l’Etait a été partie. Il a développé ses moyens, qui n’ont pas été favorablement accueillis par la juridiction arbitrale. Je puis rassurer les uns et les autres que l’Etat était bel et bien partie. La sentence arbitrale a été rendue et la procédure a été organisée sous l’égide de la Ccja, d’autant que le Président du tribunal arbitral a été nommé par la Ccja. On a constaté dans la sentence arbitrale que l’Etat béninois n’a pas remis en cause la composition du tribunal arbitral dans ses moyens. L’Etat béninois a plutôt acquiescé en ce moment-là.
J’invite les uns et les autres à lire la sentence. Cela va régler beaucoup de problèmes quant à l’interprétation qu’on peut faire.

Y a-t-il des juges privés ?
Il y a l’arbitrage. Ce n’est pas des juges étatiques, c’est des juges privés. Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont sortis de nulle part ou qu’on ne sait pas ce qui se passe, puisque c’est un arbitrage institutionnel. A côté de cet arbitrage, il y a un arbitrage ad hoc. Mais ici, c’est un arbitrage institutionnel parce que c’est un arbitrage qui est organisé par la Cour commune de justice et d’arbitrage, suivant les règles de la Ccja. Je vous dis dans le cas d’espèce que le Président du tribunal a été nommé par la Ccja. Et c’est clairement dit dans la sentence que l’Etat Béninois n’a pas remis en cause la composition de la juridiction arbitrale. De ce point de vue, on ne peut pas dire que la Ccja n’était pas informée et que l’Etat béninois n’était pas partie.

Pourquoi avoir fait recours au tribunal arbitral alors que les juges étatiques sont là ?
On a fait recours au tribunal arbitral parce que c’est ce que l’Etat béninois et Benin Control ont prévu dans le contrat PVI. L’article 49 du contrat est suffisamment clair. Et c’est encore une fois dans la sentence arbitrale. L’article stipule que s’il y a un différend, on doit chercher d’abord à régler à l’amiable. Si on ne parvient pas à régler à l’amiable, on va devant la juridiction arbitrale, sous l’égide de la Ccja. Donc, c’est les parties elles-mêmes, à savoir l’Etat béninois et Bénin control qui, au moment des conclusions, avaient déjà prévu d’avoir recours aux juges privés ou au tribunal arbitral. Donc, les parties ne voulaient pas que ce soit le juge étatique qui soit saisi, mais plutôt une juridiction arbitrale. Ce qui a été fait n’est que l’exécution de ce que les deux parties avaient prévu dans le contrat Pvi, notamment l’article 49 du contrat.

Quels sont les avantages liés à un recours au tribunal arbitral ?
De manière classique, il y a des avantages liés à un recours à un tribunal arbitral. Il y a déjà l’impartialité, parce qu’on peut craindre que le juge étatique soit influencé par l’Etat. Il y a également la célérité, qu’on note chez un juge arbitral. C’est beaucoup plus ces avantages qui amènent la plupart des parties à saisir un tribunal arbitral



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