Melvina Bello Iroko, Présidente de la Fondation Cléopâtre d'Afrique pour la paix et le développement : "Donner et soutenir l'autre me donnent tout simplement une satisfaction morale"

Isac A. YAÏ 3 juillet 2013

Melvina Bello Iroko, Présidente de la Fondation Cléopâtre d’Afrique pour la paix et le développement, première invitée de du premier numéro de la rubrique "A bâton rompu" nous parle, à travers cette interview des actions de sa fondation au Bénin et dans certains pays en Afrique, mais aussi de la relecture de notre loi fondamentale.

Melvina Iroko

Vous êtes la présidente de la Fondation Cléopâtre d’Afrique pour la paix et le développement. Qu’est-ce qui vous a motivée à créer cette fondation ?

C’est une fondation panafricaine à but non lucratif, qui a été créée en 2004 pour venir en aide aux pauvres chroniques sans issue sociale que sont : les orphelins, les handicapés, les enfants de rue et ceux déshérités. L’autre aspect auquel s’intéresse la fondation est la paix car, la paix est le gage de tout développement et le développement de l’Afrique nous intéresse et nous interpelle et nous invitons à une mobilisation générale pour assurer son rayonnement. Tout ceci ne se fera pas sans la présence effective de la femme au niveau des plus hautes instances de prise de décisions.

Pourquoi votre fondation a accentué ses interventions sur les enfants démunis ?

Depuis mon plus jeune âge, mon rêve a toujours été de servir, de venir en aide à ceux qui sont en difficulté et de soigne. Cela m’a amenée à choisir la filière de la santé pour assouvir cette soif. Et ne l’oublions pas, les enfants incarnent l’avenir d’une nation. Et plus les enfants sont mieux encadrés à travers l’assistance et l’éducation de base qu’on leur aurait données, plus le Bénin via l’Afrique a de grandes chances d’avoir des cadres bien accomplis. J’ai souvent défini le destin comme étant "une force inexpliquée qui guide vos pas et qui vous amène droit là où vous devez aller". Et l’histoire nous a démontré qu’il y a eu des enfants, après avoir été soutenus, ils sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui et beacoup en témoignent. Donc, à la fondation Cléopâtre d’Afrique pour la paix et le développement, notre mission première est le social et rien que le social à travers l’assistance aux enfants sinistrés, orphelins, démunis du Bénin et d’Afrique.

Certains estiment souvent que vous êtes riche, raison pour laquelle vous faites des dons aux enfants. Qu’en dites-vous ?

(Rires). Je suis riche de cœur et de grâce. Vous savez, la richesse du cœur est éternelle alors que celle matérielle est éphémère. Il y a des gens qui sont immensément riches mais qui sont incapables de donner cinq francs à leur prochain. Quant à moi, je ne suis pas matériellement riche. Je suis tout simplement riche de cœur et je partage le peu que Dieu me donne avec ceux qui sont réellement dans le besoin. Je n’aime pas voir l’autre souffrir. Il y a une phrase qui me chagrine souvent : "j’ai faim". Quand quelqu’un prononce cette phrase à côté de moi, cela peut me faire couler des larmes et cela m’amène à partager ce que j’ai à l’instant avec la personne. Ce que je fais, c’est une mission divine que je suis en train d’accomplir et c’est ce que je fais sobrement.

Ces différents dons que vous faites aux enfants en situation difficiles vous rapportent quoi en retour ?

L’esprit de solidarité est un devoir qui devrait s’imposer à nous tous. Et j’ai souvent comparé la solidarité à la santé qui selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms) "est un état complet de bien-être mental, psychique et social qui ne consiste pas seulement en une absence d’infirmité encore moins de maladie". Si vous êtes rassasié et que votre voisin a faim, c’est que vous aussi, vous avez faim. Donner et soutenir l’autre me donnent tout simplement une satisfaction morale. Le fait de voir l’autre heureux, c’est ce que j’aime faire et c’est ce que je sais mieux faire. tout ce que je fais, je le fais sans calcul. Certains chercheront à savoir ce que je gagne en faisant des dons non seulement aux enfants du Bénin, mais un peu partout en Afrique, je le fais par devoir de solidarité.

Est-ce qu’il n’y a pas une visée politique derrière ces différentes actions en faveur des enfants ?

Ce qui arrière l’Afrique, c’est la misère et le sous-développement qui amènent certaines personnes à avoir des réflexions primaires. Je n’ai de compte à rendre à personne, sauf à mon Dieu.

Depuis quelques années, vous intervenez dans d’autres pays africains, est-ce à dire que vous avez terminé votre mission au Bénin ?

La Fondation Cléopâtre d’Afrique pour la paix et le développement est panafricaine et œuvre aux côtés des pauvres. C’est ce qui explique notre présence par exemple aux côtés des enfants sinistrés du Niger l’année dernière, au Sénégal, au Mali et tout récemment au Gabon. Ma mission est partout où besoin se fera sentir en Afrique, tant qu’il y aura des enfants malheureux, sinistrés et démunis sur ce continent. Je ne peux pas finir avec le Bénin. J’ai toujours aidé des enfants ici au Bénin chaque jour que Dieu fait sans tambour ni trompette. Cela ne se médiatise pas. La médiatisation est faite pendant les fêtes de fin d’année. Sinon, je fais toujours des dons aux enfants tous les jours. Je suis Béninoise de père et de mère donc, je ne saurais laisser ma patrie au profit d’autres.

Vous avez été marraine de la journée de l’enfant africain au Gabon, vous avez offert des dons aux enfants de l’orphelinat de Agondjé, vous avez aussi assisté des personnes de troisième âge. Les Béninois vivant au Gabon étaient-ils fiers de vous voir en action ?

J’ai été marraine de la journée de l’enfant africain qui s’est déroulée à l’auditorium de la télévision gabonaise, j’ai assisté des personnes de troisième âge et fait des dons aux enfants de l’orphelinat de Agondjé. C’est à cœur joie et avec beaucoup d’amour que j’ai fait toutes ces actions avec le soutien des Béninois vivant au Gabon que je salue au passage. Je suis prête à le répéter ailleurs où le besoin se fera sentir. Je voudrais appeler les uns et les autres à cet élan de solidarité en faveur des enfants qui ont tant besoin de notre amour et de notre soutien. Tant que nous avons le souffle de vie et les moyens, aidons les enfants qui incarnent l’avenir de l’afrique.

Vos dons en faveur des enfants vous ont permis d’avoir beaucoup de trophées dont le dernier date du 21 juin dernier au Gabon où vous avez reçu le trophée de "Meilleure maman d’Afrique" au même titre que quatre autres femmes dont deux premières dames. Que représente ce trophée pour vous ?

Je dédie ce trophée à toutes les femmes béninoises et africaines en général et à celles qui ont souvent des pensées sociales à l’endroit des couches défavorisées en particulier. En huit ans d’actions sociales sur le terrain au Bénin et dans la sous région, j’ai eu 26 distinctions dont la dernière est "Meilleure maman d’Afrique". J’ai été distinguée avec 4 autres femmes africaines de renom. C’est une grâce assortie d’une invitation à mieux faire ce que je fais déjà. Cette distinction m’a procuré une joie qui est devenue éphémère car, au détour d’une ruelle, j’ai constaté qu’il y a encore des enfants qui n’ont rien à manger. Cela m’amène à redoubler d’effort pour les aider davantage.

Vous invoquez souvent Dieu dans vos propos, quelle place occupe-t-il dans votre vie ?

Sans Dieu, vous ne pouvez rien faire. Même dans mes erreurs, il y a toujours une grande marraine qui m’a toujours soutenue. Il s’agit de la vierge Marie. Quand vous avez Dieu avec vous, vous avez tout. Quand vous avez son soutien, plus rien ne vous manquera et ne vous arrivera car, il est au contrôle, puisque le soutien divin est intarissable et éternel.

Vous participez souvent à de grands sommets internationaux dont le sommet sur la reconstruction du Mali qui s’est déroulé à Bruxelles en Belgique. Quel a été l’apport de votre fondation lors de cette rencontre ?

Je voudrais d’abord saluer cet élan de solidarité qu’il y a a eu lors de ce sommet. Partis pour recueillir deux milliards d’Euros, nous en sommes sortis avec plus de trois milliards malgré ces temps de récession qui liment tous les pays. C’est à l’actif de tous les participants et je salue encore cet élan de solidarité. Il y a un adage qui dit que "c’est dans le malheur qu’on connaît ses vrais amis". Je pense que le Mali saura se relancer.

L’un des objectifs de la Fondation Cléopâtre d’Afrique, c’est la stabilité et la paix en Afrique. C’est à ce titre qu’on nous invite à ces genres de sommet pour apporter notre point de vue sur certaines questions liées à la paix en Afrique.

A l’occasion de votre distinction au Gabon, vous avez participé au Forum News York for Africa. Qu’est-ce qui a été dit lors de ces assises ?

C’est une plate-forme qui a regroupé l’intelligentsia mondiale et qui a permis de penser à l’avenir de l’Afrique. J’ai beaucoup appris lors des échanges de cette rencontre mondiale. Tout ce qui est lié à l’avenir de l’Afrique nous intéresse et nous invite à une mobilisation générale afin d’assurer le rayonnement de l’Afrique. Au cours de ce forum, il était question d’inviter les Africains de la diaspora à revenir au bercail afin de construire le continent. A cet effet, on leur a fait toucher du doigt la potentialité de l’Afrique et l’urgence de les voir revenir pour travailler afin d’assurer le développement de ce continent très riche en tout. Ce forum a été riche en échanges et je profite de l’occasion pour remercier les initiateurs qui ont pensé à réunir la crème de l’intelligentsia mondiale pour réfléchir sur le devenir de l’Afrique.

Ce forum invite les Africains de la diaspora à revenir au bercail. Quelles sont les dispositions qui ont été prises pour assurer leur intégration ?

La révolution a commencé et s’étendra au niveau des mentalités aussi. Cela permettra aux Africains de la diaspora de venir servir l’Afrique afin d’assurer son rayonnement.

Allons un peu sur le terrain politique, ce n’est pas votre domaine certes, mais actualité oblige. Il s’agit de la révision de la Constitution qui ne rencontre pas l’assentiment de tout le monde. Pensez-vous que notre loi fondamentale a vraiment besoin d’être révisée ?

C’est une question embarrassante qui mérite une réflexion. Vous savez, l’écriture de la Bible a connu des étapes et ces étapes ont amené des gens à revoir sa conception. Je suis souvent absente du territoire national, néanmoins, j’ai cherché à voir clair dans cette histoire de révision de la Constitution. D’après certaines informations, je me suis rendu compte que les options majeures de la conférence nationale des forces vives de la nation de février 1990 seront sauvegardées. Ces options majeures sont : la forme républicaine et la laïcité de l’Etat, la démocratie libérale, l’intégrité du territoire national, le mandat de cinq ans renouvelable une fois, la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle, le type présidentiel du régime politique. Tous ces acquis seront sauvegardés. Et le Président de la République l’a dit haut et fort, qu’il est en train de faire son deuxième et dernier mandat. Que veut-on réviser en réalité ? Cette révision concerne trois principaux points qui seront bénéfiques pour le Bénin : la création et la constitutionnalisation de la Cour des compte, la constitutionnalisation de la Commission électorale nationale autonome (Cena) qui deviendra une institution permanente et indépendante et enfin l’imprescriptibilité des crimes économiques dans le cadre de la moralisation de la vie publique et de la lutte contre la corruption. Insérer ces trois points dans notre Constitution ne devrait pas poser de problème. Cette révision devrait être acclamée car, elle sera profitable à notre pays sur plusieurs générations.

Certains constitutionnalistes estiment que la révision de notre Constitution va créer une nouvelle République et comme cela, le Président actuel peut chercher à rempiler une nouvelle fois sans violer la loi ?

Je ne suis pas constitutionnaliste, mais la logique veut qu’on croie l’autre à des moments donnés, quel que soit ce qu’on pense de lui. Je pense qu’on peut croire en la bonne foi du Président de la République car, il l’a dit devant le Pape, qu’il est en train de faire son deuxième et dernier mandat. Il faudrait quand même qu’on puisse lui faire confiance pour l’épanouissement de notre pays.



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