Moudassirou Bachabi, Secrétaire Général de la Cgtb : « Si en plus du cadre de travail, on loue le moyen de déplacement, on devient un Etat locataire intégral »

La rédaction 21 février 2017

En marge du conseil confédéral ordinaire de la Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (Cgtb), le samedi dernier, Moudassirou Bachabi se prononce sur l’actualité sociopolitique du Bénin. A travers cette interview, le Secrétaire général de la Cgtb donne son point de vue sur la libération des espaces publics et le leasing.

Le Gouvernement a fait l’option du Leasing dans la gestion du parc automobile de l’Etat, qu’en pensez-vous ?
Le fait de dire que l’Etat va louer des véhicules chez des privés pose déjà un problème. Notre Etat, bien qu’étant propriétaire des terres béninoises, est déjà locataire pour beaucoup de bâtiments administratifs. Si en plus de louer le cadre du travail, on loue le moyen de déplacement, cela veut dire qu’on devient un Etat locataire intégral. Et on sait que le locataire est soumis à la dictature et aux affres du propriétaire. Il n’y a que ceux qui ont pris la décision qui savent pourquoi ils l’ont fait. Mais, il faut souligner qu’il y a beaucoup d’autres possibilités de gérer le parc automobile de l’Etat. Si c’est parce que cela coûte cher, commençons d’abord par appliquer les textes. Qui sont ceux qui ont réellement droit à un véhicule de fonction, à un véhicule de service ou à un véhicule de pool ? Il y a une réglementation dans ce domaine. Comment la souveraineté de l’Etat pourra être sauvegardée dans les mouvements d’aller et de venir des cadres en mission pour la République ? C’est une réforme qui nécessite de profondes réflexions. Je n’ai pas d’éléments pour juger, mais quand je vois une décision comme celle-là, ma réaction, c’est de dire est-ce qu’on a épuisé la réflexion sur la question ? A qui profite le leasing ? A l’Etat ou aux prestataires privés ? Quel est le gain que l’on pense réaliser en allant là alors qu’on n’a jamais bien appliqué la réglementation en matière de parking au Bénin ? Il y a des conditions pour pouvoir bénéficier des véhicules de l’Etat. Il y a que les véhicules qui peuvent circuler librement, sans ordre de mission sont connus. Est-ce qu’on respecte ces règles aujourd’hui ? Je pense que ce sont ces ajustements qu’il faut faire d’abord avant d’étudier la possibilité. Il y a des postes au niveau de l’appareil d’Etat où des gens ont droit à des véhicules, mais des postes de longue durée aussi où l’on vous dit que si vous êtes à ces postes et que vous ne commettez pas une faute grave, vous ne partez pas. Ces fonctionnaires ne peuvent-ils pas avoir des véhicules qu’ils remboursent à petit coup pour que cela devienne leur propriété, pendant que l’Etat leur paye ce qu’il doit leur payer pour que leur transport puisse être garanti ? Il y a beaucoup de formules. Le leasing mérite-t-il d’être fait sur tout le parking de l’Etat ou sur un parking partiel. Quel que soit le schéma, cette réflexion mérite d’être approfondie ou si elle était déjà totalement approfondie, que les responsables la rendent publique l’information pour nous apaiser. Notre but n’est pas d’aller contre la décision de l’Etat, mais de comprendre et de voir où se trouve l’intérêt du peuple. Si ce sont les intérêts du peuple qui sont sauvegardés, nous sommes d’accord. Mais s’il y a un seul petit doute, il y a la nécessité de s’asseoir pour en discuter.

Quel est votre point de vue sur l’opération de libération de l’espace public ?
Les espaces qui sont occupés appartiennent à l’Etat et l’Etat est dans la logique de restituer à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. A partir du moment où c’est comme cela, le retour à la norme ne peut pas être une mauvaise chose, parce que c’est comme si des gens profitaient, abusaient d’un bien collectif sans payer. Mais cela dit, il y a une pédagogie qui doit accompagner cette opération. C’est vrai qu’il y a eu une sensibilisation, mais compte tenu de l’austérité économique et des difficultés, on devrait savoir raison garder sur certains aspects. Par exemple, on sait qu’il y a des gens qui ont fait de gros investissements, et ces investissements ont été détruits en un seul jour. L’Etat a certes raison, mais le peuple ne veut que la paix et le pain. Il faut donc que les gens travaillent pour que ce pain ne soit pas mis à rude épreuve. Donc, tout ce que nous demandons, c’est que justice soit rendue à tout le monde. Mais il faut qu’en urgence, les mesures d’accompagnement qui vont permettre de remettre certains citoyens en activité soient rapidement déployées.

Aviez-vous contraint le Sg Pascal Todjinou à vous laisser la main pour gérer la Cgtb ?
Personne ne pouvait forcer Pascal Todjinou à partir. Il est l’un des pères fondateurs de cette famille syndicale. Il y a donné toute son énergie et a consacré son cœur. Ce serait donc de l’ingratitude que de forcer à partir quelqu’un qui a passé toute sa vie à apporter à l’organisation tout le tonus qu’elle a aujourd’hui. Pascal Todjinou a pris une retraite volontaire et il a été accompagné avec tous les honneurs dus à ce qu’il a fait.

Comptez-vous vous inscrire dans la même ligne syndicale que Todjinou ?
Les moyens de combat sont déjà dans les conventions de l’Organisation internationale du travail (Oit). Ce sont les revendications, les protestations, les sit-in, les grèves. Ce sont les moyens qui permettent de contraindre l’autre partie à concéder les avantages qui sont réclamés. Personne ne peut donc changer les moyens de combat d’une organisation syndicale. C’est un code dans lequel on s’insère pour le combat syndical. Les moyens seront les mêmes. Chacun a son style pour administrer les mêmes moyens. Je crois qu’il n’est même pas souhaitable de copier Pascal Todjinou puisqu’il est unique en son genre. Dieu lui a donné son potentiel, il n’est donc pas question de mettre en veilleuse les miens pour chercher à emprunter les potentiels de quelqu’un d’autre.
Propos recueillis par Euloge GOHOUNGO & Herman AHOUANDE (Stag)



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