Organisation des examens nationaux en Licence et Master : Quelques acteurs apprécient la mesure

Patrice SOKEGBE 3 mars 2017

Le gouvernement, en conseil des ministres du mercredi 22 février dernier, a pris un décret portant organisation des examens nationaux en Licence et Master. Cette décision fait suite à un certain nombre d’irrégularités relevées dans le fonctionnement des établissements privés d’enseignement supérieur. A ce sujet, des acteurs se sont prononcés sur la question. Pour le Prof Théophane Ayi, les examens nationaux en licence et en master permettront de révéler le vrai visage des universités privées. Par contre, selon Virgile Ahyi, également promoteur d’établissement privé, la méconnaissance des textes a entrainé une confusion entre les termes ‘’Programmes homologués’’ et ‘’établissements homologués’’.

Prof Théophane Ayi, Promoteur d’Université privée
« Qu’il y ait organisation de licence ou de Master, il faudrait que le contrôle soit désormais permanent »

Le gouvernement a tapé un gros coup dans la fourmilière de l’enseignement supérieur privé dans notre pays. Seuls les établissements supérieurs privés homologués pourront organiser eux-mêmes les examens de Licence et de master. Est-ce vraiment le cas chez vous ?
Il faut plutôt parler de tout le monde, puisque, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune université homologuée par le gouvernement. Mais cela ne voudrait pas dire que nous ne sommes pas reconnus. Il faut faire la nuance. Pour une université privée qui veut naître, elle va demander par une autorisation d’ouverture. Cette autorisation d’ouverture va durer normalement deux ans. Si vous ne faites rien pour ouvrir, on vous accordera encore deux ans renouvelables. Cela fait 4 ans. Et si vous ne le faites pas, votre autorisation devient caduque. Mais une fois que vous faites l’ouverture, vous allez constituer un dossier d’agrément. L’agrément doit permettre de vous suivre pendant 4 ans, et vous devez normalement renvoyer les notes, les présences, les inscriptions et autres, et au bout de 4 ans, on va vous dire que vous êtes agréé. Si vous recevez l’agrément, vous allez alors introduire le dossier d’homologation. Quand votre université a l’homologation, c’est qu’elle délivre des diplômes au même titre que l’Université d’Abomey-Calavi. Vous délivrez vos diplômes au Bénin et partout ailleurs.

Pourquoi aucune des écoles créées n’a atteint ce niveau ?
On doit se dire la vérité. Le problème est qu’il n’y a que le chapeau qui peut faire comprendre qu’il y a un gendarme qui est là. En dehors de ça, vous et moi ne faisons peur à personne. Le gouvernement ne va pas seulement assainir, mais il va aussi récompenser. Après l’assainissement, j’ose croire que la récompense viendra. On peut dire maintenant comment accompagner ce nombre restreint.

Pensez-vous que le nombre d’universités privées sera réduit à cause de cette décision ?
Je ne dis pas exactement ça, parce que je ne suis pas l’autorité. Je vous parle ici en tant que Théophane Ayi. L’organisation des Licences et Master va faire fermer certaines universités, ceci de deux manières. Qu’il y ait organisation de licence ou de Master, il faudrait que le contrôle soit désormais permanent. Et qui dit contrôle, dit que si vous ne répondez pas aux critères, on ferme votre institution. Alors, selon ce qu’on nous a dit, si vous ne respectez pas le minimum de conditions, vous allez être fermés. Par-là, je comprends que le nombre va diminuer, si tout le monde ne respecte pas les règles.

On a vu par le passé que les autorités sont montées au créneau pour mettre en garde les promoteurs sans jamais sanctionner.
Nous sommes 168 institutions universitaires privées. Et le ministre n’avait pas totalement les moyens de nous contrôler, même à ce jour. Donc, on ne nous a jamais contrôlés. Le contrôle qu’on faisait était sommaire. En dehors de cela, il y a eu un grand contrôle qui a été fait pour sélectionner les meilleures universités privées. Nous n’avons pas été homologués. Pour résoudre le problème d’homologation, on était parti à la co-signature. Pour dire qui est habilité à aller à la co-signature ou non, il a été inclus une démarche qui vise à réduire l’effectif, suite à une visite, un examen ou un contrôle. Sur 169 universités privées, 54 ont été retenues pour aller à la co-signature. En son temps, nous n’avons pas réagi, parce que la solution que le Gouvernement a trouvée nous arrangeait. Il a dit qu’on ne pouvait pas délivrer des diplômes reconnus, parce que si mes diplômes étaient reconnus depuis 25 ans, mes étudiants iraient directement dans la fonction publique sans autre forme de procès. A partir du moment où ce n’était pas reconnu, le gouvernement antérieur nous a dit qu’on va à la co-signature. Nous avons trouvé que la solution était bonne. Pourquoi le gouvernement actuel dit qu’il met fin à la co-signature ? On peut faire n’importe quoi dans son établissement et envoyer le dossier. Il se passe que quelques-uns parmi nous trichent. A partir de ce moment, le gouvernement dit qu’il ne donne plus de reconnaissance à l’établissement, mais plutôt au diplôme, car ne contrôle pas tout de bout en bout.

Vous appréciez donc l’organisation des examens nationaux en Licence et Master ?
Depuis 25 ans, je n’ai jamais manqué de présenter au Bts. J’ai connu des collègues qui, depuis 10 ans, n’ont plus présenté des candidats au Bts. Ils se sont retirés à un taux de réussite de 11,62%. Si vous continuez à avoir 11,62% de taux de réussite, où est alors la crédibilité de votre établissement ?

Mais à partir de cette année, il n’y aura plus de Bts…
Le Bts aura lieu. Il faut une période de transition. Seulement, si ce diplôme n’existe plus, ce qui va être mis en place, c’est l’évaluation de l’individu en matière d’échelle de valeur. S’il n’y a plus le Bts, il faut faire un autre examen, vu que nos diplômes n’auront plus la même valeur que ceux délivrés après un examen national. Alors, l’Etat s’est proposé d’organiser les deux diplômes comme au Cep, Bepc ou au Bac.

Je vous vois applaudir les mesures prises par le Gouvernement. Mais vos points de vue ne sont pas partagés par vos collègues.
Je ne suis pas particulièrement heureux pour ce que fait le gouvernement. Je ne suis plus politique. Parce que de 1969 à 1972, j’étais le secrétaire général de l’Ugn au Dahomey. Mais je suis de nature à dire ce que je pense. Et je fais ce que la loi me dit de faire. Je suis content, parce que, même avec le gouvernement antérieur, le ministre d’Etat François Abiola a récompensé et félicité 6 de nos établissements sur les 54, qui respectent les lois. J’en fais partie. Ce n’est pas à cause du Gouvernement de la rupture que j’approuve la décision. Je suis enseignant de carrière. J’ai une vision de l’enseignement avant d’y entrer. Je n’ai pas créé une école au hasard. J’ai été enseignant à l’Université d’Auxerre, puis à l’Université Abomey-Calavi et enfin j’ai créé mon université. Il y a une volonté de poursuivre ce que j’ai appris, et non un souci de faire fructifier mon argent. Parmi les fondateurs, il y en a qui sont venus gagner de l’argent. Raison pour laquelle je suis content, car je respecte la loi. Quand il s’est agit d’aller au Cames, tout le monde va au Cames. Maintenant qu’on parle de l’homologation, tout le monde ira à l’homologation. Et tout le monde fera l’examen national.

Cette mesure du gouvernement ne vient-elle pas désorganiser le système Lmd ?
Le Système Lmd ne sera pas désorganisé. Nous évaluons nos étudiants comme le Lmd nous le recommande. Donc, l’étudiant que nous envoyons à l’examen est déjà presque admissible. Quand il ira en France, il aura un diplôme Lmd similaire à celui des Usa et de tous les pays. Qu’on ne vienne pas me raconter autres choses, surtout quand on n’est pas du milieu universitaire.

L’organisation de ces examens nécessite de l’investissement. Comment allez-vous procéder dans ce cas ?
On ne perd aucune ressource. C’est l’Etat qui organise. L’Etat va demander aux apprenants de donner comme au Bts 15 ou 20 mille Fcfa. A partir de là, on ne donne rien. En plus de ce que les étudiants ont remis, l’Etat peut faire le complément. Seulement, après les résultats, les parents pourront se rendre compte de ceux qui font véritablement le travail.

Prof Virgile Ahyi, Promoteur d’Université privée
« Si on va à un examen national qui permet à l’administration d’être un peu plus tranquille, tant mieux ».

Cette décision est logique compte tenu de tout le travail de préparation qu’on a eu à faire avec le ministère ces derniers mois. Il y a eu plusieurs avis. On a décidé d’aller à un consensus, c’est-à-dire, d’aller vers un examen. Parce qu’il y a eu des examens récents où nos apprenants titulaires de diplômes cosignés ont fait l’objet de rejet, d’ostracisme. Personne n’a rien dit. Si on va à un examen national qui permet à l’administration d’être un peu plus tranquille, et aussi aux parents de l’être, tant mieux. Mais quand on a commencé par dire aux parents que des établissements ne sont pas homologués, ils se sont soulevés. Ils disent qu’on leur a menti, alors que c’est le gouvernement qui disait que ce sont des programmes homologués. Et dans toutes les communications, le gouvernement a toujours mis l’accent sur les ‘’Programmes homologués. D’où est-ce qu’on nous sort alors les établissements homologués. C’était dans les documents, mais on n’a plus fait les recherches.



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