Prof. Dominique Sohounhloué, Physico-Chimiste « L’Etat béninois doit doter notre pays des moyens de contrôle »

La rédaction 11 mai 2017

Chimiste, ancien Directeur du Laboratoire d’étude et de recherche en chimie appliquée, le Professeur Dominique Sohounhloué attire l’attention des pouvoirs publics sur les risques d’intoxication et de pollution liés à l’utilisation incontrôlée des pesticides. L’ancien ministre appelle l’Etat à mettre en œuvre des moyens de contrôle judicieux.

Professeur Dominique Sohounhloué, que peut-on comprendre par métaux lourds ?
Les métaux lourds sont des métaux très toxiques qui nuisent à l’homme. Il s’agit par exemple du plomb, le mercure, l’arsenic, le cuivre, le zinc. On les retrouve un peu partout dans certains éléments tels que les pesticides et les herbicides qui sont des réservoirs potentiels de ces métaux.

Justement, l’utilisation des pesticides a des conséquences sur la chaine alimentaire. Est-ce qu’il y a des raisons de craindre les résidus de ces produits se retrouvent dans les plats ?
Bien sûr. Lorsque vous allez dans les champs cotonniers de Banikoara par exemple, les agriculteurs utilisent ces intrants pour traiter les champs de coton. Et ils utilisent, par ignorance, ces mêmes produits pour la culture du maïs. Ils oublient que cela a des conséquences inévitables sur la qualité de la céréale produite. Les grains de maïs sont ainsi contaminés. En 1987, nous avons stocké du maïs issu d’un champ de Coton que nous avons analysé. On y a retrouvé du Zinc, puisque les champs ont été traités par ces herbicides et pesticides. Depuis 1987 à ce jour, de nombreuses autres études ont été réalisées pour apprécier les conséquences sur l’environnement et la santé. Et je puis vous dire que la situation n’a pas changé. C’est probable que les métaux lourds se retrouvent dans l’eau issue de nappes phréatiques de ces milieux. On s’intoxique en mangeant les céréales produites dans ces champs ou en buvant l’eau d’un puits qui y est foré. Les produits peuvent se retrouver dans les cours d’eau, pour contaminer les ressources halieutiques. C’est extrêmement dangereux.

Mais il se fait que malgré tout, des maraichers utilisent abusivement ces produits, d’autres n’attendent pas une période déterminée avant de faire la récolte. La menace n’est-elle pas de plus en plus grande ?
Chez les maraichers, c’est plus grave. Les Béninois aiment beaucoup les légumineuses. Ces légumineuses peuvent stocker mieux que le maïs ces produits. La menace est alors doublement plus grande avec ces produits potentielles sources de métaux lourds extrêmement dangereux pour l’Environnement et la santé humaine et animale.

Malgré l’interdiction de certains produits, il se fait que les gens les retrouvent dans l’informel pour les utiliser. Pourquoi cet état de choses ?
Il suffit que le cultivateur béninois traverse la frontière, rencontre ces produits au Nigéria, pour les introduire frauduleusement sur le territoire. Ces produits permettent au cultivateur de rendre son champ très verdoyant, et d’améliorer son rendement. Ils ne savent pas qu’ils contribuent à la pollution et à l’intoxication. L’Etat béninois doit doter notre pays des moyens de contrôle, d’analyse. Les structures en charge du contrôle doivent être équipées en méthodes physicochimiques d’analyse telles que la chromatographie en phase gazeuse, la chromatographie en phase liquide des fois couplée avec la spectrométrie de masse. C’est avec ces équipements que nous pouvons faire des contrôles efficaces.

On parle beaucoup plus de risques sur la santé, mais quelles sont les conséquences sur l’Environnement ?
Ces métaux lourds ont d’énormes conséquences sur l’Environnement. Quand je prends le fréon, qu’on retrouve dans les appareils de réfrigération, si nous ne contrôlons pas ces produits, nous nous créons des dommages. Ils contiennent du chlore et les dérivés du chlore sont des produits qui détruisent abondamment l’environnement. Ils détruisent la couche d’ozone.

Votre mot de la fin
Pour conclure, je dirais que nous avons l’obligation d’agir pour la protection de l’environnement et de la santé humaine. L’Etat doit veiller à cela comme à la prunelle de ses yeux.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU



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