Utilisation incontrôlée des pesticides dans la production agricole : Les inquiétudes montent face aux conséquences potentielles

La rédaction 11 mai 2017

La polémique enfle, depuis quelques jours, au sujet des menaces de toxicité, du fait d’une présence éventuelle de métaux lourds dans les plats au Bénin. Loin d’être une fausse alerte, des indicateurs montrent la dangerosité de ces produits pour l’Environnement et la Santé humaine. Cependant, les producteurs, notamment les maraichers disent prendre la mesure de la chose.

Sur le site de maraîchage de Houéyiho à Cotonou, François Hounkpèvi est occupé cet après-midi du mardi 9 mai à traiter son champ à l’aide d’insecticides. Muni d’un appareil de pulvérisation, il passe et repasse entre les sillons pour éliminer, dit-il, les vers qui s’y trouveraient. « C’est à cause des vers que je traite le jardin. J’utilise le produit Landa. Je n’ai pas fait de mélange », déclare François. La quarantaine, sans sandalettes ni aucun équipement de protection, le jardinier dit pourtant être conscient des risques auxquels il est exposé. « Je tiens compte de la direction du vent. Ainsi, le produit ne peut pas asperger mon corps », ajoute-t-il.
Tout comme François, la majorité des maraichers de ce site situé aux encablures de l’aéroport de Cotonou n’ignorent pas les alertes de ces derniers jours à propos d’intoxication liée aux pesticides. En réponse, ils rassurent de la rigueur dans le respect des doses. « Depuis plusieurs, il se note une amélioration dans l’utilisation de ces substances. Nous produisons du compost que nous utilisons. Les gens des Carder ont mis à notre disposition la liste des produits que nous devons utiliser. Nous-mêmes, nous mangeons ce que nous produisons. Raison de plus que nous ne pouvons pas intoxiquer la population », explique Charles Acakpo, Président des maraichers de Houéyiho. Des maraîchers rencontrés à Godomey et à Calavi rassurent également de la bonne qualité des carottes et des salades qu’ils produisent. Cependant, dans le rang des consommateurs, pendant que certains assimilent l’alerte à une rumeur des réseaux sociaux, d’autres, comme Jean-Yves, étudiant à l’Université d’Abomey-Calavi, s’en préoccupent : « Moi, je continue à manger les produits maraichers, mais pas dans la rue. Je le fais à la maison pour m’assurer que je suis à l’abri des maladies qui tuent de façon silencieuse ».

Des assurances, mais…
Si les maraichers de Houéyiho disent prendre toutes les mesures pour éviter que les pesticides n’intoxiquent la chaine alimentaire, ils n’excluent pas que d’autres peuvent les utiliser, sans aucun respect des normes requises. « Il y a une brigade phytosanitaire qui fait des contrôles ici. Et même après la pulvérisation, les maraichers sont contraints d’attendre 10 à 15 jours avant de procéder à la récolte. Mais, le problème est que tout ce que consomment les Cotonois ne vient pas d’ici. Je ne peux témoigner de l’utilisation que les gens en font ailleurs », souligne Charles Acakpo. La tentation de se procurer des produits phytosanitaires non homologués et non appropriés au maraîchage est réelle. Certains jardiniers rencontrés aussi bien à Cotonou qu’à Calavi l’avouent mais disent ne pas en utiliser. « J’ai reçu une formation en bonne et due forme. Je suis alors consciente des risques pour moi-même que pour les populations qui consomment nos produits », affirme Justine, une maraichère à Calavi.
Cependant, un bémol subsiste. Il s’agit du déficit de contrôle des produits qui inondent le marché, et dont des maraîchers doutent de la qualité. « Il y a les pays voisins dont le Nigéria et le Burkina-Faso qui convoient des produits ici, qui sont parfois plus gros et plus jolis que nôtres. C’est ce que les clients apprécient. Trois jours après, ça se pourrit », insiste Charles Acakpo, qui plaide pour la mise à disposition des maraichers des pesticides purement destinés au jardinage.

Menace sur l’Environnement et la santé
Le problème de l’utilisation abusive et incontrôlée des pesticides est notoire dans les zones de production cotonnière. Plusieurs études réalisées en sciences de la santé et de l’environnement attestent de la menace. Pour avoir soutenu sa thèse de doctorat sur les comportements à risque d’intoxication chez les utilisateurs de pesticides de la commune de Glazoué et de Savè, Dr Hilaire Hountikpo relève la dangerosité de ces produits pour la santé. « Près de 60% des paysans ont présenté une diminution de la cholinestérase (une enzyme qui intervient dans la transmission synaptique), après pulvérisation. Les paysans développent aussi plusieurs comportements à risque qui les exposent et également la population à l’intoxication. Il s’agit de l’utilisation des emballages de pesticides à des fins ménagères, la mauvaise gestion des emballages vides jetés dans la nature à la portée des enfants et des animaux, etc. », a-t-il déclaré. Ces indicateurs comme de nombreux autres, issus des études sur les conséquences des pesticides appellent l’Etat à réagir.
Fulbert ADJIMEHOSSOU



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