Vente de cartes Sim à la sauvette : Un commerce clandestin à la peau dure

Nicolas PELLETIER, Patrice SOKEGBE 11 juillet 2013

La vente des cartes Sim aux abords des rues est devenue une affaire courante depuis quelques années. Plusieurs personnes s’adonnent à cette activité qui, selon elles, apportent des bénéfices en temps et en efficacité pour le client. Reportage sur ce commerce clandestin qui prend forme aux carrefours de Cotonou et ses environs.

Les jeunes vendent des cartes sim pour joindre les deux bouts

Il est 13h45. Debout sous un soleil ardent, à l’entrée de la voie qui mène à Houèdo après le carrefour Kpota, Joseph, cartes Sim en main, écoule son produit. Chaque fois que des usagers empruntent cette voie, il fait de grands mouvements pour attirer leur attention tout en criant : « 1000 Fcfa ! 1000 Fcfa ! ». Lorsqu’un client intéressé par l’offre s’arrête, Joseph le rattrape et lui propose des cartes Sim des divers réseaux, allant des préfixes les plus anciens aux plus récents.

Tout comme Joseph, beaucoup de jeunes installés aux carrefours et dans les feux tricolores de Cotonou s’adonnent à la vente clandestine de cartes Sim. Pour eux, il s’agit là d’un moyen de vaincre le chômage et les vices. Charbel, qui en fait son quotidien depuis maintenant six ans sous le passage supérieur de l’avenue Steinmetz, raconte : « J’achète la plupart de mes cartes à 900 Fcfa et je les revends à 1000 Fcfa, je fais donc seulement un bénéfice de 100 Fcfa par unité vendue. Mais cela varie. Parfois, je peux acheter un préfixe 97 ou 96 à 1800 Fcfa et le revendre entre 2000 et 2500 Fcfa ». Il estime vendre environ cinq cartes durant sa journée, mais en vingt minutes, lui et ses collègues en ont vendu une dizaine, ce qui présage en réalité de meilleures affaires. « Je l’avoue, nous faisons assez de bénéfices », admet de son côté Joseph.

Selon les vendeurs, les clients préfèrent se procurer les cartes Sim aux carrefours, car « c’est une perte de temps que d’aller se mettre en rang devant les agences de Gsm pour acheter une seule carte. En achetant chez nous, ils gagnent en temps et en énergie ». Au sujet de l’enregistrement des cartes Sim, les revendeurs ont leur stratégie. « Avant de vendre les cartes, nous les activons. Ensuite, les clients, après les avoir achetées, vont se faire enregistrer dans les agences concernées », expliquent-ils.

Une activité contestée par les opérateurs

Autant dire que les revendeurs se voient comme les facilitateurs des clients, ce qui n’est pas l’avis des grands opérateurs. Récemment, les vendeurs clandestins ont été chassés de leurs points de vente de prédilection ; devant le siège des sociétés de téléphonie mobile. « Une fois, les autorités sont venues nous déloger et depuis nous sommes contraints d’aller plus loin, sur la voie publique. Nous ne savons pas si ce sont les opérateurs qui les ont envoyées ou si les autorités sont venues par elles-mêmes », révèle Charbel.

Ce qui est certain, c’est que les opérateurs n’apprécient pas la vente des cartes aux abords des rues, car cela ternit leur image de marque. Pour lutter donc contre ce commerce, les grandes entreprises développent des mécanismes. L’une d’elles compte rendre impossible l’activation de la carte Sim sans l’enregistrement préalable, ce qui viendrait court-circuiter les activités clandestines. Chez un autre opérateur, les cartes non-enregistrées cessent de fonctionner après un ou deux mois, au maximum.

Charbel confie se procurer ses cartes Sim chez un distributeur agréé, ce que ceux-ci ont nié en bloc. « Nous avons nos propres vendeurs clairement identifiés grâce à des T-shirts de la compagnie. Ici, il est impossible de venir acheter des cartes Sim en gros, car nous nous sommes résolus à demander une preuve d’identité pour chaque enregistrement », confie un responsable sous le couvert de l’anonymat. Les distributeurs agréés reconnaissent ainsi ceux qui achètent des cartes Sim de façon systématique pour la revente.

Un commerce qui ne fait pas que l’affaire des revendeurs

Les vendeurs clandestins peuvent toutefois utiliser le stratagème de l’achat systématique chez les grossistes qui se procurent leurs cartes Sim directement chez les opérateurs. Ainsi, ils ne tombent pas sous le contrôle du distributeur agréé.

Mais la majeure partie du commerce au noir prend sa source ailleurs. « Le phénomène s’est accentué depuis que nous avons instauré des mécanismes contre l’achat en gros : les vendeurs de la rue passent maintenant par des employés qui travaillent directement chez l’opérateur », déclare notre source anonyme chez un distributeur agréé. C’est là où l’opérateur perd le contrôle sur une partie de son stock et où il est plus difficile de tout surveiller.

Selon Lucien, un vendeur à la sauvette, ces employés font leur propre business. « Les employés de ces sociétés achètent une bonne quantité de cartes Sim qu’ils revendent aux petits vendeurs en se faisant un profit direct. Les revendeurs, quant à eux, viennent s’approvisionner et revendent au double du prix », dit-il. En effet, un client qui passe directement par l’opérateur ou son distributeur agréé paiera sa carte Sim à 500 Fcfa.

À quand alors la fin de ce commerce illicite ? « Quels que soient les mesures prises par les opérateurs et les prix qu’ils offrent, cette activité n’est pas sur le point de disparaître », affirme une employée d’un distributeur agréé préférant garder l’anonymat. Et ce, pour la simple et bonne raison que jamais les opérateurs ne pourront contrôler totalement les activités de leurs employés, encore moins, la volonté des revendeurs de persister dans ce qui est devenu leur métier.



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