Démarrage du championnat professionnel de football : La Fédération béninoise de football est-elle prête ?

Ambroise ZINSOU 19 novembre 2013

Après son élection, le bureau exécutif de la Fédération béninoise de football s’emploie à offrir au public sportif un championnat de qualité, le championnat professionnel. Tout comme la qualité a un prix, le football professionnel a aussi ses exigences. La Fbf a-t-elle les moyens de faire rêver de sitôt les Béninois après un bon moment de désespoir ?

L’espoir est-il permis pour le « Renouveau du football » béninois ? Sans être pessimiste, on pourra oser répondre par l’affirmative. Le nouveau bureau exécutif de la Fédération béninoise de football conduit par l’Honorable Augustin Ahouanvoébla semble redonner une lueur d’espoir aux férus du sport roi et aux vrais acteurs. Avant de lancer ses activités, la Fbf a clairement affiché à travers un projet cohérent ses nobles ambitions de faire du football béninois une véritable locomotive de toutes les autres disciplines sportives. Ainsi, elle a décidé d’aller à un football professionnel. Une démarche qui ne manque pas de pertinence mais qui fait appel à des exigences. « Le football ne sera plus géré comme avant où les vrais acteurs ne jouissent pas des fruits de leurs efforts », a déclaré l’Honorable président sur l’une des chaînes de télévision de la place. Une mission : des hommes, des moyens. Et pour joindre l’acte à la parole, il faut d’abord commencer par le championnat professionnel qui est prévu pour démarrer dans la première quinzaine du mois de janvier 2014.

Les réalités techniques du terrain
50 millions de caution pour les clubs de première division, 30 millions pour les clubs de deuxième division et 15 millions pour ceux de la troisième division. C’est bien les montants que devront payer les différents clubs béninois qui prendront part au championnat professionnel de football. Des cautions relativement réfléchies lorsqu’on connaît l’environnement économique du pays. Et cet engagement des clubs pour les différentes divisions passe par l’achat du cahier de charges. Mais, la Fbf devra faire face à certaines contraintes.
D’abord, l’année sportive 2013-2014 est une saison charnière au cours de laquelle les championnats doivent être terminés tout au moins avant la fin du mois de mai à cause de la coupe du monde Brésil 2014 qui s’ouvre en été prochain. Donc, théoriquement, la Fbf n’est pas sûre d’organiser un championnat professionnel avec 14 clubs en D1, 12 clubs en D2 et tenir dans le temps, c’est-à-dire en 5 mois. Peut-être qu’on fera jouer les équipes en semaine, et là encore, il se pose l’éternel problème d’homologation des matches, qui a toujours été une source de conflits entre les dirigeants de clubs qui se confondent aux dirigeants de la Fbf.
Ensuite, ce n’est pas évident que tous les dirigeants puissent trouver les montants exigés pour payer puisqu’en dehors de la caution, il va falloir faire face à d’autres charges inhérentes à la gestion du club. L’expérience a montré que tous les dirigeants n’ont pas les moyens pour se payer le cahier de charges. La preuve, pour le championnat professionnel défunt, il a fallu l’aide d’une bonne volonté, en l’occurrence Sébastien Ajavon qui a sorti de l’argent afin de permettre aux clubs de prendre part à la Ligue du football professionnel.
Enfin, ceci pose deux autres problèmes. Dans un premier temps, on ne connaît pas encore le nombre de clubs retenus en première division, de même que dans les autres divisions. La question qui se pose est de savoir si les clubs qui avaient participé au pseudo championnat organisé par la Fbf sortante sont d’office retenus ? Dans un second temps, si les clubs de D1 ayant acheté le cahier de charges n’atteignent pas 14, que fera alors la Fbf ? Egalement, il faut résoudre l’équation des autres entre-temps écartés et qui manifesteraient le désir de prendre part au championnat professionnel.

La Fbf jouera-t-elle au messie ?
La Fédération béninoise de football va-t-elle jouer au messie en subventionnant les clubs ? Le championnat professionnel étant mieux organisé, la Fbf a besoin de déléguer le pouvoir de gestion à un organe qui va s’en occuper et lui rendre compte. Cet organe de gestion sera-t-il autonome pour trouver tout de suite de sponsors afin d’aider les clubs ? Encore qu’il faut revoir le mode de répartition des subventions que la Fbf pourrait accorder aux clubs. Tenez, les clubs du Sud Bénin ne doivent pas bénéficier des mêmes subventions que celles du Nord du pays où il n’y a pas assez de clubs. Si nous prenons l’exemple du Mogas 90 qui est à Cotonou, il fera une seule fois le déplacement de Parakou et une seule fois le déplacement de Djougou. Mais lorsqu’on prend un club du septentrion, il fera autant de fois le déplacement du Sud que de nombre de clubs. Donc, il est aussi important de revoir les éventuelles subventions qui vont revenir à chaque club.

Retard dans la mise en place des structures
Le football professionnel est géré selon un organigramme bien précis. Et si le championnat devrait en principe démarrer en janvier tel que annoncé, en tout cas pas encore de façon officielle, beaucoup de structures qui entrent en ligne de compte dans cette gestion devraient êtres mises en place. Il s’agit entre autres des différentes Commissions, surtout celles des arbitres et de sanctions, règlements pénalités. Si on décide de jouer en semaine, il est clair que des matches ne seront pas homologués avant d’autres. Ce qui peut ouvrir la voie à la tricherie et aux trucages longtemps dénoncés. De même, les démembrements de la Direction technique nationale doivent être déjà installés dans toutes les Ligues régionales. Ceux-ci auront pour mission d’accompagner les différents clubs qui évoluent dans les départements du pays.

Et la part de l’Etat ?
L’Etat doit aussi mettre la main à la poche et accompagner le championnat professionnel. Il ne s’agira plus de distribuer de l’argent et des ballons aux clubs, mais plutôt de mettre la subvention de l’Etat à la disposition de l’organe qui va s’en occuper et rendre compte. Cela ne doit pas empêcher l’Etat de contrôler la gestion qui en sera faite car, les dirigeants de la Fbf sont aussi prêts pour des descentes périodiques de l’Ige. En un mot, l’Etat doit apporter une part consistante pour accompagner le professionnalisme.

Et si on prenait un peu de temps ?
Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Il est vrai que le football béninois avait connu de difficultés et qu’après le changement à la tête de la Fbf, des gens sont pressés de voir une nouvelle image de leur sport roi. Une envie légitime lorsqu’on sait que les élus de la liste « Renouveau du football » portent en eux l’espoir de tout un peuple qui a perdu les habitudes des stades depuis des lustres. Mais cela ne doit pas être aussi une source de précipitation pour le nouveau bureau exécutif qui a d’énormes défis à relever. Et pour cela, il faut prendre du temps pour mieux asseoir les dispositifs qui vont permettre de relancer le football béninois. On ne peut pas vouloir d’une chose et de son contraire. Il serait souhaitable que le bureau exécutif harmonise ses projets et se fixe un chronogramme rigoureux car, ils n’auront aucune excuse lorsqu’ils ne vont pas combler les attentes des populations. Et dans une démarche de réconciliation, lorsque le premier contact est faussé, plus rien de positif n’est possible. Qu’est-ce qui est fait de la réconciliation de la famille du football tant prônée par le nouveau bureau exécutif ? Que deviennent les clubs entre-temps relégués ? Quel sort est réservé aux membres qui avaient écopé des années de suspension ? Comment organiser désormais la gestion au niveau des Ligues régionales ? Et si on organisait des compétitions régionales afin de commencer par rapprocher les populations des stades ? Autant de questions auxquelles il va falloir trouver des solutions avant toute autre entreprise parce qu’il faut rêver en « couleur » lorsque vous êtes appelés à bâtir une œuvre pour la postérité.



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