Entretien avec le pongiste Béninois Milckel-Dios Chacha : « …en toute chose, il faut du cœur et un mental de résistant »

La rédaction 4 novembre 2015

Participant aux compétitions depuis 2003, Milckel-Dios Chacha est un pongiste béninois qui poursuit sa carrière avec dévouement. Après ses exploits dans les catégories d’âges, il compte toujours relever le défi dans cette discipline malgré les difficultés. Dans cet entretien, le pongiste parle d’une part de son parcours et d’autre part des maux qui freinent le développement de la discipline au Bénin.

Parlez-nous de votre carrière ?
Tout a commencé au CM2, j’avais 8 ans à l’époque. Je n’avais pas connaissance de cette discipline sportive qu’est le Tennis de Table. J’avais deux amis à l’époque, Kenneth Fandohan et Gédéon Dossou qui pratiquaient déjà ce sport. Fortuitement, à la sortie des cours un mercredi soir, je les ai aperçus en train de jouer dans la cour. Bien que cela soit d’un niveau amateur, j’ai été tout de même attiré par leur jeu parce que cela n’avait rien de brutal, mais pouvait développer beaucoup de réflexes chez celui qui s’y adonne. Après avoir été informé des règles du jeu, j’ai décidé de pratiquer cette discipline. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans le domaine du Tennis de table. Quelques mois après mes débuts, j’ai été recruté dans l’équipe ‘’Espoir de Bohicon’’, sous l’aile du coach Romuald Mehinto. J’ai compris que je passais à un autre niveau. Car, désormais, en lieu et place d’une table vétuste à dimensions irrégulières, se trouvent des tables de normes internationales avec des raquettes de qualité. Ce fut le début d’une belle aventure pour moi. Nous étions au total 15 pratiquants tous jouant dans la catégorie des minimes. Après une sélection interne, nous avons participé à notre premier tournoi qui s’était déroulé à la mairie de Calavi. J’ai fini 3e du tournoi dans la catégorie des minimes. Trois mois plus tard, j’ai eu à participer à mon premier championnat national à Cotonou. Cela a eu lieu au Hall des Arts de Cotonou. Ma première expérience, il faut avouer qu’elle n’a pas été une réussite. Mais, une fois rentré au bercail, j’ai su qu’il fallait que je sois plus offensif et agressif si je voulais véritablement exceller dans cette discipline. Ce que je fis tout au long de l’année avec mon entraîneur et certains coéquipiers. A ma seconde expérience au championnat national en 2004, j’ai fini 1er en match par équipe d’hommes dans la catégorie des cadets avec mon coéquipier Kenneth Fandohan. Nous avons su très tôt entrer dans le match et on n’a pas laissé le temps à nos adversaires de réfléchir. Bref, les années qui ont suivi, les succès se sont multipliés. J’ai fini champion à 2 reprises au niveau des cadets sur l’échiquier national, Champion des juniors et des moins de 21 ans également. J’ai participé à des tournois internationaux, notamment le tournoi international Blaise Soglo qui regroupe de nombreux pays comme le Congo, le Ghana, le Nigeria, le Niger, le Burkina Faso, la Côte D’Ivoire etc. … Ma plus belle victoire a été enregistrée en demi-finale où j’étais devant des centaines de spectateurs. J’ai su dominer ma peur et j’ai fait ce qu’il fallait pour arracher le trophée. J’ai passé aussi des moments sales dans ma carrière. J’ai connu des hauts et des bas, notamment une finale des juniors que j’ai perdue. Il y a aussi le fait que depuis 5 an je n’arrive pas à franchir l’étape des quarts de finale dans la catégorie des seniors. Mais j’y crois toujours et je me dis que le meilleur reste à venir. Ma devise est claire, le succès est le produit de trois facteurs réunis : le talent, le travail, et la chance, et j’ai su capitaliser ces trois paramètres.

Comment avez-vous réussi ce parcours ?
Les moyens, bien qu’étant maigres et insuffisants, j’arrivais quand même à m’en sortir. D’abord, il faut avouer que ma raquette de compétition d’alors n’était pas de qualité irréprochable. Et quand c’est le cas, cela impacte forcément sur le jeu, les coups ne sont pas puissants. Et plus tu as de bons effets sur ta raquette, plus les balles sont rapides. Mais, cela n’a point été un handicap pour ma progression. Car, en toute chose, il faut du cœur et un mental de résistant. J’y suis arrivé grâce à mon travail permanent et à l’abnégation dont je faisais preuve à chaque entraînement. De plus, j’ai su dominer la phobie des grands matchs à chaque compétition et j’ai toujours donné le meilleur de moi-même.

Comment jugez-vous le niveau actuel du ping-pong au Bénin ?
J’ai l’impression que le tennis au Bénin est constant. S’il est vrai que nous avons une bonne pépite sur le plan national, il ne serait pas faux de dire que les jeunes n’arrivent pas à atteindre le haut niveau à cause du manque de suivi et de moyens matériels. Il existe des clubs qui font du bon boulot. Je veux citer Espoir de Porto-Novo, Nagra de Cotonou, Espoir de Bohicon dont je suis le produit. A partir d’un certain âge, les jeunes pongistes béninois se découragent du fait qu’ils ne soient pas en compétition régulièrement et ne se donnent plus à fond.

Alors, dans ces conditions, pensez-vous qu’un athlète pourra faire carrière dans le tennis de table au Bénin ?
Cette réponse d’après moi reste subjective. Moi je n’y crois pas trop. En toute chose ou activité, il faut la motivation. Quand le mental y est, le physique suit automatiquement. Les débouchés dans ce sport sont très réduits. Nous voyons des jeunes athlètes qui, après avoir abandonné les études pour se donner à cette discipline, ont des regrets par la suite. On serait tenté de croire qu’une carrière dans le tennis de table au Bénin est possible, vu les choix qui s’offrent à nous. Mais les réalités sont tout autres. En tant que pongiste béninois, quand bien même vous avez les aptitudes nécessaires pour progresser, les moyens et le soutien ne sont pas souvent disponibles. Ce qui impacte forcément sur votre niveau de jeu et toutes vos tentatives pour atteindre le haut niveau deviennent vaines. Cependant, l’espoir est permis. Si la fédération béninoise de tennis de table prend les dispositions et que le gouvernement met les moyens qu’il faut, ce sport pourra décoller.

Selon-vous, qu’est-ce-qui doit être fait pour donner une meilleure visibilité à cette discipline ?
Donner une meilleure visibilité à cette discipline inclut organiser régulièrement les championnats, des tournois de tennis de table, rendre accessible la salle d’entraînement sise au stade de l’amitié à tous les pongistes, toutes tendances confondues et en créer plus s’il le faut. Ne plus laisser place à une quelconque ségrégation au niveau des joueurs. Les dirigeants de ce sport doivent être animés de bonnes intentions et doivent faire mieux parce que tant qu’il reste à faire, c’est que rien n’a été fait. Aussi, il va falloir mener des actions de communication de masse pour faire connaître cette discipline et soutenir moralement et financièrement les joueurs afin qu’ils participent aux tournois nationaux et internationaux. On ne devient pas dirigeant pour se faire de l’argent au détriment du développement du sport. A cet effet, il va falloir que chaque dirigeant à son niveau y mette son cœur pour la formation continue de ses joueurs et non penser à spolier les maigres ressources que gagnent ces derniers. Aussi, il serait bon d’organiser le championnat national à temps et non de le repousser incessamment à des dates ultérieures. Je ne saurais poursuivre cet entretien sans remercier le président du tennis de table Ferdinand Sounou pour les efforts constants qu’il fournit pour donner de la visibilité au tennis et améliorer le niveau de jeu des pratiquants de ce sport en général. Et ceci à travers les tournois qu’il organise.

Quel est votre mot de la fin ?
Solliciter les Béninois à plus s’intéresser à cette discipline sportive. Car elle participe au maintien du corps et développe de nombreuses facultés. Aux jeunes qui aimeraient faire carrière dans le Tennis de table, je leur demande d’y croire et de mettre tout le sérieux qu’il faut à chaque match ainsi qu’à chaque entraînement. Le plus important, c’est de travailler sans cesse tout en sachant qu’il y a des hauts et des bas dans le sport et qu’il faut savoir surmonter les difficultés en temps opportun. Aux autorités, je leur demande de plus s’intéresser au Ping-pong et de mettre les moyens qu’il faut pour son développement. Il n’y a pas que le foot qui puisse faire connaître le Bénin à l’international.



Dans la même rubrique