Martin René Affoyon, vice président de la Cca répond à Bonaventure Coffi Kodjia : « … Le Caporal a été l’inspecteur du Général… quand on grandit, on respecte ses aînés… »

Ambroise ZINSOU 20 février 2014

Arbitre international de football (France et Bénin), Examinateur et Inspecteur d’arbitres, Ingénieur agronome de formation, Martin René Affoyon, vice président de la Commission centrale des arbitres (Cca), 64 ans se confie à votre journal. Il parle dans cet entretien de l’actualité relative à la Cca et du football béninois.

C’est quoi un arbitre international de football ?
Etre arbitre international, cela suppose que vous avez suivi tous les échelons en arbitrage. Il faut d’abord être de District, arbitre de Ligue ensuite arbitre Fédéral. Et le titre d’arbitre international s’acquiert à partir d’une cooptation. Une Commission coopte un arbitre fédéral. Si ce dernier est accepté par la Caf ou la Fifa, en ce moment, il devient arbitre international. Donc, vous comprenez que dans cet engrenage, tout le monde ne peut pas être arbitre international même si on a le mérite et peut-être plus de mérite que certains arbitres internationaux.

Quelle est la composition de la Commission centrale des arbitres (Cca) ?
Au jour d’aujourd’hui, la Commission centrale des arbitres (Cca) est composée d’un président qui n’est rien d’autre que le Président de la Fbf, d’un vice-président, en ma personne, d’un Secrétaire général élu par l’ensemble des membres du bureau et puis, d’autres membres.

Vu sa nomenclature, cette Commission est-elle à la hauteur de la mission à elle assignée ?
Je ne pouvais pas penser le contraire dans la mesure où nous avons toujours fonctionné ainsi depuis des années. Je ne suis pas à ma première expérience en tant que Vice président de la Cca. J’ai été dans beaucoup de Cca depuis 1987 et aussi à l’avènement de la Ligue du football professionnel. J’ai été également Secrétaire général et je crois que jusque-là, si les gens ont tenu à ce que je continue le travail, c’est parce qu’ils savent que je suis très modeste et capable.

Partagez-vous l’avis selon lequel, l’actuelle Cca est composée de gens de peu de scrupule et corrompus ?
Cette déclaration n’engage que son auteur. Je ne peux répondre des gens de mon bureau, mais je sais, pour avoir pratiqué beaucoup que c’est du discrédit pur et simple. Dans toutes les structures, il peut y avoir des brebis galeuses. Avant, il en avait eu. Donc, je ne peux pas dire qu’il n’en aura pas. Mais, à traiter toute une structure de cette manière, j’avoue que c’est de la bassesse.

Pensez-vous que les gens peuvent prendre de l’argent pour faire changer le résultat d’un match ?
Au jour d’aujourd’hui, je ne peux pas l’affirmer. Car, avant de faire de telles déclarations, il faut avoir des preuves. Si on se basait sur ce qui s’est passé lors des anciennes Cca ou de certaines Cca, et qu’on le dise de cette manière, on ne peut en aucun cas l’appliquer à une Cca qui vient d’être mise en place. Dans ce cas, j’avoue que c’est aller vite en besogne. C’est des déclarations très faciles et qui veut noyer son chien l’accuse de rage.

Faites-nous part de l’ambiance de travail au sein de la Cca
Si j’ai bonne souvenance, la Cca est mise en place le 30 décembre 2013. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y a pas de heurts, il n’y a pas de départ regrettable. L’ambiance ici est bon enfant. Vous savez, chacun est libre de ses opinions. A part cela, je crois que le travail se passe assez bien.

Ne pensez-vous pas que vous êtes un Caporal qui veut commander un Général ?
Rire (Ndlr) ! Ecoutez ! Je ne peux pas dire que je suis le seul en mesure de gérer la Cca. Ce ne serait pas du tout modeste de ma part, je ne peux pas le dire. Je répète une fois encore que si j’ai traversé beaucoup de Cca en tant que Secrétaire général, c’est que, quelque part, les gens ont reconnu mon mérite pour me reconduire. Certainement, si je partais aujourd’hui, il y aura des gens pour gérer. Il n’y a pas de doute.
Mais je vais vous dire que nous ne sommes pas dans un corps d’armée où un Caporal va conduire un Général. Dans le même temps, il n’est pas non plus normal qu’un élève vienne dire à son maître parce qu’il a un diplôme un peu supérieur à celui du maître, dégage de la classe et c’est moi qui vais prendre la classe. Je vais vous dire aussi que quelque part, le Caporal a été l’Inspecteur du Général. Il l’a inspecté sur des matches. Et puis, qu’il soit Caporal, la modestie, le bon sens et la déférence veulent que quand on grandit, on respecte ses aînés. Et le Caporal a travaillé avec le père du Général et a été le Secrétaire général du père du Général. C’est avec le père que nous avons géré la carrière du Général.

Alors, c’est quoi un « bon arbitre gestionnaire » ?
Etre un bon arbitre ne veut pas dire être un bon gestionnaire des Hommes. Le travail qui se fait au département d’arbitrage et à la Cca réside dans la gestion des Hommes. Il faut avoir l’expérience et la capacité de gérer les Hommes. Personnellement, je suis dans l’administration depuis 1987 au niveau arbitral. J’ai été Secrétaire d’abord de la commission régionale de l’Ouémé, j’ai été pendant 7 ans président de la Commission des arbitres de la Ligue régionale de l’Ouémé. Ensuite, j’ai été simple membre de la Cca avant de devenir Secrétaire général pendant des années. Aujourd’hui, je suis vice-président de la Cca, donc j’ai gravi des échelons même si je n’ai pas été arbitre international. Pendant tout ce temps où j’ai été Secrétaire général, j’ai eu des Généraux qui ont travaillé sous moi. Je peux citer Sylvain Abikanrou qui est aussi un arbitre émérite qui a été à la Can Juniors, il y a un autre qu’on a oublié et qu’on maltraite même, je veux nommer Hugues Joseph Mongbo qui est le premier arbitre à aller à une Can. Mais, on oublie tout ce monde-là qui a servi à mes côtés et n’ont jamais mis en doute ma moralité, ma probité au travail. Aujourd’hui, un Général sort, mais ce Général peut remercier le président qui l’a réveillé parce que depuis qu’il est sorti de la course, il n’a pas senti le besoin de se justifier en son temps par rapport à sa situation. C’est dommage, puisque les qualités qu’on exige d’un arbitre sont des qualités de moralité, de probité. Lorsque vous êtes techniquement fort, intellectuellement fort et que vous n’avez pas ce côté moral, évidemment, vous ne pouvez rien faire de bon. C’est dommage qu’on en arrive là. Je ne vais pas tomber aussi bas à faire des déclarations du genre. Mais, il faut que chacun sache raison garder. On a besoin de tout le monde, mais ce n’est pas à ce prix-là.

Etes-vous d’avis que la Cca est dominée par les gens de l’Ouémé ?
Du tout pas ! A la lecture des membres qui composent la Cca, l’Ouémé-Plateau ne domine pas la Commission. La Cca est composée de gens venus d’un peu partout, de tous les départements du Bénin. Et il faut aussi qu’on ne cultive pas cette idée d’équilibre régional parce qu’on sait là où ça nous a conduit ou ça continue de nous conduire à ce jour. Il ne faut pas que dans le sport, qu’on continue cette pratique qui divise. Il faut mettre les gens qu’il faut à la place qu’il faut, quelle que soit leur région d’origine.

Votre appréciation après quelques journées du championnat
Vous savez, le championnat n’est pas du tout facile, surtout avec les arbitres. Ce que nous rencontrons aujourd’hui n’est pas nouveau. C’est des situations que nous déplorons tous. Vous savez, on n’a pas un panel assez large d’arbitres. Et cela pose problème car, c’est les mêmes qu’on revoie avec une fréquence qui suscite parfois des ressentiments et c’est cela qui nous amène à des dérives. Lorsqu’on aura plus d’arbitres, je pense qu’on aurait la chance d’éviter certaines choses.

Et les violences faites sur les arbitres ?
Je ne peux jamais être d’accord. Quelles que soient les raisons, je ne peux pas accepter qu’on bastonne des arbitres. J’ai été arbitre moi-même et ça, je ne l’accepterai jamais. C’est pour cela que je salue la Commission de discipline qui a rendu une décision que je trouve éloquente vis-à-vis d’Avrankou Omnisports. Et cela doit servir de leçon à tout le monde. Je crois qu’il faut taper fort afin que cela puisse avoir un impact pédagogique sur les autres.

Un avis aux arbitres qui font souvent l’objet de violences
Ce que j’ai l’habitude de dire aux arbitres, c’est qu’ils doivent préserver leur liberté vis-à-vis des uns et des autres et se référer aux règles du jeu. Ne pas se laisser envahir par les pressions parce qu’ils subissent beaucoup de pressions de la part des supporters. Lorsqu’aux réunions techniques, les gens protestent déjà la désignation des arbitres, c’est leur mental qui prend un coup. Et lorsque son mental prend un coup, il a beau maîtriser les règles du jeu, il pourrait passer à côté lorsqu’on sait que les stades du Nord au Sud ne sont pas sécurisés.

Est-ce qu’aujourd’hui, les arbitres sont mieux rémunérés ?
Vous savez, comparaison n’est pas raison. Quand j’étais arbitre, je sais ce qu’on prenait. Et aujourd’hui, je ne dis pas que tout est rose, mais, c’est quand même conséquent. Vous savez, vous pouvez donner un million à un arbitre sur un match, s’il veut être corrompu, il le sera. La preuve, sous d’autres cieux, nous voyons des arbitres internationaux qui sont virés pour fait de corruption. Ce n’est pas qu’ils étaient mal payés, ils sont logés dans des Hôtels de haut standing, cinq étoiles. Donc, la corruption c’est l’individu. S’il est cupide, il va toujours chercher à arrondir les angles.
Propos recueillis par Ambroise ZINSOU



Dans la même rubrique