Gestion foncière à Abomey-Calavi Le Maire Patrice Comlan HOUNSOU-GUEDE éclaire l’opinion publique

Arnaud DOUMANHOUN 17 juin 2014

Patrice Houssou-Guèdè, maire de la commune d’Abomey-Calavi

Il y a quelques jours au parlement, des députés ont dénoncé la mafia foncière dans la commune d’Abomey-Calavi. Qu’avez-vous à répondre à ce sujet ?
Merci de m’offrir cette tribune pour aborder la question foncière dans la commune d’Abomey-Calavi. Tout le monde en parle sans en connaître grand-chose. Tout le monde colle beaucoup de choses aux autorités communales actuelles comme si elles étaient élues depuis 1960 à la tête de cette commune. Nous sommes venus en Septembre 2008 et avons hérité du lourd passif que constituent les problèmes liés aux travaux de lotissement dans la commune. Cela dit, pour en revenir à votre question, j’ai suivi comme vous, le débat mené par les députés à l’Assemblée nationale sur la gestion foncière. S’il est vrai que les honorables sont dans leur rôle, il n’en demeure pas moins que certains d’entre eux, ont transformé l’Assemblée nationale en une tribune de règlement de comptes personnels.

Monsieur le maire, que voulez-vous dire par là ?
Des propos des députés, on peut distinguer ceux qui ont reconnu les efforts faits par la mairie d’Abomey-Calavi en posant le problème dans son contexte et en situant les responsabilités des différents pouvoirs publics : le gouvernement, le parlement et les collectivités décentralisées.
J’ai aussi noté une deuxième catégorie qui mélange les problèmes créés par des propriétaires terriens indélicats et les démarcheurs de mauvaise foi. Ceux-là ont besoin de comprendre de quoi il est question et si vous le voulez, nous allons les éclairer. Enfin, une dernière catégorie de députés qui utilise le parlement pour régler ses problèmes personnels et politiques avec les autorités de la commune d’Abomey-Calavi.

Voilà un décor bien planté pour mieux nous éclairer sur le foncier à Abomey-Calavi. Vous avez commencé à dire que vous avez pris cette commune en charge en 2008. Alors, quelle était la situation du foncier en ce moment et qu’en est-elle aujourd’hui ?
C’est une excellente question que ceux qui aujourd’hui s’évertuent à trouver des poux sur la tête d’un chauve auraient dû se poser. Vous allez être surpris de savoir qu’en 2008 au moment où je prenais service en tant que maire, les seules zones entièrement loties sont situées entre Abomey-Calavi et Akassato et ce sont les zones sous liquidation, c’est-à-dire la Zoca et la Zopah. A Godomey, mis à part les tranches A et B qui suivaient leur cours normal, la tranche C démarrée en 1995 était bloquée depuis 2007. A Abomey-Calavi, le lotissement démarré depuis 1987 était aussi bloqué. A Akassato, les quelques rares états des lieux initiés ont aussi connu des blocages. Dans les six autres arrondissements, il n’y avait pas encore d’initiative perceptible de lotissement C’est dans ce contexte de statu quo généralisé que nous sommes arrivés en 2008.

Alors, aujourd’hui, concrètement, quel bilan pouvez-vous faire ?
De 2008 à ce jour, il faut dire que les résultats obtenus sont rassurants, perceptibles et augurent d’une bonne perspective, même si du travail reste encore à abattre pour satisfaire les paisibles populations. Je voudrais rappeler qu’à ma prise de fonction, ma première priorité telle que formulée dans mon discours d’investiture était la finalisation du lotissement de ma commune afin de permettre aux populations et aux investisseurs de développer leurs projets sans risque foncier.
J’ai engagé avec les différentes parties prenantes, un véritable dialogue et cela a payé. A ce jour, les tranches A et B de l’arrondissement de Godomey sont achevées et le comité chargé de la clôture a été installé et finira incessamment son travail.
Le recasement aujourd’hui est très avancé non seulement pour la tranche C mais aussi pour Togbin, Djèkpota, Togoudo, 2e tranche à Calavi-Centre, Houèto, Ahossougbéta, Gbétagbo, Glotokpa, Misséssinto, Akassato-Centre pour ne citer que ces quelques cas.
L’arrondissement de Glo-Djigbé est à la phase de la mise en œuvre des plans de voirie pour ce qui est de la 1ère tranche et la phase d’état des lieux pour la 2e tranche. La phase d’état des lieux a également démarré à Hèvié et très bientôt dans l’arrondissemnt de Ouèdo.

Voulez-vous dire que tous les arrondissements sont engagés dans le lotissement ?
J’allais y venir. Pour raison d’efficacité, 7 arrondissements sur 9 sont totalement engagés dans les opérations de lotissement. Seuls les arrondissements de Kpanroun et de Zinvié ne sont pas encore concernés par les lotissements mais nous allons y arriver bientôt.
C’est vous dire que tout le monde doit être rassuré de la qualité des opérations de lotissement et des résultats à espère desdites opérations. Ainsi, les avancées enregistrées en matière de réalisations d’infrastructures routières et sociocommunautaires aujourd’hui dans la commune d’Abomey-Calavi avec le soutien du gouvernement du Dr Boni Yayi et des partenaires au développement sont légions

Alors, pourquoi insiste-t-on si tant sur la mafia foncière dans votre commune ?
La mafia foncière est liée aux villes en développement. Hier, c’était Cotonou. Aujourd’hui, elle est à Calavi et poursuit allègrement sa route vers les autres communes.

Leurs modes opératoires sont variés. A titre d’exemple, comment comprendre que des enfants héritiers remettent en cause des ventes de parcelles consenties par leurs parents défunts depuis des décennies, alors que c’est le fruit de cession de ces parcelles qui aurait servi à doter leur mère, à assurer leur scolarisation etc. Il faut avouer que ces manœuvres sont organisées avec la complicité et la cupidité de certaines personnes âgées qui au surplus intentent des procès qu’ils gagnent dans bien de cas au détriment d’innocents acquéreurs.
Certains de nos compatriotes, par déficit d’informations, acquièrent des parcelles chez des individus qui ne sont pas les réels propriétaires. Vous conviendrez avec moi que dès que surgiront les vrais propriétaires, surgiront également les problèmes domaniaux.
Au-delà de la mafia, on note des détenteurs de titres fonciers qui ne se manifestent pas à la phase d’état des lieux mais qui seulement à la phase de recasement, apportent les informations nécessaires. Ceci compromet l’application du coefficient de réduction et perturbe toute la suite du processus. Voilà quelques exemples non exhaustifs de ce qu’on peut appeler la mafia foncière à Abomey-Calavi.
Je ne terminerai pas sur ce registre sans aborder la scandaleuse affaire de 39 hectares qui défraie actuellement la chronique à Abomey-Calavi et pour laquelle, ma tête est mise à prix.

Quelle est encore cette affaire de 39 ha, c’est du nouveau ça ?
Tenez, tout est parti de l’opération de liquidation de la Zoca où une pseudo héritière réclamait 3000 m2 à la commission mise en place à cet effet.
Cette réclamation devrait être faite au sein de sa collectivité. Renvoyée dans son cercle familial, elle n’a pas eu gain de cause, elle a alors intenté un procès contre la mairie, où le réseau a si bien fonctionné que la mairie n’a pas pu participer au dit procès et a donc été condamnée par défaut à dédommager à hauteur de 39 hectares un individu qui ne réclamait au départ que 3000 m2.
Mais l’appel interjeté permettra de mieux décanter la situation car aucune collectivité n’a jamais eu plus de quinze hectares dans la coopérative de la Zoca si ce n’est la collectivité Bada comme l’atteste le journal officiel de l’époque.

Comment allez-vous la dédommager alors ?
Cette dame réclame une zone de services publics nationaux et internationaux comme le siège de la Ceb, le Ceg2, le Carder Atlantique, le site du Wapp, le commissariat central de Calavi, les aires de jeux de la jeunesse etc. Voilà une mafia foncière dont les membres sont connus. En fait, cette mafia vise les réserves administratives et a déjà commencé à morceler les aires de jeu situées dans la Zoca. Ce que j’ai fait arrêter. Voilà un excellent travail pour lequel l’accompagnement de nos députés serait le bienvenu.

Mais quelles mesures prend la mairie pour mettre fin aux agissements de cette mafia ?
C’est aux citoyens acquéreurs ou propriétaires qu’il revient de faire très attention. N’achetez pas une parcelle sans que le Chef quartier ou le chef de village ne vous rassure de son caractère non litigieux, c’est la première étape pour saper le moral à la mafia. Ne traînez pas pour vous procurer tous les documents administratifs nécessaires pour prouver votre titre de propriété. Faites l’authentification de vos documents fonciers et vous êtes exempts des problèmes. La mairie est ouverte pour donner toutes les informations à ce sujet. Nos frères qui se trouvent à l’étranger n’ont pas à se laisser gruger par la mafia. Les autorités locales et communales ont suffisamment de bases de données, notamment sur les zones recasées ou en voie de lotissement pour vous éviter toute déconvenue.

Il a été aussi évoqué dans les débats la vente des parcelles hypothéquées pour le fonds Opep, le dossier Gbb, qu’en est-il ?
Si les députés sont vraiment intéressés par cette affaire, qu’ils viennent la fouiller et situer les responsabilités. Les contre vérités n’éclairent pas le peuple. Le dossier GBB a défrayé la chronique ici et on l’a couvert sous forme d’acharnement politique contre le sieur Simon Pierre Adovèlandé. Mais il n’en était rien. Je voudrais donc ici vous rappeler les faits.
En effet, courant 2001, sous le ministre de l’environnement, de l’habitat et de l’urbanisme d’alors, la société GBB dont le Président du Conseil d’Administration est Monsieur Simon Pierre ADOVELANDE, le beau-frère dudit ministre, a contracté avec la sous-préfecture d’Abomey-Calavi, un contrat de bail à construction pour réaliser des logements sociaux sur un domaine communal objet des titres fonciers 2601 et 2602 d’une superficie de plus de 32 ha 15 a 51 ca .
Il est difficile aujourd’hui d’établir la preuve de l’approbation de cette décision en conseil des ministres. Toujours est-il que le groupe Gbb a obtenu l’aval du gouvernement pour contracter un prêt de plus de deux milliards et demi de Fcfa auprès de Shelter Afrique et Ofid pour ce projet.

La mairie n’a donc rien à voir avec le Fonds Opep ?
Très exactement. Les terres de la mairie n’ont jamais été hypothéquées pour quelque prêt avec quelque groupe financier. Mais c’est le gouvernement de notre pays qui a servi d’avaliseur à un contrat de prêt entre Gbb et un groupe financier international en exhibant le contrat de bail signé avec la sous-préfecture d’Abomey-Calavi pour réaliser des logements chez nous. Maître Jean Jacques Gbèdo, notaire, peut mieux vous expliquer cette transaction.

Mais où se trouve en réalité le problème avec Gbb ? N’aviez-vous pas vendu des terres qui seraient hypothéquées ?
Nous n’avions aucun contrat avec le groupe financier. Voici pourquoi la mairie a réagi et cédé ses terres. Le groupe Gbb, au lieu de réaliser lesdits logements, a certainement utilisé les fonds à d’autres fins. Ensuite, sans s’en référer à la mairie, et contrairement aux dispositions du contrat de bail à construction, la société Gbb a entrepris la cession desdites parcelles du domaine communal sans y réaliser les logements initialement prévus. Mieux, elle n’a pas cru devoir reverser à la mairie les 121.914.000 FCFA, produits des cessions frauduleuses, au mépris du mandat délivré par devant Maître Jean Jacques Gbèdo, notaire.

Alors, la mairie a procédé à la vente des terres…
Voilà. Excédée par la vente anarchique des parcelles du domaine communal et le mutisme de la société Gbb, afin d’éviter la cession de tout le domaine sans que la mairie n’en perçoive les produits, le conseil communal d’Abomey-Calavi, en Janvier 2010, a délibéré et autorisé la cession du domaine pour sa viabilisation et la perception des impôts sur l’immobilier. Aujourd’hui, la viabilisation est effective, de nombreux immeubles y sont déjà érigés et participent aux efforts fiscaux de la commune.
Qu’on nous oblige aujourd’hui à rembourser un prêt que la mairie n’a ni de près, ni de loin, en tant que propriétaire des domaines, cautionné est injuste. Tôt ou tard, la justice va nous donner raison. Je voudrais inviter les députés à venir creuser pour mieux éclairer l’opinion publique. Qu’on aille chercher le ministre de l’urbanisme et le président du conseil d’administration de Gbb pour qu’ils viennent répondre de leurs actes.

Qui fait le bradage des terres souligné par les députés ?
Parler de bradage est exagéré. Cela étant, la vente d’une réserve administrative n’est pas interdite pour autant qu’elle obéisse à la procédure requise : autorisation du conseil communal, approbation de l’autorité de tutelle et paiement moyennant quittance au trésor public.
Pour ce qui est des lots soulignés par les députés, je voudrais rappeler qu’ils ont fait l’objet d’une délibération du conseil communal qui a autorisé la cession des parcelles restantes dans le domaine Gbb aussi bien aux conseillers communaux qu’à la population.
C’est à ce titre que tous les conseillers en avaient acheté. Mais les chiffres énoncés sont fantaisistes et purement imaginaires. D’ailleurs, l’audit foncier établi par un expert comptable à la demande du ministère de l’habitat et de l’urbanisme en avait fait un point exhaustif dont le rapport existe et est disponible.
Parler de bradage de nos terres et en déduire que la commune ne peut accueillir des projets relève de la méconnaissance de la qualité de la gestion du foncier aujourd’hui à Abomey-Calavi.
Aussi, voudrais-je rassurer que les dispositions sont prises pour protéger les différentes réserves administratives issues de la liquidation et des différents lotissements sur instruction du Ministre Raphaël Edou, alors en charge de la décentralisation. A cet effet, des plaques sont apposées sur les réserves de la Zopah et de la Zoca et sur les autres réserves issues des différents lotissements.

Selon vous, attribuer des domaines après délibération du conseil communal aux ministères et aux partenaires au développement pour leurs différents projets de développement relèverait-il du bradage des domaines publics ?
Par exemple, le programme 10 millions d’âmes, 10 millions d’arbres a bénéficié d’un domaine en plein cœur d’Abomey-Calavi en 2013. S’il y avait effectivement bradage, où trouverions-nous encore de disponibilité de terres pour attirer les investisseurs ?
Mais pourquoi cet intérêt soudain pour le foncier à Abomey-Calavi ? L’actuel conseil communal que je préside peut se targuer d’avoir pris les dispositions pour préserver autant que faire se peut les réserves administratives de la commune. Comparativement à la période de la sous-préfecture et à la première mandature du conseil communal, l’actuel conseil que je préside, toute modestie gardée, peut se dire fier de n’avoir pas excellé dans le morcellement et la cession des réserves administratives.
En effet, pendant la période centralisée, le sous-préfet à lui seul suffisait pour décider du morcellement et de la vente des réserves administratives ; le conseil communal qui m’a précédé avait eu à morceler des réserves et à les vendre. Dans les deux cas, cela n’a pas suscité autant de passions ni de polémiques.

Revenons au lotissement où des présumés propriétaires recensés à l’état des lieux ont des problèmes pour être recasés…
Je vous avais présenté précédemment les dates de démarrage des lotissements. Pour la plupart, ils datent d’une trentaine d’années. Les mutations intervenues, les titres fonciers présentés tardivement, les cessions non déclarées et beaucoup d’autres éléments associés aux combines des différents acteurs dénaturent complètement le processus de lotissement et sa durée dans le temps aggrave la situation. C’est le principal problème. Mais des comités sont formés pour étudier au cas par cas ces problèmes et les régler. Mais n’allez pas acheter une parcelle fictive et venir demander à la mairie de vous la créer. Il ne saurait y avoir de magie en la matière.

Bientôt une commission d’enquête parlementaire dans votre commune pour faire le point de votre gestion foncière, qu’en pensez-vous ?
Elle est la bienvenue et elle sera l’occasion d’éclairer l’opinion publique sur tout ce qui se dit à tort ou à raison sur la gestion foncière à Abomey-Calavi comme ce fut le cas des diverses récriminations contre la mairie faisant état de la disparition de nombreuses réserves qui au cours des descentes de vérification sur le terrain étaient bel et bien en place. Je peux citer la réserve qui abrite le projet 10 millions d’âmes, 10 millions d’arbres, la réserve abritant le lieu de cérémonie du culte vodoun etc.

Votre mot de fin ?
Je ne peux que vous remercier d’être venu à la source pour avoir la bonne information, parce qu’on peut pécher par ignorance. En ce qui nous concerne au conseil communal d’Abomey-Calavi, nous sommes sereins sur la gestion du foncier telle que conduite dans notre commune.
Aujourd’hui, les lotissements vont bon train et les populations pourront investir en toute sécurité. Je voudrais demander aux nouveaux acquéreurs de toujours requérir l’avis des élus locaux ou communaux ainsi que des directions techniques de la mairie avant toute transaction foncière qui doit également déboucher sur l’obtention des documents fonciers nécessaires.



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