Déviance comportementale dans la circulation à Calavi et à Cotonou : Attention aux crachats à tout vent !

Isac A. YAÏ, La rédaction 18 février 2019

Sur les artères de Cotonou et environs, les motocyclistes sont appelés à développer toutes sortes de réflexes. Du fait du manque d’éducation routière, les crachats et les morves peuvent surprendre à tout moment, avec des risques d’infection.

Ayant reçu au pied le crachat d’un autre usager de la route, Aristide, la trentaine ne pouvait s’empêcher de s’indigner. Malgré l’embouteillage de ce mardi, il parvient à se faufiler entre les motocyclistes avant le prochain carrefour pour s’en prendre à lui : « Ça ne va pas chez toi ? Pourquoi as-tu craché sur moi ? ». Les deux individus ont failli en venir aux mains. Malheureusement, plusieurs personnes font cette mauvaise expérience sur les artères de Cotonou et environs. Pour les différents usagers approchés, c’est l’habitude des Béninois. « Le jet des crachats et morves en pleine circulation est une chose fréquente à Cotonou et environs. J’en ai été témoin à maintes reprises », a laissé entendre Samwil, 24 ans, étudiant dans une université de la place. Ce qui est marrant est que plus d’une personne ont dit avoir été atteintes par ces salives. « Un jour, quelqu’un a craché et par mégarde, j’ai été touché à la cuisse. Il s’est arrêté pour m’aider à l’essuyer mais je lui ai demandé de laisser. J’ai certes été énervé mais je ne l’ai guère manifesté », confie Jonas, un imprimeur. Au dire d’un autre usager de la route qui a requis l’anonymat, un matin en allant au boulot, il a reçu en plein visage le crachat d’autrui. Il a affirmé ne s’être aucunement irrité. Cependant, si Jonas et ce dernier ont été tempérants face à un acte aussi déplacé, beaucoup d’autres perdent leur sang-froid.

« Dans certaines cultures, c’est très mal perçu »
Parfois, les victimes de cette pratique malsaine n’hésitent pas à en découdre avec les auteurs. C’est d’ailleurs le cas de Sylvain, un conducteur de taxi-moto, qui a été touché par un jet de salive pendant qu’il roulait. « Je n’ai pas pris par quatre chemins pour lui exprimer mon courroux. Je l’ai poursuivi pour le stopper avant de l’engueuler correctement », déclare-t-il. Selon le sociologue Mathieu Sagui, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi, ces déviances comportementales sur les voies publiques ont des conséquences inimaginables sur la vie sociale. « Au plan social, ça indispose les autres usagers, les salit. Dans certaines cultures, recevoir le crachat d’autrui au visage ou sur une autre partie du corps est très mal perçu. Donc, cela peut entraîner des bagarres », a-t-il ajouté. A l’en croire, ce comportement est un vecteur de maladies. « En effet, la salive d’une personne tuberculeuse peut rendre malade une tierce personne mise en contact avec », a-t-il ajouté.

Le silence des textes
Face à cet acte répréhensible, les textes en matière d’hygiène au Bénin restent muets. Le chapitre 1 de la loi n° 87‐015 du 21 septembre 1987 portant code de l’hygiène publique interdit tout, sauf les crachats. « Le problème est que le code d’hygiène publique garde le silence sur le sujet. Nul ne peut donc être épinglé et puni pour cela. Raison pour laquelle, à ce que je sache, le service d’hygiène publique n’a jamais mené des actions dans ce sens contre le fléau », a confié un membre de la police sanitaire qui a requis l’anonymat. Mais pour le sociologue, c’est beaucoup plus une question de savoir-vivre. « Il y a aujourd’hui au Bénin une perte des valeurs sociales. « On ne peut pas parler ici d’incivisme puisque la législation béninoise ne statue pas sur le jet des crachats et morves sur les artères publiques », précise le sociologue Mathieu Sagui. Les différents acteurs rencontrés ne proposent qu’une éducation à la sécurité routière dès le bas âge pour imiter ces pratiques. « Il faut tout simplement une éducation routière. L’Etat doit mettre sur pied des normes relatives à l’hygiène routière. Mais pour y arriver, il doit élaborer cette politique nationale en associant aux politiques les populations », propose Mathieu Sagui. Pour l’un des membres de la police sanitaire, il urge de procéder à la sensibilisation des usagers de la route, mais cela risque de prendre du temps à cause du vide juridique existant dans ce domaine.
Sinatou ASSOGBA (Coll.)



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