Editorial : La République des partisans

Moïse DOSSOUMOU 25 janvier 2016

Les voix qui s’élèvent au-dessus de la mêlée et imposent silence, soumission et respect, ne se font plus entendre. Il y a encore quelques années, les Béninois prenaient un réel plaisir à écouter les aînés qu’ils considéraient à juste titre comme des sages auxquels on pouvait se fier sans courir le risque d’être manipulés. Mais aujourd’hui, le déclin des valeurs aidant, les discours des personnes âgées qui jouissent d’un certain prestige au sein de la société, sont interprétés et décortiqués de mille manières. La méfiance règne en maître dans les rapports sociaux et a pris de l’ampleur à telle enseigne qu’il n’est plus possible de donner à quiconque, quel que soit son titre, la communion sans la confession. Même les anciens chefs d’Etat se sont laissé embarquer dans cette aventure sans fin.
En effet, il est révolu le temps où, sans se poser des questions, les populations se laissaient aveuglément guider par les devanciers. Dans ce Bénin devenu sans repère, les têtes couronnées, les sages et notables qui, naguère, incarnaient l’autorité morale, à qui il fallait se référer en toute circonstance, sont descendus, de leur propre chef, de leur piédestal. Les postures auxquelles ils se sont habitués ces dernières années ont fini par les décrédibiliser. Le fait pour eux de faire irruption dans la vie politique et de soutenir des positions controversées leur a ôté toute impartialité. La retenue et le sens de la hauteur qui sont des qualités indéniables chevillées aux corps des chefs traditionnels ne sont plus que des mots aujourd’hui.
Comme si cela ne suffisait pas, le rempart religieux s’est lui aussi effondré. Les prêtres, les pasteurs, les imams, les responsables de couvents se sont aussi érigés en défenseurs des différentes sensibilités politiques. Du jour au lendemain, tout le monde est devenu partisan. Les lieux de culte devenus des espaces de propagande politique font des fidèles et adeptes des militants à la solde des responsables des partis politiques. La période où feu Bernadin Cardinal Gantin et le regretté archevêque de Cotonou, Isidore de Souza, pour ne citer que ceux-là, inspiraient un minimum de respect et de confiance, est révolue. Les récentes disparitions du Professeur Jean Pliya et de El Hadj Mouhamed Sanni, ex président de la Communauté islamique du Bénin, accentuent le mal. Mais, la Conférence épiscopale du Bénin essaie tant bien que mal de ne pas se laisser emporter par la vague immorale qui rafle tout sur son passage.
Tout près de nous, les Burkinabés ont réussi à conserver cette valeur morale que nous avons perdue. Le Mogho Naba, roi des Mossi, gardien des coutumes, est une référence dans son pays. Il ne manque pas d’intervenir dans la vie politique de son pays aux moments critiques. Sans réserve, il avait demandé à Blaise Compaoré de renoncer à son projet de révision de la Constitution et même ordonné à son fils de démissionner du parlement. Mieux, son domicile a été le lieu de signature de l’accord historique entre les éléments de l’ex régiment de sécurité présidentielle et les militaires loyalistes. Une autorité morale de sa trempe qui fait l’unanimité fait cruellement défaut au Bénin. Mais si le vide actuel n’existait pas par le passé, c’est qu’il peut être comblé dans le futur. Ceux qui doivent relever ce challenge sont interpellés.



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