Editorial : Le profil du député

Moïse DOSSOUMOU 12 mars 2015

La course au renouvellement de l’Assemblée nationale est lancée. Pendant que les députés sortants font feu de tout bois afin de poursuivre l’aventure au palais des gouverneurs, d’autres citoyens non moins ambitieux nourrissent le rêve de leur succéder. Sur la ligne de départ, 20 listes concurrentes retenues par la Commission électorale nationale autonome (Cena). Les rivalités qui s’annoncent déjà sur le terrain et ce avant même le lancement officiel de la campagne électorale occultent les vrais débats. Puisqu’ici il s’agit de l’élection des représentants du peuple, quel est alors le profil idéal du député ?
Avant tout propos, il y a un constat qui saute à l’œil. De la première législature à la sixième dont le mandat s’achèvera sous peu, la qualité des hommes et femmes admis à l’Assemblée nationale a beaucoup varié. Au départ, les érudits avaient occupé les premières loges. Ceci donnait lieu à des débats virils étoffés par une solide argumentation selon le camp auquel les uns et les autres appartenaient. Les intervenants d’alors maîtrisaient les sujets et le faisaient savoir avec brio. Si Nicéphore Soglo, malgré son bilan élogieux, a perdu le pouvoir en 1996, la 1ère législature acquise à la cause de l’opposition d’alors en a été pour beaucoup.
Aujourd’hui, les intellectuels ont cédé la place aux opérateurs économiques, aux douaniers et à bien d’autres dont il est difficile de préciser la profession. Les professeurs d’universités, les médecins, les juristes, les diplomates, les financiers, les consultants, pour ne citer que ceux-là, sont réduits à une portion congrue. Il n’est pas dit que le Parlement doit être l’apanage de l’élite, mais il faut veiller à la qualité des citoyens admis à y siéger car, ils sont commis, d’abord et avant tout pour un travail intellectuel. Sur les 83 députés sortants, à peine la moitié d’entre eux s’est illustrée lors des débats parlementaires. La seconde moitié a plutôt brillé par une passivité déconcertante. Dans ce lot, il y en a dont l’évocation de l’identité suscite une grande indifférence dans l’opinion tout simplement parce que les Béninois sont incapables d’y associer des visages. C’est peu dire que des personnes qui ont réussi à obtenir le ticket gagnant pour le Parlement ne se sont pas prononcées une seule fois en 4 ans sur tel ou tel autre point des multiples ordres du jour qui ont meublé les sessions ordinaires et extraordinaires. Il y en a qui n’ont appris à appréhender le concept de la loi ou du budget qu’après leur élection à l’Assemblée nationale.
Or, pour légiférer au nom du peuple et contrôler l’action du gouvernement, il faut en avoir les aptitudes. Un député doit être capable de prendre la parole en public et exposer sa conception des choses sans étaler ses lacunes et verser dans le ridicule. Au fil des années, l’argent, devenu le principal argument lors des campagnes électorales a tout chamboulé. Le retour à l’ordre normal des choses ne se fera sans doute pas du jour au lendemain. Mais c’est un impératif pour le Bénin démocratique dont les institutions de contre-pouvoir peinent à jouer leur rôle dans les règles de l’art. Parmi les 1660 candidats à l’assaut des 83 postes, beaucoup ont des profils intéressants qui correspondent à la fonction parlementaire. Si déjà, un bon nombre d’entre eux parviennent à charmer les électeurs, ce serait un début de restauration des valeurs que nous appelons de tous nos vœux.



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