Editorial : Les députés face à l’histoire

Moïse DOSSOUMOU 16 mars 2017

Il est en phase avec ses promesses électorales. Lorsqu’il convoitait le pouvoir d’Etat, Patrice Talon avait bâti sa stratégie de conquête de l’électorat sur des propositions allant dans le sens des réformes. Sur ce plan, depuis le 6 avril dernier, les Béninois ont été servis à profusion. Le signal de la consécration de tous ces changements annoncés et amorcés a été donné hier par le Conseil des ministres qui a validé le projet de révision de la Constitution. Conformément aux dispositions de l’article 154 de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, le chef de l’Etat vient d’annoncer les couleurs. Dans les heures qui suivent, ce projet qui fait couler beaucoup d’encre et de salive sera déposé sur la table des députés. Les minutes sont donc comptées pour qu’ils soient sous les feux de la rampe.
Au soir de sa carrière politique, Adrien Houngbédji, qui tient les rênes de l’Assemblée nationale, dispose d’une occasion en or pour impacter ses compatriotes dans le sens qu’il lui plaira. Soutien affiché des actions du chef de l’Etat, c’est sous ses directives et son orientation que ses pairs députés auront à se prononcer plus d’une fois sur ce texte émanant du gouvernement. La Commission des lois devra d’abord statuer sur le projet avant que la plénière ne soit appelée à valider ou rejeter ses conclusions. Cette étape est fondamentale dans le sort qui sera réservé à ce projet phare du gouvernement. Boni Yayi qui nourrissait la même ambition que Patrice Talon a dû se résoudre à laisser ses rêves partir en fumée suite au blocage opposé par la commission des lois présidée à l’époque par Hélène Aholou Kèkè.
Patrice Talon a joué sa partition. La balle est dans le camp des députés qui se réservent le droit, s’ils valident le projet, de le conduire à son terme ou à défaut permettre au peuple d’opiner par voie référendaire. Cette dernière option était d’ailleurs préférée par le chef de l’Etat. Mais il s’est ravisé suite aux mises au point effectuées par la Cour constitutionnelle. Même si plusieurs voix s’élèvent pour solliciter le recours au référendum, cela ne pourra être possible que si le vote des élus du peuple est en deçà d’un certain pourcentage ainsi que le dispose l’article 155 de la Constitution. « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale ».
Le projet devient officiel dès à présent. Les députés sont prioritairement concernés par le sort qui lui sera réservé. Les rumeurs les plus folles ont circulé à leur sujet ces derniers jours. Leur responsabilité est grande devant l’histoire. Pour une révision de confort comme celle-là, ils ont l’obligation de s’assurer que ce toilettage se fasse dans la plus grande sagesse. Si des changements se font au hasard ou de manière fantaisiste, le Bénin se portera plus mal qu’il ne l’est avec la Constitution actuelle. Des innovations majeures sont introduites dans la nouvelle mouture de la loi fondamentale. Le débat se fera non seulement à l’hémicycle mais aussi avec les forces vives de la nation. Si les députés ont la prétention d’avoir le dos suffisamment large pour endosser la responsabilité de cette révision annoncée, ils agiront en conséquence. Mais si a contrario, il leur plaît de permettre au peuple de décider par lui-même, ils sauront aussi quoi faire.



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