En vérité : Drame sur le lac Ahémé

Moïse DOSSOUMOU 6 août 2019

« Il est gai de voguer sur le lac Ahémé, quand le temps est serein, fredonnant un refrain… ». Gustave Gbénou Vickey alias GG Vickey ne croyait pas si bien dire. Lorsqu’il composait cette mélodie immortelle, il était loin d’imaginer que ce lac dont la brise l’a généreusement bercé pouvait être source de deuil et de désolation. C’est ce qui est malheureusement arrivé hier. Au beau milieu du lac, une barque surchargée de passagers et de marchandises a chaviré. Le bilan est lourd, très lourd. 12 personnes ont perdu la vie. Parties de chez elles, pleines de vie, ces victimes avaient, sans le vouloir, rendez vous avec la mort. De retour du marché, la grande faucheuse s’est positionnée au travers de leur chemin. La suite, nous la connaissons. Heureusement, tous ne sont pas passés de vie à trépas. Cinq survivants ont été repêchés des eaux.
Trois dont un nourrisson de trois mois suivent des soins à l’hôpital de zone de Comè et un autre au centre de santé de Bopa. Pour l’heure, une personne est portée disparue. Les victimes, en provenance de Ahouango dans la commune de kpomassè viennent de payer un lourd tribut alors qu’elles étaient parties à la quête de leur gagne-pain. D’ores et déjà, une mesure d’interdiction de tout embarquement de biens et de personnes a été prise. Comme toujours, c’est après la survenance des drames que les autorités à divers niveaux se réveillent de leur profond sommeil. Au-delà de l’inconscience des victimes qui prennent bien souvent des risques insensés, une bonne part de responsabilité revient aux autorités qui font mine de ne rien voir jusqu’à ce que le pire survienne. La complaisance et le laxisme ont encore de beaux jours devant eux. A chaque fois qu’il y a des conséquences, des décisions sont prises juste pour gérer l’émotion de l’instant et la vie reprend son cours.
Autant que sur la terre ferme, la surcharge se constate sur les eaux lors du transport des personnes et des marchandises. La commune de Sô-Ava, essentiellement lacustre, en donne la preuve au quotidien. Il y a quelques mois, c’est la localité de Karimama qui a pleuré ses morts. Aujourd’hui, c’est le tour de Bopa. Demain, à qui le tour ? Sur l’eau, les voies de circulation sont connues des populations lacustres. Mais aux règles traditionnelles, il faut bien ajouter celles modernes. Comme on ne peut conduire n’importe comment sur la terre ferme, de la même manière, on doit être beaucoup plus regardant lorsqu’il s’agit du transport fluvial. Certes, ce sera compliqué d’exiger des passagers, surtout s’il s’agit des autochtones de se vêtir des gilets de sauvetage avant d’embarquer. Mais on peut tout au moins éviter les surcharges. On peut aussi tout au moins s’assurer du professionnalisme de celui qui conduit la barque.
C’est en cela que l’implication des autorités locales doit être constante. S’il y a un code de la route dont la violation peut entraîner des sanctions allant jusqu’au retrait du permis de conduire et l’emprisonnement, la même rigueur doit être de mise sur l’eau. N’importe qui ne peut se permettre de transporter des passagers d’une rive à l’autre d’un fleuve ou d’un lac. La formation, le recyclage et le contrôle périodique sont indispensables pour la sécurité des passagers. Les mairies notamment ont l’obligation de veiller au grain. Les plans d’eau relèvent du domaine public. Ils constituent des atouts économiques, écologiques et touristiques pour les localités qu’ils desservent. Raison pour laquelle aujourd’hui plus qu’hier, la négligence des pouvoirs publics est à combattre. La Police fluviale dotée de moyens idoines est un début de solution à ce problème qui occasionne des drames cycliques.



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