En vérité : L’Eco, la monnaie à polémique

Isac A. YAÏ 22 janvier 2020

C’est un sujet qui déchaîne les passions. Le rejet de plus en plus prononcé par la jeunesse du Franc de la communauté financière africaine (Fcfa) et l’avènement d’une monnaie unique pour la région ouest africaine alimentent la polémique. Restés longtemps insensibles à ce désir d’émancipation de leurs peuples, les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont progressivement adhéré à une monnaie unique. De fil en aiguille, de concertations en concertations, l’idée a mûri. Après avoir repoussé à plusieurs reprises l’échéance de l’effectivité de la Communauté monétaire, les chefs d’Etats ont convenu de passer à la vitesse supérieure à l’horizon 2020. L’annonce rendue publique le 29 juin 2019 à Abuja au terme d’un sommet des chefs d’Etats a sonné comme une révolution. Un pas de géant venait d’être franchi dans cette quête d’indépendance. L’affaire devenait sérieuse.
Les pays de la Communauté ne pouvant tous sauter pieds joints dans cette nouvelle dynamique au même moment, ceux qui respectent le mieux les critères de convergence devaient d’abord se jeter à l’eau avant d’être rejoints par le reste du groupe. Comme si elle avait établi secrètement son propre calendrier, l’Union économique et monétaire ouest africaine a mis, sans crier gare, les pieds dans le plat. La signature le 21 décembre dernier à Abidjan de la convention mettant fin au cfa au profit de l’Eco pour les huit pays membres est venue relancer le débat. Perçu comme un cheveu sur la soupe, cette initiative qui avait pour chefs de file Alassane Ouattara et Emmanuel Macron permet à l’Uemoa de négocier son entrée dans l’Eco-Cedeao. En effet, liés par une monnaie commune, en l’occurrence le Fcfa, les pays de l’Uemoa sont disposés à parler d’une seule voix à l’occasion des discussions avec la Cedeao.
Le maintien du taux de change fixe avec l’euro, le retrait des représentants français des instances de gestion de la monnaie, la question de la garantie extérieure par la France et la fin de la centralisation des réserves de change sont les bases sur lesquelles les pays de l’Uemoa ont manifesté leur accord. C’est une évidence que ces éléments ne trouveront pas grâce au niveau du cercle élargi qu’est la Cedeao. La preuve, comme une réponse du berger à la bergère, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales de la Gambie, du Ghana, de la Guinée, du Libéria, du Nigéria et de la Sierra Leone réunis en conseil de convergence de la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Zmao) ont émis des réserves le 16 janvier dernier sur l’Eco-Uemoa. Qualifiée d’avatar, la non flexibilité de cette monnaie et la garantie du taux de change par la France ne sont pas pour rassurer l’ensemble des pays de la Cedeao.
Le Ghana qui a semblé applaudir le remplacement du Cfa par l’Eco a effectué une volte-face en s’alignant récemment sur la position de la Zmao. Le Nigéria, incontournable dans la Communauté, a son mot à dire dans ce débat qui soulève des vagues. Avec ses 200 millions d’habitants, il pèse 70% du Pib de la Cedeao et est premier contributeur au budget de l’organisation. C’est dire que son leadership naturel va peser dans les discussions ultérieures même si sa politique protectionniste et sa tendance à monopoliser les postes au sein de la Cedeao peuvent lui jouer des tours. N’empêche que la marche vers une monnaie communautaire est irréversible. Comme l’a dit un économiste, « la mise en place de l’Eco va durer tellement longtemps , compte tenu de la complexité d’une monnaie commune et des critères de convergence requis pour en faire partie, que les partenaires auront le temps de se mettre progressivement d’accord, de palabres en palabres ».



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