En vérité : La Cour sous toutes les coutures

Moïse DOSSOUMOU 16 septembre 2019

Mission accomplie ! Joseph Djogbénou peut se frotter les mains. Assurément, il a réussi son coup. Le colloque scientifique international sur la Cour constitutionnelle qui s’est déroulée la semaine écoulée à Cotonou a tenu toutes ses promesses. En effet, Joseph Djogbénou et le collège des conseillers avaient pour objectif de recueillir les réflexions des juristes de haut niveau venus de l’Afrique et de l’Europe sur les pratiques constitutionnelles. C’est chose faite à présent. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont été copieusement servis. Des appréciations diverses et contradictoires ont meublé les travaux. La 6ème mandature de la Cour constitutionnelle a une meilleure idée de l’opinion qui est faite de ses procédures mais surtout de ses décisions. Le collège de scientifiques, juristes et praticiens du droit, venus d’ci et d’ailleurs, n’a pas boudé son plaisir pour asséner des coups ou jeter des fleurs selon le cas. Mais les appréciations les plus viriles sont venues du Bénin.
Ousmane Batoko, président de la Cour suprême, fut le premier à se jeter à l’eau. En sa qualité de président du Conseil d’administration de l’association africaine des hautes juridictions francophones, il n’est pas allé par quatre chemins pour dire ses vérités à Djogbénou et compagnie. Dans un langage diplomatique mais franc, il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Vu sa position au sein de l’appareil d’Etat, personne ne le voyait venir tirer presque à bout portant sur la mandature en cours. Evoluant par questionnement, il se demande si le colloque n’est pas un prétexte servi par la mandature en cours pour se donner bonne conscience ou encore pour légitimer des actes posés ou des décisions qui « ont ébranlé bon nombre de juristes dans leur certitude scientifique ». C’est pour cela qu’il reprend à son compte les appréhensions d’une certaine opinion qui estime que le juge constitutionnel semble avoir sonné le glas de la démocratie.
Perplexe quant à la dynamique en cours à équidistance entre rupture et continuité, Ousmane Batoko argue que « la Cour constitutionnelle du Bénin devrait se dresser comme un véritable gardien de la Constitution et du respect des lois républicaines ». Après ce sermon inattendu, la mandature actuelle a retrouvé le sourire grâce à la doyenne de la Haute juridiction. Elisabeth Pognon qu’on ne présente plus, première présidente de la Cour constitutionnelle, a eu le grand mérite avec son équipe de poser les jalons de la juridiction constitutionnelle dans un contexte périlleux où un rien pouvait faire voler en éclats l’édifice démocratique béninois fraîchement inauguré. Contrairement à Ousmane Batoko, elle estime que la relève est assurée, référence faite aux modifications intervenues dans le règlement intérieur de l’institution et qui bouleversent les habitudes. 20 ans après son départ de la Cour, elle se réjouit de savoir que la maison tient, malgré tout.
L’autre curiosité liée à ce colloque et qui s’assimile toute proportion gardée à un malaise, c’est l’absence remarquable des deux derniers présidents de l’institution. Me Robert Dossou et le Pr Théodore Holo n’ont pas cru devoir répondre à l’invitation à eux adressée par leur successeur. Est-ce pour des raisons de calendrier ? Est-ce pour des raisons de santé ? Sont-ils en froid avec Joseph Djogbénou ? Il viendra un temps, pas forcément lointain, où les langues vont se délier. Chacun de ces acteurs sera amené à un moment ou à un autre à briser la loi du silence. Au terme de ce colloque, la sixième mandature est située quant aux appréciations dont ses décisions sont l’objet. Face à l’histoire, il lui revient de prendre ses responsabilités. De deux choses, l’une. Soit, elle reste fidèle à sa dynamique. Soit, elle opère une rupture.



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