En vérité : Le duo religion et politique

Moïse DOSSOUMOU 5 mars 2019

Ce n’est plus tellement l’apanage des chrétiens catholiques. De plus en plus, d’autres religions font montre d’un engouement pour la société politique. Plus ou moins indifférents à ce qui s’y passait, des courants religieux ont choisi maintenant de s’inviter d’eux-mêmes dans le débat. C’est ainsi que des voix habituellement entendues dans les temples, les couvents et les mosquées résonnent également dans l’espace public. Et ce n’est pas pour déplaire aux populations. La religion étant « l’opium du peuple », des dizaines de milliers de Béninois abonnés aux divers lieux de culte accueillent les messages des dignitaires religieux avec beaucoup de respect et de soumission. Si la démarcation est aisée entre la vie religieuse et la vie politique, il n’en demeure pas moins qu’il existe un lien ténu entre les deux. Le religieux peut facilement influencer le politique et vice-versa. Encore que les décisions qui engagent la vie de la Nation ont indubitablement des répercussions sur les cultes.
Pionnière dans les interventions sur la sphère politique, l’Eglise catholique s’est imposée au Bénin. Inutile de rappeler le rôle qui fut le sien lors des travaux de la Conférence nationale de février 1990 à travers le regretté prélat Isidore de Souza. Au moyen des lettres pastorales émises à intervalles réguliers par la Conférence épiscopale du Bénin ou des audiences avec le chef de l’Etat, les évêques ne manquent pas de féliciter ou d’attirer l’attention des gouvernants sur les éventuelles dérives. La mise en place de l’aumônerie nationale des cadres et personnalités politiques est un énième témoignage sur l’intérêt accordé par l’Eglise catholique à la chose politique. Ces derniers jours, dieue de Banamè a donné de la voix pour fustiger les velléités de l’opposition. Parfaite dite « daagbo » tout en réitérant son soutien à Patrice Talon, demande à ses contempteurs de savoir raison garder.
Il n’en fallait pas plus pour que le pasteur Elvis Dagba s’en prenne également à l’opposition. Intervenant dimanche dernier sur un média de la place, il a eu la même attitude que dieue de Banamè. Patrice Talon, considéré comme l’auteur des maux que connaissent actuellement les opposants, a été porté en triomphe par le pasteur qui invite le peuple à le soutenir. Avant lui, les protestants s’étaient déjà prononcés sur la gouvernance. A l’occasion du synode qui s’est déroulé du 18 au 24 février dernier à Porto-Novo, les pasteurs ont décerné un satisfecit au chef de l’Etat. Les mesures sociales contenues dans la loi de finances 2019 ont été particulièrement appréciées par l’Eglise protestante qui doit sa réunification intervenue courant 2016 à Patrice Talon. Ainsi, les têtes de pont de cette congrégation religieuse exhortent le chef de l’Etat à être à l’écoute du peuple. Dans le même temps, ils demandent aux acteurs politiques de respecter les textes de la République.
L’Islam n’est pas du reste dans cet engouement observé au niveau des confessions religieuses. Même si l’Union islamique du Bénin se fait encore désirer sur les sujets préoccupants, certains imams à l’image de celui de la mosquée centrale de Jonquet donnent le ton et se démarquent du lot par leur engagement politique. Tout ceci est bien beau. Il faut observer que le clergé catholique avait besoin de compagnie sur le terrain politique. Maintenant, c’est fait. Le gros défi qui reste à relever, c’est la pertinence des déclarations de ces différentes communautés religieuses. Dire la vérité aux dirigeants sans parti pris, les exhorter à la promotion de la paix et de l’intérêt général à temps et à contretemps, inviter la classe politique à la retenue, voilà les missions des religions qui sont par essence vecteurs de paix. Si une religion en vient à prendre fait et cause pour un camp au détriment de l’autre, elle se serait écartée de sa ligne de conduite et sa crédibilité en prendrait un coup.



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