En vérité : Les camions de la mort

Moïse DOSSOUMOU 24 juin 2020

Ils sont de retour. Les engins de malheur ont remis le compteur macabre en marche. Comme si ces promoteurs de la mort avaient un calendrier funeste propre à eux, ils se donnent du répit pour ensuite semer le chaos sur leur passage. C’est au moment où les populations oublient quelque peu leur existence qu’ils se rappellent à leur souvenir de la plus triste des manières. Ces derniers mois, dans la partie méridionale du pays, on n’a pas vraiment entendu parler des camions de la mort. Mais depuis quelques semaines, ils ont repris du service. Quand ils ne font pas passer leurs victimes de vie à trépas, celles-ci passent des mois à panser les plaies et ressouder les os fracturés des suites des accidents de la circulation. Quid des infrastructures routières ? Endommagées, laissées sans réparation, elles se détériorent très vite alors qu’il a fallu mobiliser des sommes colossales pour les ériger.
Hier mardi 23 juin, les deux motocyclistes fauchés dans la matinée en plein centre ville de Cotonou ne pouvaient savoir qu’en sortant de chez eux, ils avaient rendez-vous avec la mort. Incapable de s’arrêter aux feux à cause des freins défaillants de l’engin, le conducteur a fait d’eux une bouchée. L’indignation, la révolte, les pleurs et les lamentations ne ramèneront pas les concernés à la vie. On ne parlera plus d’eux qu’au passé. Deux semaines plus tôt, c’est sur le pont de Houédonou sis à Godomey dans la commune d’Abomey-Calavi qu’un autre poids lourd s’est illustré. Branlant, surchargé de sacs de charbon, il a fini par se renverser sur la chaussée, bloquant du coup la circulation pendant de longues heures. Quelques jours avant, c’est le carrefour Mènontin qu’a choisi un autre conducteur de poids lourd pour se mettre en exergue. Ayant dérapé, il a fini sa course dans le décor.
Ces drames dont la répétition inquiète les usagers de la route interpellent les pouvoirs publics quant à leurs devoirs. Que fait-on de l’arrêté portant interdiction de circulation des camions aux heures de pointe ? Régulièrement violée, cette mesure ne sert presque plus à rien. Quand on connaît la frénésie et l’excitation avec lesquelles les chauffeurs se comportent au volant, il urge que des séances de recyclage soient organisées à leur endroit. Des contrôles d’identité et du permis de conduire, fréquents et inopinés, effectués sur les axes routiers par les forces de sécurité, permettront de calmer leurs ardeurs. La réparation par les propriétaires des camions des préjudices occasionnés sur la voie publique par leurs véhicules est également un axe majeur sur lequel les pouvoirs publics devraient intervenir. C’est parce que pendant longtemps le laxisme a été érigé en règle que les dégâts sur la chaussée s’enchaînent sans crainte.
Pour ce qui est de l’état et de l’âge de la plupart des camions, le débat est encore plus préoccupant. De véritables cercueils roulants encombrent nos routes au quotidien. Il urge de faire le ménage afin d’extirper de la circulation les gros engins qui datent de la préhistoire. Ce serait rendre un grand service à l’environnement et aux populations que d’envoyer systématiquement à la casse les véhicules dont l’état technique ne leur permet plus de circuler. L’interdiction d’importation des véhicules usagés ayant atteint un âge donné aussi permettra de limiter les dégâts. Enfin, la mise en place d’une politique incitative à l’achat de camions neufs par les transporteurs n’est pas du reste dans la batterie de mesures que les populations appellent de tous leurs vœux. On ne peut plus se contenter de déplorer les morts et l’accélération de la dégradation des infrastructures routières. Il faut agir maintenant pour prévenir.



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