En vérité : Les leçons d’un procès

Moïse DOSSOUMOU 11 février 2019

Il s’est déroulé à un rythme soutenu. 32 jours durant, soit du 17 décembre 2018 au 6 février 2019, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) est devenue la principale attraction du pays. Cette juridiction spéciale qui ne laisse personne indifférent avait sur sa table un dossier à vider. Des milliers de Béninois grugés par un système d’arnaque, attendaient impatiemment que justice leur soit rendue. Retransmis en direct compte tenu de l’intérêt qu’il a suscité auprès des concitoyens, ce procès dit Icc services a tenu en haleine le public qui était dans l’expectative de la décision du juge siégeant à Porto-Novo. Au terme d’une longue série d’audiences ponctuées de révélations diverses, d’interrogatoires et contre-interrogatoires, de plaidoiries et de réquisitions, le verdict est enfin tombé. Les promoteurs de ladite structure ainsi que des agents de l’Etat tombés sous le coup de la loi écopent de sanctions pénales et d’amendes.
Les victimes quant à elles, en tout cas celles qui ont prouvé avoir placé leurs sous dans cette affaire rentreront incessamment en possession de leur dû. Quant aux autorités en fonction à l’époque et qui ont cautionné l’arnaque d’une manière ou d’une autre, elles seront appelées à répondre des faits à elles reprochés devant la juridiction compétente. Si la procédure suit son cours jusqu’à terme, il se pourrait que Boni Yayi, Issifou Kogui N’douro, Pascal Irenée Koupaki, Armand Zinzindohoué, Grégoire Akoffodji, pour ne citer que ceux-là s’expliquent devant la justice. Mais ça, c’est une autre paire de manches. Pour l’instant, ce procès longtemps attendu qui a livré son verdict est riche d’enseignement. Primo, ce crime commis par les promoteurs de Icc services n’est pas demeuré impuni. Incarcérés depuis près d’une décennie, ils sont à présent fixés sur leur sort. Evidemment, les avis sont partagés sur les sanctions qui leur sont infligées, mais l’essentiel est qu’ils paient leurs dettes vis-à-vis de la société.
Secundo, les agents publics en fonction, peu importe leur poste à un moment donné sont astreints au respect des normes et des procédures. L’administration elle-même est régie par le droit. Il va sans dire que les fonctionnaires et assimilés sont tenus par le respect des règles. Lorsque des instructions non conformes aux lois et aux règlements sont données, ceux qui prêtent leurs services à l’Etat sont tenus de s’y opposer ou à tout le moins de montrer la voie normale à suivre aux décideurs et/ou supérieurs. Certes, dans ce dossier, l’Etat béninois n’a pas délivré un agrément à la structure de placement en cause, mais ses agents se sont montrés particulièrement laxistes voire complices avec les promoteurs. Si la fermeté avait été de mise du côté des pouvoirs publics, nul doute que les dégâts n’auraient pas été aussi prononcés. C’est dire que l’éthique et la compétence sont des compagnons inséparables de tous ceux qui servent l’appareil d’Etat.
Tertio, l’aboutissement de ce procès qui aurait dû se tenir depuis des lustres est d’une certaine manière la preuve que la Criet est venue combler un vide. Cette juridiction spéciale qui fait jaser a réglé un grand problème au sein de la société en vidant ce dossier qui n’a que trop traîné. Ce mérite est à l’actif du personnel judiciaire chargé de l’animer. Quartuo, et c’est le plus important, les Béninois savent mieux que quiconque que la facilité et les raccourcis ne sont pas les chemins les plus indiqués pour gravir l’échelle sociale. Si Icc services a prospéré à ce point en roulant dans la farine toutes les couches de la société, c’est bien à cause de la recherche du gain facile. La perte des valeurs est si prononcée que tout le monde veut devenir riche ici et maintenant, sans fournir d’efforts. De tous les temps, sous tous les cieux, la seule voie qui mène au succès et à la prospérité de manière durable, c’est le travail acharné. Tout le reste n’est que chimère.



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