En vérité : Une répression avortée

Moïse DOSSOUMOU 20 novembre 2019

Jean-Eudes Okounde doit être bien triste. Lui qui pensait régler un problème environnemental mais aussi de santé publique en initiant une proposition de loi qui a trouvé grâce aux yeux de ses pairs de la 7ème législature, ronge son frein. En effet, sous son instigation et avec l’appui du gouvernement qui a semblé prêt à lutter contre le phénomène, l’Assemblée nationale a joué sa partition. C’est ainsi que la loi n°2017-39 du 26 décembre 2017 portant interdiction de la production, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation, de la détention, de la distribution et de l’utilisation de sachets en plastique non biodégradables en République du Bénin a été votée, déclarée conforme à la Constitution puis promulguée. Riche de 20 articles, l’application de ce texte à caractère contraignant était censée révolutionner les habitudes. Promulgué en décembre 2017, une période transitoire de six mois avait été accordée à tous.
« Passé ce délai, tout sachet non biodégradable en circulation en contravention aux dispositions de la présente loi est saisi et détruit conformément aux procédures requises ». L’article 18 est on ne peut plus clair. Mais de juin 2018 à ce jour, rien n’a bougé. Or, tout ou presque a été prévu par la loi pour décourager l’usage abusif et intempestif des sachets en plastique dont les nuisances sont connues de tous. L’article 5 dispose : « sont interdits le déversement, le jet des sachets en plastique dans les rues, les voies publiques, les abords des habitations et autres lieux publics en milieu urbain et rural, dans les infrastructures des réseaux d’assainissement, dans les cours et plans d’eau, la mer et leurs abords, par-dessus bord des véhicules ». Les contrevenants à cette disposition sont passibles d’une amende allant de 25 mille à 1 million et d’une peine d’emprisonnement comprise entre 3 et 6 mois.
Pis, dans l’optique de discipliner les citoyens, habitués à polluer l’environnement partout où ils passent, la sanction a été corsée comme l’illustre l’article 17. « Toute personne qui jette un sachet en plastique par-dessus bord des véhicules et dans la rue est punie d’une amende allant de 5mille à 500 mille et d’une peine d’emprisonnement de 3 à 6 mois. Le conducteur du véhicule par-dessus bord duquel les sachets en plastique sont jetés est également puni d’une amende de vingt mille francs cfa ». Toutes ces précautions prises par le législateur visent à terme l’adoption de nouveaux comportements qui éloignent des habitudes l’usage des sachets plastiques. Dans la foulée, eu égard à l’imminence de la répression, nombre de citoyens avaient commencé par s’habituer aux emballages en papier et aux sacs réutilisables. Les supermarchés, superettes, pharmacies et autres commerces avaient semblé s’engager dans cette dynamique.
Hélas ! L’accompagnement de l’Etat dans ce mouvement inverse salutaire pour l’adoption des bons réflexes en matière d’emballages a fait défaut. Au fil des semaines et des mois, le sachet plastique dont l’usage a diminué à un moment donné, a repris le contrôle des habitudes. Le lobby des commerçants ne demandait pas mieux. Pourtant, l’article 10 mentionne expressément que des fonctionnaires répondant à un profil précis sont en droit de jouer le rôle de gendarme. « Sont habilités à contrôler la qualité des sachets en plastique utilisés sur le territoire national, les agents assermentés des administrations en charge de la protection de l’environnement, les officiers et agents de police judiciaire et tous autres agents habilités par les lois spéciales ». Une fois encore, la volonté politique a fait défaut sur un sujet dont l’importance n’est plus à démontrer. En attendant le déclic, les Béninois continueront de polluer leur environnement et de s’empoisonner par la même occasion avec ces sachets nocifs.



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