Liberté de ton : Justice en panne !

Moïse DOSSOUMOU 1er juillet 2013

Le ciel de la maison justice connaît depuis peu de sérieux bouleversements. Des perturbations majeures mettent à mal la quiétude des habitants de la Cité qui désorientés, ne savent plus à quel saint se vouer. En ces temps de débrayages, il est risqué de solliciter, pour une raison ou une autre, l’arbitrage et les services du pouvoir judiciaire. En effet, des éclairs fulgurants et menaçants annoncent l’orage. Du coup, les voyants de la météo qui sont au rouge depuis des jours tardent à reprendre les couleurs de la sérénité.

Entre les magistrats et les décideurs, le torchon brûle avec intensité. C’est peu de dire que la hache de guerre est déterrée car les deux parties sont décidées à ne pas lâcher prise. Le calumet de la paix censé faire baisser la pression n’est pas prêt de réunir les deux camps en conflit. Chacun de son côté, mû par son bon droit, bande des muscles et bondit littéralement sur l’autre. Imperturbables, les magistrats font fi de l’adoucissement de la position du président de la Cour suprême, vice-président du Conseil supérieur de la magistrature. Décidés à obtenir gain de cause, ils ont opté pour la radicalisation du mouvement. A l’instar de celle qui vient de s’écouler, cette semaine et celles qui suivront seront marquées par une grève de 72h, renouvelable par tacite reconduction jusqu’à satisfaction des revendications. Ainsi en a décidé l’assemblée générale du vendredi dernier.

Une fois de plus, en l’espace de quelques mois, les fondations de l’édifice démocratique béninois sont ébranlées par de fortes secousses. L’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire constituent le trépied sur lequel repose la démocratie. Trois maillons indispensables et sans lesquels l’harmonie ne peut régner au sein de la République. L’un comme l’autre concourt à la vitalité de la démocratie. L’un ne va pas sans l’autre. Si l’un en vient à flancher, c’est l’équilibre qui se trouve rompu et la solidité de la nation menacée. Faut-il le rappeler, l’exécutif mène la barque et initie les actions de développement. De son côté, le législatif vote les lois et contrôle l’action du gouvernement. Quant au judiciaire, il veille au grain de manière à ce que l’un n’empiète sur le territoire de l’autre et aussi pour que les droits du citoyen soient respectés et protégés.

A partir du moment où l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab), arguments à l’appui, a décidé de bouleverser la donne, il aurait fallu que des actions promptes et hardies soient initiées pour mettre un terme à la saignée qui s’annonçait. Mais comme d’habitude, chez nous, l’anticipation n’a pas sa raison d’être. On laisse toujours la situation pourrir avant de réagir. Dans le cas d’espèce, c’est ce qui se dessine. Pendant ce temps, ce sont les justiciables qui paient le prix fort de ce comportement à la limite irresponsable.

Les prisonniers qui espèrent se soustraire des liens de la détention n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Dans un tel contexte, ils sont perdants. Personne ne se préoccupe de leur sort. Pourtant, au même titre que les autres citoyens, ils ont des droits qui ne peuvent être bafoués. Paradoxalement, tous les discours officiels fustigent la surpopulation carcérale. Les autres menus services qu’offre quotidiennement la justice ne pourront être satisfaits que 2 jours sur 5. Le reste du temps, les magistrats, en l’occurrence les juges, s’offrent un repos forcé. Si tant est que les revendications ont leur raison d’être, pourquoi ne pas privilégier le dialogue et les compromis ? Priver tout un peuple de son droit d’accès à la justice est une entorse à la culture démocratique. Pour ne pas envenimer la situation, il faut œuvrer pour que dans les meilleurs délais, les magistrats reprennent le chemin des cours et tribunaux. C’est l’un des plus grands défis du moment.



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