Plume libre : Enfin Talon !

Sulpice Oscar GBAGUIDI 18 août 2015

De son exil hexagonal, Patrice Talon fait un come back médiatique au pays. Avec un entretien historique sur les chaînes de télévision locales. L’ennemi public numéro 1 du pouvoir cauri a retrouvé le temps de parole pour briser le silence et fondre dans la dialectique de l’action. Annoncé comme un évènement, le grand retour de l’homme d’affaires a aimanté les attentions et produit d’énormes sensations. Loin des dynamiques de l’émotion et du désir, on s’est plutôt délecté des logiques proprement politiques de l’argumentation. Talon a parlé.
Longtemps retranché dans les grottes du silence depuis trois ans, le célèbre exilé a libéré la parole. Dans un contexte embaumé par les effluves de la prochaine présidentielle et les rumeurs sur sa présence dans le starting-block, Talon avait la pression morale, surtout que son très long mutisme avait fait le lit du fleuve de préjugés , d’accusations , d’affabulations…Cible désignée par la nébuleuse, le magnat du coton avait besoin d’une cure de parole pour la thérapie du mal de la cabale contre sa personne. Contraint donc à la parole, Talon enfile le costume de l’orateur et devient l’hôte légitime de la presse pour un entretien haut de gamme.
Il y a de la matière pour cet homme à forte notoriété. Sur son exil et les raisons de sa fuite du pays, Talon joue d’emblée la carte de la clarté : « Ce n’est pas l’affaire de la tentative d’empoisonnement qui m’a fait partir. « Cette affaire ayant été trouvée un mois après mon départ pour obtenir mon retour forcé à Cotonou au moyen d’une extradition », affirme-t-il. En réalité, l’objet de la brouille entre Talon et son ami Yayi est non négociable. L’insalubre histoire de la révision de la Constitution est une obsession pour le locataire de la Marina. Talon a horreur de ce fléau. Il fallait prendre la poudre d’escampette pour exorciser le mal. Déclaré persona non grata par le régime Yayi, sa demande de renouvellement de passeport périmé a suscité le veto de ses bourreaux.
On a découvert un Talon, homme de paix, satisfait de « l’apaisement du climat sociopolitique consécutif au bon déroulement des élections et à l’abandon du projet de révision de la Constitution ». Un Talon fortifié par le sens du pardon, de la réconciliation et de la concorde. Il dément ainsi avec autorité les préjugés sur l’esprit de vengeance.
L’homme d’affaires utilise les manettes de l’honneur, du patriotisme et de l’élégance et a horreur de condamnation financière punitive pour son pays. Premier investisseur béninois et premier employeur privé, il dénonce la situation socio-économique et met en cause la gouvernance politique. Ses œuvres sociales légitiment sa dimension humaine.
Talon, l’homme politique, est apparu dans l’entretien de l’année et il assume son implication dans le débat politique et son appui à la classe politique, toutes tendances confondues. Politique mais surtout réformateur, il fonde ses ambitions et son projet politique sur la réforme phare et révolutionnaire que constitue l’instauration du mandat unique. Fortement inspiré des principes démocratiques, Talon fait de la séparation du pouvoir le cœur de la gouvernance et élève au rang de priorité le rééquilibrage des pouvoirs entre institutions.
Le candidat Talon ne s’est pas d’emblée révélé. Il lie sa candidature à une réponse adéquate et concertée avec les leaders politiques du pays. La stratégie relève d’une logique politique pour ce sponsor de la politique, animateur discret de la sphère politique. De toute évidence, Talon se lancera dans la course à la succession de Boni Yayi.
Talon en mode cinq étoiles a décidé d’entrer en scène et de prendre les initiatives. Il refuse d’avancer masqué et opte pour une dynamique politique de la performance soutenue par la rationalité du débat. En route pour 2016, il sait que le chemin est encore loin et que la traversée risque d’être mouvementée.



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