Plume libre : La législature en mode Houngbédji !

Sulpice Oscar GBAGUIDI 11 août 2015

Deux échanges épistolaires ont mis en lumière la passe d’armes entre le chef de l’Exécutif et le président de l’Assemblée nationale. Boni Yayi et Adrien Houngbédji marquent chacun son territoire. Dans une rafale de lettres et de communiqués, d’attaques et de ripostes, le leader cauri et le maître du perchoir protègent les frontières institutionnelles de la République. La démocratie avachie retrouve son souffle au Palais des gouverneurs. Et Houngbédji, en homme de rupture, remettent les pendules à l’heure après presque une décennie d’allégeance du perchoir au pouvoir.
Clin d’œil de l’histoire, l’attitude de Houngbédji rappelle les premières heures d’une démocratie béninoise alors exportable. On était encore loin de l’ère de la connivence et des liaisons incestueuses entre l’Exécutif et le Parlement. L’allégorie de la locomotive ( Pin-Pan) était inimaginable. Avec l’avènement de Yayi au pouvoir et l’élection d’un poulain cauri à la présidence de l’Assemblée nationale, l’animation de la démocratie a pris un coup. Houngbédji de retour aux affaires vient heureusement relancer la machine, en bon admirateur de Montesquieu. « Il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », professe l’auteur de "De l’esprit des Lois", le défenseur de la séparation des pouvoirs.
Yayi avait vu juste lorsque dans les dithyrambes joliment lancés au président du Prd, il le qualifiait d’homme d’Etat. C’est justement en homme d’Etat que Houngbédji refuse de mettre l’Assemblée nationale sous la coupe de Yayi. Et son geste doit interpeller les autres présidents d’institution de la République, Théodore Holo, Adam Boni Tessi, Marcelline Affouda, Ousmane Batoko et Tabé Gbian. C’est en appendice de l’exécutif que roulent certaines institutions au point même de tomber dans de grosses maladresses. Et des vassaux nichés à la tête de ces institutions se mettent à genoux devant le chef de l’Etat. Et si la Cour Constitutionnelle, la Haac …s’inspirent des belles prestations de l’Assemblée nationale ? En un quart de siècle, hélas, la démocratie est menacée par des choix tendancieux sous le parrainage politique.
Au gouvernail de la 7ème législature, Houngbédji veut rentrer dans l’histoire. Et il a les atouts pour marquer les esprits et ne pas rater le rendez-vous avec son destin. Les deux mandats au perchoir ont engraissé l’expérience de cet homme dont l’évidente culture parlementaire est un terreau pour la démocratie. Le septuagénaire forclos pour la présidentielle prend ses responsabilités dans l’antre parlementaire et écrit sa propre histoire.
La République menacée par des dérives institutionnelles recherche ses lettres de noblesse. Elle pourrait les retrouver et cimenter la démocratie si l’Exécutif allait à l’école de Houngbédji. Le successeur de Mathurin Nago n’est pas de nature à se laisser intimider ni à répondre instinctivement à des sollicitations vicieuses. On est dans une communication conflictuelle entre la tête d’affiche de l’Exécutif et celle du pouvoir législatif, instituant une dimension proprement symbolique de la séparation et de la confrontation des pouvoirs.
Hissé au perchoir avec un score serré mais historique 42-41, Houngbédji sorti de l’impressionnante écurie de l’opposition, pose définitivement sa signature sur la vie du parlement et affirme son identité politique. En refusant de donner la majorité de députés à la mouvance aux législatives du 26 avril 2015, le peuple fortifie le contrepoids parlementaire. L’avènement de Houngbédji est une réponse à cette volonté des électeurs. Sa fermeté envers le pouvoir Fcbe requinque la démocratie.
Et maintenant, il faut juste continuer à liquéfier le désir néfaste de l’Exécutif de piétiner le législatif. Les lettres musclées de Houngbédji ont déjà inscrit la tonalité requise pour dégonfler le locataire de la Marina et ses affidés. Le come-back de l’arc-en-ciel au Palais des gouverneurs tient toutes ses promesses. Yayi a perdu son sourire. Place à la bataille épistolaire et à la montée d’adrénaline. La démocratie en prend du volume. Au grand dam des chantres de la pensée unique et de la concentration des pouvoirs.



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