Sans détours : L'autre scandale environnemental !

Moïse DOSSOUMOU 18 avril 2013

A l’instar d’autres cités du continent noir, Cotonou et ses environs servent de réceptacle à la panoplie d’objets d’occasion, frappés de désuétude ou d’obsolescence. Ce trop plein tombé en disgrâce sous le ciel occidental est convoyé illico presto en direction des pays du Sud. L’Afrique et le Bénin, perpétuellement aux aguets, se sont taillés une place privilégiée dans la réception à bras ouverts de ces " déchets ". Débarqués en grande quantité via le port autonome de Cotonou, ces cadeaux empoisonnés répartis selon leur nature, sont aussitôt mis à la disposition du public qui s’empresse d’en amasser le maximum.

Appareils électroménagers, mobiliers de bureau, ameublement domestique, habits, chaussures, ustensiles de cuisine, ouvrages divers, véhicules d’occasion, motos, vélos, appareils électroniques… en provenance des pays du Nord font le bonheur des pauvres populations. En plein dans le dénuement, celles-ci ne se font pas prier pour acquérir, paradoxalement à prix d’or parfois, ces commodités dont le Blanc n’en a cure. Les longues files d’attente observées aux abords des rues où pullulent les magasins de cession de ces produits en témoignent. Dans un tohu-bohu généralisé alimenté par des bousculades, bagarres et insultes de toutes sortes, chacun met de côté les matériels convoités qu’il s’empresse de ramener chez lui contre paiement. Dénommés " France au revoir ", ces divers objets initialement voués à la poubelle retrouvent une nouvelle vie dans les domiciles et bureaux. Contents au départ d’avoir fait une bonne affaire, les acheteurs, du moins les plus avertis d’entre eux, déchantent très vite.

Le revers de la médaille a, en effet, un goût très amer. A peine remis en service, ces appareils surtout ceux électriques et électroniques peinent à retrouver un nouveau souffle. Quand ce ne sont pas les moteurs des réfrigérateurs qui ronflent anormalement, ce sont les postes téléviseurs qui fonctionnent un jour sur deux ou encore ce sont les micro-ordinateurs qui se plantent à longueur de journée. Le comble, c’est la hausse exponentielle des montants des factures d’électricité qu’ils engendrent. Dépités, réalisant enfin qu’ils ont été tournés en bourrique, les acquéreurs ne demandent qu’à s’en débarrasser. Là encore, la tâche n’est pas aisée. " Celui qui désire la pluie doit aussi accepter la boue " dit un proverbe malawite.

En l’absence de dépôts réglementaires en la matière, ces objets désormais indésirables encombrent inutilement l’espace chez leurs propriétaires. Un beau jour, on les retrouve dans la nature, sur les tas d’ordures et dans les marécages. De même, quand ils ne trouvent pas preneur, les innombrables vêtements déversés au marché de Missèbo, déchiquetés et hors d’usage ornent les poubelles. Une fin peu enviable pour ces produits débarqués avec empressement, sous la forte demande, sur le territoire national.

En réalité, le Bénin n’est donc ni plus ni moins qu’un dépotoir sauvage pour ces pays qui ont trouvé la poubelle idéale pour se débarrasser de leurs ordures. Ces déchets électriques et électroniques, astucieusement présentés sous forme d’aubaine, finissent, à terme, par être une source de nuisances. L’incinération auxquels sont habitués les acteurs de la récupération artisanale afin d’extraire le cuivre, l’aluminium et même l’or que contiennent ces produits, favorise la propagation de substances toxiques dans l’atmosphère. De plus, le lessivage d’un dépôt contenant des déchets électriques et électroniques affecte la qualité chimique des eaux qui s’infiltrent dans les sols pour finalement atteindre les nappes phréatiques. Croyant s’en être débarrassés, ces produits réduits en miettes hantent toujours l’existence collective. Comme quoi, " c’est la cendre que l’on croit éteinte qui brûle la maison".

Manifestement, ce phénomène ambiant à la limite anodin expose les populations à de grands risques sanitaires. En pensant régler le problème de l’équipement adéquat de leurs domiciles et lieux de travail à moindre coût, elles s’en créent, en toute ignorance, d’autres infiniment plus préoccupants. Seul, le changement de comportement individuel et collectif peut assurer un développement durable et une certaine quiétude aux générations futures. D’où l’urgence de l’éducation environnementale.



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