Sans détours : L'indécente hygiène !

Moïse DOSSOUMOU 10 avril 2013

La toilette du matin est de plus en plus transposée sur la place publique. Cette manie qui a pris racine dans les habitudes de la population choque le bon sens et dévalorise ceux qui l’ont érigé en culte. Violant même les règles de l’hygiène, cet acte qui s’accomplit ostensiblement au nom de la propreté corporelle mérite qu’on s’y attarde. Nul n’ignore, en effet, aujourd’hui que la brosse végétale, qui tire son origine de la pure tradition locale, est vilipendée de par son usage excentrique, par la société contemporaine. Naguère utilisée chez soi, dans l’intimité de sa cour ou de l’abri réservé aux toilettes, elle a de plus en plus pignon sur rue. Parfaitement à l’aise malgré la honteuse indécence inhérente à leurs agissements, les profanateurs de cet héritage ancestral, n’ont que faire de la gêne qu’ils suscitent sur leur passage.

Tôt le matin, lorsque se met en branle la cohorte impressionnante des travailleurs, ces soi-disant adeptes de l’hygiène buccale se mettent à l’œuvre. Faisant preuve d’un zèle extraordinaire et chaque fois renouvelé, ils ne reculent devant rien pour extérioriser ce qui devrait demeurer intime. A pied, à moto et même en voiture, la brosse végétale serrée entre les dents accomplit inlassablement son œuvre de propreté, avec naturellement de la salive crachée à intervalles réguliers, le long des voies. Comme si la durée du trajet ne suffisait pas pour accomplir ce rite, il est prolongé une fois à destination, jusqu’à l’intérieur des bureaux, boutiques, marchés, centres d’apprentissage et écoles. D’autres, sans se soucier de la gêne ressentie par l’entourage, se raclent la gorge à tour de bras avant d’expulser vulgairement la morve mêlée de salive malodorante.

D’autres encore, très remontés contre la mauvaise haleine et le jaunissement des dents, mettent plus d’enthousiasme et de temps à l’ouvrage et ce jusque dans l’après-midi avant que leur appareil dentaire, épuisé ne demande grâce. Les plus jeunes, qui ont acquis cette sale habitude depuis le bas âge, en font sa promotion jusqu’à l’université et au sein des amphithéâtres bondés d’étudiants. Naturellement, dans ces conditions, le malaise infligé à l’entourage ne peut qu’être intenable.

Les hommes, d’ailleurs experts en la matière, mettent un point d’honneur à perpétuer cette pratique à laquelle il convient de mettre un terme. Elégamment vêtus, la brosse rivée à la bouche, ils se permettent de flâner et de s’exhiber pour que le plus grand nombre puisse les contempler. Les femmes, réputées pour leur sens du goût et de la délicatesse, tiennent malheureusement la dragée haute dans cette compétition. Il n’est pas rare de voir des jeunes filles et jeunes dames, joliment habillées et parfumées avec soin, mais qui ternissent l’éclat de leur toilette par la présence de la brosse végétale dans la bouche, de leur domicile jusqu’à destination. Ceci sans oublier, faut-il le rappeler, la quantité interminable de salive à cracher. Le mode d’emploi exige en effet que les dents et la langue soient frottées énergiquement, dans tous les sens et à plusieurs reprises, avant que les débris mêlés de crachats ne soient expulsés de la bouche.

Si dans les zones rurales, cette manie ne touche a priori à aucune sensibilité, c’est le contraire en milieu urbain. Outre la brosse végétale, les cure-dents sont aussi utilisés en public sans aucune gêne. Ceci pourrait se comprendre et se justifier dans la mesure où ils sont exposés à table pour servir après le repas. Mais sous nos cieux, après usage, au lieu de s’en débarrasser, ils sont gaillardement conservés dans la bouche, en pleine rue, pendant de longues minutes.

Ainsi est régentée par ici l’hygiène buccale au lever et après les repas. L’instrument ayant été commis à cette tâche, tel un trophée, est exposé impudiquement à la face de la société. A quelle fin ? Seuls les initiés et accrocs du phénomène le savent.



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