Alphadi au Festival international des arts du Bénin : « Le coton béninois peut être porté par tous les Béninois »

Moïse DOSSOUMOU 17 février 2023

Sa renommé dépasse les frontières de son pays et du continent. Grand nom de la mode africaine, Alphadi fait partie de la fine fleur des talents qui ont réussi à s’imposer et forcent l’admiration aux quatre coins du monde depuis des décennies par la qualité de leurs créations. Séjournant actuellement à Cotonou dans le cadre du Festival international des arts du Bénin (Finab) organisé par le Groupe Empire sous la direction de Ulrich Adjovi, ce maître de la création révèle aux Béninois une autre facette de son art. A la mode, il ajoute désormais les arts plastiques, un domaine dans lequel il excelle. Ses œuvres inspirées de son immense talent ? renseignent sur la polyvalence de cet artiste qui rêve grand pour l’Afrique, qui selon ses dires, doit sortir de sa situation de consommateur de la mode venue d’ailleurs pour consommer ses propres produits et habiller par la même occasion, le reste du monde.

Comment la mode peut-elle influencer la perception du continent hors de ses frontières ?
On a un continent d’un milliard trois cent millions d’habitants. L’Afrique doit habiller l’Afrique. On peut créer des milliers d’emplois dans le secteur du textile et de la mode. La base de la production aujourd’hui, c’est l’Afrique. L’Afrique est en mesure aujourd’hui d’habiller le monde. Vous comprenez alors que la formation doit être impeccable. Il faut que les stylistes aient un bon niveau académique et se fassent régulièrement former.

Comment conciliez-vous l’attelage entre la mode et l’art plastique ?

L’art contemporain, c’est ce qui amène les Africains à être compris et à être aimés dans le monde. L’art contemporain a apporté des milliards de dollars pour l’Europe. Il n’y a pas de raison à ce que l’Afrique n’en profite pas. Si aujourd’hui les grands peintres arrivent à vendre des tableaux à deux cent mille dollars, les Africains peuvent en faire autant. Nous devons donner cet espoir aux jeunes talents. De mon côté, je m’inspire de la mode pour peindre. Cela me permet de montrer cette dimension panafricaine de l’amour.

Comment intéresser les jeunes à l’art ?

Il suffit qu’ils voient ce que nous faisons et comprennent que ça vaut de l’or. Si chacun décide de s’habiller en coton, d’avoir des oreillers en coton, nous allons créer le déclic. Le coton béninois peint et travaillé peut être porté par tous les Béninois. Nous ne sommes pas obligés de porter du wax qui n’est d’ailleurs pas africain. Le monde doit nous appartenir vu que nous consommons beaucoup.

Vous fustigez le défaut de financement dans l’art en Afrique

Les grands créateurs au plan mondial détiennent à peine 20% de leurs marques. Le reste appartient aux financiers. L’Afrique a des milliardaires qui vont cacher leur argent en Suisse et ailleurs. Qu’ils investissent cet argent dans le milieu des créateurs. C’est comme cela que l’Afrique va créer de l’emploi et grandir. Il ne faudrait pas fatiguer les gouvernants sur ce plan. Les privés peuvent donner cet argent. Un créateur qui a une marque solide peut faire des prêts consistants à la banque. Tout est question de synergie de travail. Voyez, le textile utilisé ici vient de la Chine et de l’Inde alors que notre continent produit du coton. Il y a tellement de choses à faire pour s’imposer. Et il faut que ces moyens viennent de nous. Si ce n’est pas cela, ce serait très compliqué.
Le mécénat doit pouvoir se développer chez nous. Le créateur et celui qui apportent l’argent gagnent ensemble. Le drame, c’est que les Africains ne sont pas habillés par les Africains. La Chine a pris le dessus.

Ne craignez-vous pas que l’effet de mode draîne du monde dans ce secteur ?
Tout le monde ne peut pas être créateur. Moi je dessinais en cachette parce que mes parents n’en voulaient pas. Il faut avoir la passion et aimer la mode pour se faire un nom.

Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU



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