Djamile Mama Gao, slameur-écrivain, sur sa participation à GenevAfrica 2022 : « Nous avons le devoir d’être à la hauteur des attentes »

Moïse DOSSOUMOU 12 mai 2022

Le slameur et écrivain Djamile Mama Gao est en Suisse depuis hier, mercredi 11 mai 2022. Il participe avec son compatriote écrivain-dramaturge, Jérôme Tossavi, à la deuxième édition du projet GenevAfrica mis en œuvre par Laboratorio arts contemporains de concert avec l’écrivain genevois aux origines camerounaises, Max Lobé, porteur du projet. Avant de prendre son vol, il a accepté de se confier à nous sur le projet GenevAfrica, le mécanisme de sa sélection et les activités qui vont meubler son séjour en Suisse. Il a également livré ses impressions et levé le voile sur la suite du projet après le séjour genevois. Lire l’intégralité de ses propos et ceux de la Directrice exécutive de Laboratorio arts contemporains, Lylly Houngnihin.

Du 10 au 22 mai 2022, deux Béninois Jérôme Tossavi et vous, Djamile Mama Gao, participez au projet GenevAfrica en Suisse. De quoi retourne ledit projet ?
Djamile Mama Gao : C’est un projet initié par l’écrivain genevois-camerounais Max Lobé. Il consiste à créer un pont épistolaire entre l’Afrique et Genève où il vit parce qu’il s’est nourri de ce mélange de cultures et qu’il a envie de faire percevoir à quel point l’être qu’il est devenu, l’être qu’on est en général dans nos sociétés d’aujourd’hui, est hybride. Donc, sa volonté est de créer cet échange entre les cultures, les lieux et les repères de vie qui vont permettre de se découvrir, d’échanger et d’être dans cette vérité de ce qui est au-delà de tout. C’est un projet qui me passionne du point de vue du retour à l’essence même de l’écriture et qui me permet moi aussi de dépasser un peu la fixité d’une écriture préparée. Là, il y a un travail de spontanéité et de sincérité. Il y a le fait de se raconter dans ce qu’on est naturellement. C’est un projet qui me pousse à plus de dévoilement, plus d’ancrage à mon moi en tant qu’être. C’est en cela que je le trouve passionnant et enrichissant.

Comment avez-vous été sélectionné ?
C’est la force des belles rencontres. En mars 2021, j’ai fait partie de la sélection de "Laboratorio arts contemporains" pour la Francophonie. Je devais jouer un spectacle qui s’appelle "Une nuit avec Kourouma". Durant cette période, l’écrivain Max Lobé et d’autres plumes francophones venus de plusieurs pays étaient là. Ils ont eu la possibilité de découvrir ce spectacle qui a été monté avec "Laboratorio arts contemporains". A ce moment, Max Lobé se rend compte qu’il y a une énergie, une vie, une dimension de partages qui l’intéresse. C’est à partir de là que se crée la connexion puisque je travaille avec Laboratorio. Il a donc échangé avec Laboratorio pour voir quelles sont les possibilités de collaboration. Il y a eu des discussions et cela s’est confirmé. La sélection a été faite à l’occasion de la Francophonie 2021.

Quelles sont les activités à mener une fois que vous serez à Genève ?
Il y a une série d’activités qui s’articulent autour de performances scéniques pour moi, d’échanges et de rencontres littéraires. Ma première performance sera le 12 mai. Ce sera un concert auquel je participe avec un musicien Suisse qui s’appelle Alexis Kacimi. Il va durer une heure et le spectacle est intitulé : "Aimons-nous vraiment". Il y aura d’autres activités comme des rencontres, des échanges. Ce sera rien que du partage. Le projet consistant à des échanges épistolaires du Bénin vers la Suisse et de la Suisse vers le Bénin, il va aboutir à l’édition d’un livre qui va être publié à l’occasion du salon du livre de Genève auquel nous participons Jérôme Tossavi et moi de même que les Suisses Fabian Menor (illustrateur) et Marion Emonot, romancière. L’idée, c’est que ce livre va être l’aboutissement de tous ces mois d’échanges. On retrouvera nos lettres avec les périodicités de discussions et les éléments de relance de Max Lobé qui à chaque fois, est comme le maître d’orchestre de ces échanges. Le principe est qu’il donne à chaque fois une orientation qui peut être thématique, liée à l’actualité ou à un aspect de la vie. C’est à partir de cela que s’organisent tous les échanges avec toutes les possibilités de mettre ce qu’on ressent ou qu’on vit en ce moment (peurs, craintes…). Le livre va s’appeler "Genève-Ouidah 2022". On sera appelé à le défendre autant à Genève que dans les mois à venir au Bénin.

Quelles sont vos impressions à quelques heures de votre départ du Bénin ?
Il y a la hâte d’aller découvrir ce pays que j’ai lu par discussions interposées. Il y a aussi le frisson d’aller défendre son pays parce que nous représentons le Bénin au Salon du livre de Genève. C’est quelque chose de très important dans un parcours artistique et d’écrivain. Il y a également le plaisir de se projeter en termes de performances. Dès que j’arrive le soir, je fais ma première prestation. Cela est motivant, passionnant et excitant. Il y a aussi cette sensation de pression et se dire qu’il faut être à la hauteur, qu’on soit digne de l’engagement envers tous ceux qui nous soutiennent et d’être à la hauteur de son talent.

Que va-t-il se passer une fois que vous serez de retour de la Suisse ?
Lorsqu’on fait une correspondance comme celle-ci, on crée des liens à vie. C’est une ouverture pour d’autres possibilités de projets entre nous ; c’est-à-dire d’écriture plurielle par exemple ; de possibilités de venir défendre ce livre qui va sortir au Bénin notamment dans les écoles. La correspondance va forcément continuer hors du champ formel d’une création et va me donner l’ouverture à d’autres livres, d’autres formes de travail ensemble.

Un mot à l’endroit de Laboratorio arts contemporains grâce auquel le voyage s’effectue ?
Je remercie Laboratorio arts contemporains et ses partenaires pour le fait de miser sur la nouvelle génération parce que pendant longtemps, on nous a toujours laissé croire que l’écriture, l’art de scène, n’étaient meilleurs qu’avec nos prédécesseurs. Là, on nous donne l’opportunité de montrer que notre génération a le potentiel pour faire davantage. Nous avons le devoir d’être à la hauteur de la tâche et nous ferons le nécessaire pour y arriver.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU

Lylly Houngnihin, Directrice exécutive de Laboratorio arts contemporains : « A leur retour, on fera le lancement du livre »

« A Laboratorio arts contemporains, nous n’avons pas vocation à être bailleur de fonds ni diffuseur. On fait de l’intermédiation. Dans le paysage culturel béninois, on est la seule structure qui propose un service d’intermédiation entre les créateurs, les plateformes de financement, les ambassades, les partenaires techniques et financiers et des structures de diffusion en Afrique, en Europe et dans les Caraïbes. Donc, ce projet GenevAfrica est financé par plusieurs structures dont le Bureau de la coopération Suisse au Bénin, l’ambassade de France au Bénin, l’Institut français… On rassemble une coalition d’acteurs des différentes filières de la chaîne des structures culturelles et créatives qu’on agrège autour de projets pertinents. A leur retour, on fera le lancement du livre et on entrera dans sa diffusion à partir de cet été. On a déjà des rendez-vous pour le Salon du livre d’Abidjan l’année prochaine et la fondation Amadou Hampaté Bâ parce que c’est un livre qui appelle à des propositions performatives. C’est pour cela qu’ils vont à Genève. Ils y vont pour performer les correspondances qui racontent l’univers, le contexte et leur quotidien en tant qu’écrivains béninois qui ont échangé par mail pendant 4 mois avec des écrivains suisses ».
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU



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