Dr Raymond Coovi Assogba au sujet des prédispositions à avoir pour la nouvelle année : « ...Il faut une revitalisation de ses corps physique, astral… »

La rédaction 31 décembre 2021

Dr Raymond Assogba est enseignant-chercheur au Département de sociologie-anthropologie à l’Université d’Abomey-Calavi et à la Flash d’Adjarra, également boologue, expert en spiritualité de développement et actuellement Secrétaire à l’école doctorale pluridisciplinaire de la FASHS-CDS. A travers cette interview, il parle des prédispositions à avoir pour la nouvelle année.

Quelles sont les prédispositions à avoir pour entrer dans une nouvelle année ?
La nouvelle année est la fin d’un cycle, et en fin de cycle, on se trouve en déficit d’énergie et face à un amoncellement de charges. On pense à sa famille nucléaire, ses parents, sa belle-famille et même les voisins sans oublier les visiteurs. L’auteur même, personne ne pense à lui à moins que son patron pense au « 13ème mois » ou à des étrennes ce qui n’est plus trop le cas de nos jours. A partir de ce moment, il faut comme prédispositions, faire un programme, faire un budget, établir les priorités car la fin d’année s’annonce sur un temps. C’est également le temps du bilan parce qu’un cycle vient de finir et il faut prévoir la manière de faire les choses à venir. S’il n’y a pas de perspectives, de nouveaux investissements, les gens risquent de se retrouver dans le gouffre.

D’aucuns disent qu’il faut consommer de l’igname pour entrer dans une nouvelle année. Qu’en pensez-vous ?
Nous sommes dans une société « contracculturée », c’est-à-dire la coexistence de plusieurs logiques. En tenant compte du néologisme, le temps de la nouvelle année n’est pas le même pour tous les peuples. Ce que nous faisons en décembre, c’est par rapport à la religion Judéo-chrétienne, la civilisation occidentale qui nous a imposé cette période. Nos sociétés de production de l’igname ont comme fin d’année la fin de la récolte de l’igname et qui se tend vers août et septembre, donc pas loin de décembre. Pour entrer dans une nouvelle année, on fait l’effort d’être en contact avec les réalités de chaque culture. On pile l’igname blanche qui symbolise la pureté pour se reconnecter avec le flot d’énergie dont on a besoin. C’est bien de manger l’igname, car ça rappelle que c’est la fin de l’année et on doit pouvoir récolter les fruits de ses investissements. L’igname rappelle qu’il faut rester debout car l’homme est vertical et ce sont les vicissitudes qui l’amène à être tordu. La fin d’année, c’est l’occasion de remettre à plat toutes les situations qui posent problème et les redresser.

Pourquoi l’igname et pas un autre aliment ?
L’igname pousse debout. L’igname est un tubercule qui a permis à nos ancêtres de créer des concepts. L’igname est une plante qu’on peut traiter de miraculeuse ou magique. Vous coupez une portion que vous mettez en terre. La première idée qui vient est qu’elle soit détruite ou inutilisable, mais le cas de l’igname est tout le contraire. C’est fantastique et ça dépasse l’entendement. Une portion donne plusieurs et c’est l’exemple même de la loi de la multiplication. Il y a des valeurs et des normes liées à l’igname. La carte du Bénin nous montre que c’est un pays qui est debout et le symbolisme du debout se retrouve au niveau du sexe masculin et en même temps le phallus du tolègba qui symbolise la productivité. Le sexe c’est lui qui transmet à partir d’un point les semences pour féconder l’ovule de la femme. L’igname permet d’établir un pont pour montrer que cette fin d’année, c’est surtout de la complémentarité car, c’est la femme qui prépare. Sans les préparations culinaires, il n’y a pas de fête. Nous sommes dans une dynamique de créer un pont entre nous et notre entourage et tout ce qui peut nous favoriser, c’est le fait d’être debout. L’igname est le seul aliment préconisé car c’est la représentation parfaite de l’homme. Elle a une tête, et même un corps.

Beaucoup se ruent vers les villages et autres endroits pour les bains nocturnes de fin d’année et autres. Que pensezvous de cette pratique ?
Il faut donner des nutriments au corps physique. Les gens y vont pour se requinquer et revenir plus redynamisés. Nous sommes dans une période où l’homme a dépensé beaucoup d’énergies parfois il ne peut plus faire face à ses obligations, il a besoin d’un renforcement parfois aussi pour faire face à des responsabilités dans son milieu de travail. Il a besoin d’aller chercher des appuis en vitamine qui peuvent être d’ordre minéral, animal ou même végétal pour rester debout. L’homme debout, c’est la conscience et il lui faut une revitalisation de ses corps physique, astral, causal, mental et éthérique. Dans les villages les choses ne coûtent pas chères. Mais, elles commencent à devenir chères car, il y a une forme de concentration de ceux qui savent. C’est une industrie qui se crée ainsi tout doucement puisqu’en allant là-bas, ceux qui sont les acteurs en trouvent pour leurs comptes aussi. Ce sont des canaux qui s’ouvrent vers l’incommensurable.

Quels conseils avez-vous à prodiguer ?
Pour entrer dans la nouvelle année, le premier conseil, c’est de définir ses besoins, ceux de la famille et de notre entourage. Tenir compte de ce qu’on a. Il ne faut pas s’endetter et se retrouver après avec des dettes à l’après-fête. Le deuxième conseil est que l’alcool et la joie ne vont pas de pair. Il faut se garder de l’exagération car, en toute chose l’excès nuit. Le troisième conseil est d’éviter de faire des promesses. Car, dans l’échange des voeux sous l’effet de l’alcool, on promet des choses qui n’ont pas leur raison d’être surtout à la gent féminine. Il faut se garder de faire des promesses qu’on sait qu’on ne peut pas tenir. Le quatrième conseil est qu’on s’abstient sexuellement pendant ses derniers moments et à l’orée de la nouvelle année. Le cinquième conseil est de prévoir déjà les investissements pour la nouvelle année. Il faut se réconcilier avec son épouse ou époux, car c’est un temps de bilan. Pour finir, je souhaite de joyeuses fêtes. Evitez de compter sur les biens d’autrui, regardez ce que vous faites, ne comparez pas votre manière de fêter avec celle du voisin. Le plus important est de communiquer la joie tout autour de soi.

Propos recueillis par : Marina HOUNNOU(Coll.)



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