Emile Biayenda, musicien congolais : « La force d’une relation, c’est la culture… »

29 avril 2023

Le directeur artistique du projet de l’Institut français du Bénin dénommé ‘’Concert live Rumba en majesté’’ a fait part du bien-fondé de l’initiative. Dans cet entretien, Emile Biayenda, fondateur du groupe ‘’Les Tambours de Brazza’’ a aussi évoqué la force de la culture dans le monde et dévoilé les projets qu’il entreprend pour l’Afrique.

Vous êtes congolais et vous êtes présentement au Bénin dans le cadre d’un événement. De quoi s’agit-il concrètement ?
En fait, cet événement a été mis en place par Fabienne Bidou, directrice déléguée de l’Institut Français du Bénin avec qui j’ai déjà collaboré quand elle était directrice à Pointe-Noire. Là-bas, on avait aussi monté ce projet. La Rumba qui arrive ici. La rencontre des musiciens et du public béninois. Donc, c’est un projet qui a été mis en place pour moi et je suis venu avec Fredy Massamba qui est un chanteur très connu de la nouvelle génération du secteur musical africain et c’est un ancien des tambours de Brazza. Quand Fabienne m’a appelé, j’ai eu envie de d’amener la Rumba qui est déjà arrivée ici avant même notre naissance. Les anciens connaissaient la Rumba. Donc, c’était vraiment naturel de créer cet événement ici. Dans le choix, Fabienne m’a demandé de repartir vers les racines de la rumba. On a choisi des grands orchestres congolais. Pour moi, c’est bien sûr les deux Congo qui ont apporté cette musique qui a percé l’Afrique. Je ne me suis même pas posé la question, dès qu’elle m’a dit : « on fait ça à Cotonou », on est parti sans réfléchir parce qu’en plus moi personnellement avec les Tambours de Brazza, nous avons une histoire de bonheur avec le Bénin. Quand on fuyait la guerre en 1997, on n’avait pas trouvé le choix que de s’installer ici à Cotonou. Les tambours de Brazza sont donc restés à Cotonou deux ans dans les quartiers ici, on répétait à l’IF. A l’époque, il s’appelait centre culturel. Pour moi, je ne suis pas arrivé en terre inconnue. J’ai des liens, j’ai des attaches. Il y a un guitariste qui, d’habitude a réuni des musiciens avec l’Institut et qui a aussi fait le casting. Il y a deux jeunes souffleurs, un trompettiste, un tromboniste qui ont apporté leur son de jeunesse dans cette musique. C’est cela en fait. C’est une musique universelle. C’est toujours l’éternel recommencement et je suis sûr qu’avec les jeunes avec lesquels on a bossé sur ce projet, ils vont rester et continuer à distiller cette musique.

Le samedi, il y a eu un concert en live riche en Rumba ?
C’est un concert, événement qui est ouvert à tout le monde, à tous les amoureux de la Rumba congolaise, africaine et de la chose culturelle en général. Le public est venu s’asseoir tranquillement, écouter, apprécier. Ceux qui veulent danser ont dansé. Avec Fabienne, on a compris qu’il fallait reproduire les ambiances de l’époque qu’on appelait Congo bar. On a aménagé une partie parce que, nous les musiciens, on a plusieurs types de consommateurs. S’il y avait un écran derrière la tête pour voir ce qui se passe dans la tête des gens, tu allais voir en ce moment-là qu’on a envie que ça soit un événement impactant où tout le monde va trouver satisfaction. Il y a la petite Lisa qui est notre chanteuse. Elle s’est aussi appropriée les chants, des anciennes musiques du Congo. J’ai un copain aussi que j’ai retrouvé ici, Josélito qui a joué là-bas, qui est béninois et a vécu au Congo. Donc cela a été un lien pour moi de faire cela avec lui. Il y a certains trucs et il peut trouver les mots justes pour les transmettre aux jeunes ici en utilisant les règles de la parole d’ici. Donc, c’est vraiment un projet où Fabienne a eu un truc qui était très positif.

Revenant à ce projet, qui en est l’initiateur ?
C’est Fabienne qui est l’initiatrice. On avait déjà fait ce projet là à Pointe-Noire. L’objectif, était d’accompagner les jeunes ou certains musiciens. C’est tout un programme dans son environnement, dans son univers et dans son écosystème. A côté du monde, pour tout cela, en réalité, c’est l’Afrique.

Pour le concert Rumba en majesté, on a eu des Béninois qui ont joué à vos côtés.
Déjà le samedi soir, toute la section en dehors de moi, Daly et Fredy Massamba, c’est des béninois. Donc moi je suis quelqu’un de très enthousiaste mais j’ai une rigueur sur la musique. Cela ne rigole pas. Et là, l’équipe a été professionnelle. J’en ai profité aussi pour professionnaliser avec Fredy Masamba parce que lui a vraiment l’habitude d’animer des master class. Il a aussi fait travailler les éléments, les chants en complexité et ensemble on a revu les jeunes qui ont l’habitude de jouer dans des chansons. Mais c’est une autre règle dans la Rumba. Cela ne joue pas tout le temps. On n’a pas droit à l’erreur et ils ont compris au bout de deux jours.

Parlez-nous de vos débuts dans la musique spécialement dans la Rumba.
En fait moi, la musique est entrée dans ma vie à l’âge de 5 ans. Quand j’ai eu 5 ans, ma mère a eu des jumelles et dans la tradition les choses changent. Le papa et la maman changent de nom. Et les enfants ont aussi des noms spécifiques. Quand on entend ce nom, on sait que c’est jumeau. Donc par rapport à cela, pendant 3 mois, personne ne les voit. Et pendant ces trois mois, à chaque croissant de lune ma maman compose des chansons qui doivent se faire accompagner parce que dans la tradition, on dit que les jumeaux viennent de la lune. Par rapport à cela, ma maman a préparé un répertoire et ce répertoire, il fallait l’accompagner. Et c’est moi qui l’ai accompagnée. Il y a ce qu’on appelle : « tu as ouvert la route » puisque je suis né avant les jumelles. Donc il faut que je participe. Et le troisième mois, la musique est vraiment arrivée comme cela. Plus tard, j’étais dans le groupe coco à l’école primaire, je suis allé dans des chorales parce que j’étais catholique et je porte le nom du cardinal Emile Biayenda. C’est mon oncle. Donc je suis entré dans les chorales au séminaire pour devenir prêtre et la musique est venue très tôt dans ma vie. Il y a toujours un moment où on part, on laisse tout cela. Je me suis retrouvé dans un lieu où il y avait un prêtre salésien. Il disait : « moi, je ne viens pas pour vous convertir mais si vous avez des activités, j’ai des instruments. Vous venez, vous jouez. Si tu veux assister à la messe, celui qui veut reste pour accompagner la messe. C’est ainsi que petit à petit, on a monté des groupes de Reggae de partout jusqu’au moment où je me suis fait remarquer par Zaho et j’ai commencé à jouer avec Zaho, ancien combattant, pas la jeune fille. Et puis après, je me suis spécialisé comme musicien de studio. Il y avait un grand studio là-bas. A l’époque, il y avait des grands studios ici à Cotonou, à Brazzaville et là-bas, j’ai eu la chance, en studio, d’accompagner les Franco, albums célèbres. J’ai joué la batterie pour plein de musiciens qui étaient de passage et ainsi, j’en ai fait ma carrière jusqu’au moment où j’ai créé ‘’les Tambours de Brazza’’. C’est vraiment le dernier album de Franco en studio. J’ai joué et surtout j’ai eu la chance de réaliser l’album de wendo colossoy parce qu’au Congo, quand on te dit la belle époque, ce sont les portes de wendo. C’est le créateur avec Paul Kamba.

Votre mot de la fin
J’invite le monde entier à découvrir la beauté de la musique africaine qui fait des merveilles. La force d’une relation, c’est la culture parce que c’est avec elle qu’on va trouver des mots pour convaincre. Donc, il faut l’aider à se construire avec tous les éléments.
Propos recueillis par Fidégnon HOUEDOHOUN



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