Entretien avec 6ktrix, artiste musicien : « Ce sont mes expériences que je partage dans ma musique »

La rédaction 9 novembre 2020

Artiste béninois, 6Ktrix, de son vrai nom Jules Hector a commencé la musique En 1999, au collège Nokoué à Cotonou où Il se fait remarquer lors des journées culturelles. Fort de cette première expérience, il se met à l’écriture et s’associe à des studios locaux pour pouvoir exprimer son art. Spécialiste de l’afro beat raga, 6Ktrix vis actuellement en France où il continue sa carrière musicale. Dans cette interview, il parle de son parcours, ses expériences personnelles et de ses projets.

Dites-nous depuis quand la musique est devenue votre passion ?
La musique est devenue ma première passion depuis 1999. J’aimais déjà la musique mais, en cette année qui était ma première année au collège m’a permis de rencontrer des amis notamment Rémy Assogba qui m’a davantage motivé. Cet ami fait du raga et moi je battais les tables pour qu’il puisse chanter puisque s’était ma passion de jouer les tam-tams à la maison. C’est à partir de tout cela qu’il m’a persuadé que je peux chanter plus que lui vu mon agilité à taper. Il m’a encouragé à écrire mon premier texte de rap. C’est comme ça j’ai rencontré après un autre ami Bénino-sénégalais qui avait une femme américaine. Elle était la gestionnaire d’une bibliothèque où on allait faire nos répétions de rap. C’est comme cela que je suis rentré dans le show-biz. Ainsi, de 1999 à ce jour, je suis passé du rappeur au raguer man.

Parlez-nous de votre parcours artistique
J’ai un parcours très atypique. J’ai fait le Collège d’enseignement général le Nokoué puis le complexe scolaire Colombe de Godomey et après les beaux-arts d’Abomey-Calavi où j’ai fait la guitare basse. Je suis un artiste qui aime véritablement la création. En gros, je ne suis pas dans le copier-coller. La musique prend tout mon temps parce que je suis toujours focus à communiquer clairement afin d’impacter positivement mon public. Chaque musique a un esprit et pour mettre un esprit derrière une musique, il faut vraiment du travail et surtout du temps.

Vous êtes artiste béninois résident en France. Qu’est-ce qui n’a pas marché entre temps pour que vous vous décidiez de continuer votre carrière musicale en France ?
Depuis trois ans je suis en France. J’ai été signé par un label puis par une maison d’édition. En collaboration avec ces deux institutions j’ai sorti pas mal de single dont ‘’Shine’’ avec une vidéo à l’appui et mon dernier single intitulé ‘’Wazémi’’ suivi lui aussi d’un clip. Actuellement, il y a un autre label à Monaco qui est en train de faire les démarches pour me signer. J’ai aussi mon studio à la maison qui me permet de travailler à tout moment quand j’ai l’inspiration. La musique est mon quotidien à part le fait que je dois travailler quelque fois, ce qui me permet d’acheter du matériel pour monter mon propre studio à la maison. Faire la musique au Bénin est vraiment difficile. C’est d’autant plus difficile que s’il faut avoir un contrat vous devez raser les murs, demander de l’aide sans l’avoir et même subir des coups bas. Ici en France tout semble plus facile mais il faudra également travailler pour se faire une place.

Avant votre départ pour la France, qu’est-ce qui vous a le plus marqué au Bénin ?
Avant mon départ pour la France, j’ai fait pas mal de scènes. Mais les journées culturelles m’ont vraiment aidé à découvrir mon talent. Au Ceg Le Nokoué, je n’ai pas seulement participé aux journées culturelles, mais je faisais partie de ces premiers qui ont commencé à faire la musique dans le collège. Ces journées culturelles m’ont vraiment aidé car, c’est à partir de ces événements que j’ai pris mon élan pour la musique. Quand j’ai commencé le rap, les gens m’ont accueilli comme il le faillait vu ma culture personnelle qui me permettait d’écrire de bons textes. Je peux vous confirmer que plus que moi, les journées culturelles ont à un moment donné ou à un autre aidé tous les artistes musiciens de notre génération. J’ai appris que les journées culturelles ne sont plus organisées dans les collèges comme il le faut. C’est un véritable regret pour moi parce que ce sont ces occasions qui permettent aux jeunes qui ont le talent de le découvrir et de se faire découvrir, de s’habituer à la scène puisque les camarades constituent pour eux leur premier public.

La France est reconfinée à cause du coronavirus. La pandémie a-t-elle un impact sur votre activité musicale ?
Ma carrière musicale est basée ici parce que je réside en France. Ici je peux dire que je vis de de ce que je fais. J’ai encaissé des sous parfois plus que je ne pense mais chez moi au Bénin, je ne gagnais rien pratiquement de ma musique. Il faut d’abord être roi chez soi afin de pourvoir l’être chez les autres. Mais aujourd’hui je constate que les Français s’intéressent plus à ma musique que les Béninois. En tout, j’ai une carrière en France qui fait son chemin. Mais en même temps, je ne chante pas que pour les Français car, la musique est universelle. La France est actuellement reconfinée à cause du coronavirus mais je peux vous rassurer que cette pandémie n’a pas réellement un impact direct sur mon activité musicale. C’est vrai qu’il n’y a pas de scènes mais moi, je travaille toujours sur mes projets. J’ai beaucoup de titres à annoncer car l’avantage est d’avoir un studio à la maison qui me permet de travailler à tout moment.

Dites-nous dans quel registres musical vous vous inscrivez et en quoi l’environnement dans lequel vous vivez actuellement l’a impacté ?
Je suis spécialiste de l’afro pop. En fait, je fais du raga sur des instrumentaux afrobeat. Après le rap je suis devenu raga man et j’ai travaillé dure pour perfectionner ma musique. Je peux faire du raga sur n’importe quel fond de beat. Je ramène aussi de différents instruments afin de donner une couleur et une saveur différente à ma production. Pour le moment, je fais mieux cette musique au Bénin plus que quiconque. L’environnement dans lequel je vis actuellement n’a véritablement pas d’impact sur le type de musique que je produis actuellement. A la base, j’avais mon plan et je savais déjà que j’allais finir par devenir une telle personne et que j’allais diriger mon écriture dans tel sens. J’étais parti pour chanter l’amour, la paix et l’espoir. J’essaie de centrer tous mes textes sur ces thématiques et je ne pense pas qu’un jour ça pourra changer. J’avais déjà tout défini à la base.

Votre dernière titre en date s’intitule WAZEMI qui tourne actuellement en boucle sur les chaînes télé et radio d’ici et d’ailleurs. Serait-il inspiré d’une expérience personnelle ?
Mon dernier single est ‘’Wazémi’’ que j’ai sorti en mai dernier. Ce single a été inspiré d’une expérience personnelle. Et d’ailleurs tout ce que je chante n’est que mes vécus. Je ne sais pas créer un mythe. Je n’ai pas une belle plume donc tout ce que je chante ne vient que de moi et de ce que j’ai vécu et n’est que mon Tout ce que j’arrive à écrire n’est que mon quotidien et je pense que c’est de ça que nous avons besoin. Ce sont mes expériences et mon vécu que je partage par ma musique. J’ai vraiment souffert dans ma vie. Mes proches le savent parce que je suis un enfant de la rue. Et le fait que j’avais de difficultés à trouver à manger, à me laver et à me vêtir m’a permis d’être prévisible et de rester dans ma logique malgré le fait que je vis actuellement en France. ‘’Shine’’ est un morceau dans lequel j’ai chanté mon vécu, mes difficultés. Entre temps, j’allais chez des parents pour leur demander de l’aide mais ils n’avaient qu’une seule réponse pour moi, « il faut revenir demain » alors qu’ils ne manquent pas d’argent. C’est le jour où ils vont entendre que tu as volé qu’ils vont te taxer de délinquant. Mais Dieu a pensé à moi, car ça va mieux aujourd’hui qu’hier et je remercie le tout puissant pour la grâce qu’il m’a accordé. ‘’Shine’’ et Wazémi sont des histoires vraies que j’ai vécu parce que je ne crée rien car, je n’ai même pas une voix exceptionnelle.

En tant qu’artiste, le regard que vous portez sur le show-business béninois ?
Je crois que le show business béninois évolue à sa façon. Les décideurs ne veulent pas nous faciliter la tâche. Dans ce business, il y a beaucoup de cercles car si tu ne connais pas telles ou telle personne tu n’auras pas des faveurs ou même des services. En fin de compte, ce n’est plus forcément le talent qui est prôné. Donc c’est l’artiste seul avec son staff qui gère tout sans l’aide de qui que ce soit. Aujourd’hui au Bénin c’est trop compliqué. Ce n’est pas comme en Europe où il y a des structures qui font tout pour aider l’artiste. Mais, il faut reconnaitre que la musique évolue au Bénin avec l’entrée dans le show-business des jeunes dont T-gang, Don Amos ou First King et plein d’autres. Ces jeunes méritent d’être accompagnés et poussés. J’aime ces jeunes et de tous ceux-là qui font de la bonne musique. Si seulement les décideurs peuvent tourner leur regard vers cette jeunesse, la musique béninoise fera parler d’elle de par le monde. A mon niveau, je fais le peu que je peux pour vendre mon pays sur le plan musical et aider ceux qui viennent après moi.

Votre mot de la fin
Je remercie essentiellement tous ceux qui me donnent la force notamment mes fans. Je remercie tout le monde et même mes ennemis parce que dans la vie, il ne faut négliger personne. Aux décideurs, je demande de faire confiance à cette nouvelle génération de musiciens et de les aider à franchir le cap.
Propos recueillis par Jephté HOUNNAGNI



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