Il s’appelle Afissou Ayindé Olorounko alias Babalawo Ewé Dola Atchèkpé. Il est prêtre du Fâ. Dans un entretien accordé à votre journal, il estime que la valorisation du Fâ en symbiose avec des prêtres du Fâ du Nigéria contribuera à améliorer la destination Bénin avec les descendants d’esclaves qui pratiquent cet art divinatoire dans la diaspora.
Notre pays le Bénin a amorcé une dynamique de son développement culturel sous l’impulsion du régime du président Patrice Talon avec un accent particulier sur le tourisme. Qu’est-ce que tout ceci vous inspire ?
Je voudrais d’abord rendre grâce au Tout Puissant, notre Dieu et rendre hommage aux mânes de nos ancêtres. Ensuite, je voudrais remercier le président Patrice Talon pour sa vision de développement de notre pays sur tous les plans et surtout sur le plan culturel et touristique. Grâce à cette vision, on parle autrement du Vodoun dans notre pays et petit à petit, cela participe à la promotion de la destination Bénin. Par ailleurs, permettez-moi de rendre grâce à Dieu qui a permis le retour au pays sain et sauf de notre frère, le Ministre du tourisme, de la culture et des arts, Jean Michel Abimbola, après quelques mois de séjour sanitaire à l’étranger. Que les mânes de nos ancêtres continuent de veiller sur lui et sur le président de la République. Pour répondre à votre question, je crois que tous les acteurs culturels et les gardiens de nos us et coutumes sont aujourd’hui fiers des actions du gouvernement pour la valorisation du Vodoun. Nous avons aujourd’hui plusieurs manifestations qui valorisent nos richesses culturelles et cultuelles. Je veux citer les Vodun Days à Ouidah, le Festival des Masques à Porto-Novo, la Gaani à Nikki et j’en oublie. Nous ne pouvons qu’en être fiers et nous encourageons le gouvernement à continuer dans cette dynamique.
Parlons des Vodun Days. Sans aucun doute, il y a des gens ici dans le Plateau qui y prendront part. Comment cela se prépare t-il donc ?
Comme je le disais tantôt, les Vodun Days valorisent le Vodoun en développant le tourisme puisque comme en janvier 2024, notre pays accueillera encore des milliers d’étrangers en janvier 2024. Ici dans le département du Plateau et plus particulièrement dans la Commune d’Adja-Ouèrè, nous en parlons déjà. Mais je dois préciser qu’en tant que prêtre de Fâ, nous ne faisons rien sans consulter le Fâ. Nous avons commencé les premiers rituels en consultant les différentes divinités pour une meilleure participation à cette fête qui mettra notre pays sous les feux de la rampe. La fête se prépare très bien à notre niveau.
Aujourd’hui, le Fâ est pratiqué non seulement au Bénin, mais également dans la diaspora par les descendants d’esclaves comme à Cuba, au Brésil. N’est-ce pas une opportunité pour valoriser le Fâ afin d’attirer cette diaspora vers la source en Afrique et particulièrement au Bénin ?
Vous touchez là une préoccupation que nous avions toujours eue ici au niveau du Plateau. Ce qui se fait à Nikki autour de la Gaani, ce qui se passe à Porto-Novo autour des masques et ce qui se passe à Ouidah autour des Vodun Days, nous souhaitons que quelque chose du genre se passe ici dans le Plateau autour du Fâ. Certes, le Fâ doit précéder toute initiative dans nos traditions, mais notre proximité avec le géant Nigeria et sa forte communauté Yorouba, le Fâ ou Ifa étant d’origine Yorouba, doivent être mises à profit pour attirer des touristes vers notre pays. Il faut valoriser le Fâ pour attirer vers nos pays les descendants d’esclaves qui la pratiquent. Les descendants d’esclaves qui pratiquent le Fâ voudront sûrement aller découvrir la terre de leurs ancêtres pour approfondir leurs connaissances. Une ville du département du Plateau peut par exemple être le point de ralliement des prêtres du Fâ du Bénin à travers une conférence internationale sur le Fâ avec des manifestions culturelles autour du Guêlêdê et de Êfê pendant deux jours. Il reviendra au gouvernement, comme il sait le faire, de définir la forme que cela prendra.
Quand vous citez le Nigeria dans la promotion du Fâ, quelles relations entretenez-vous avec vos confrères de ce pays ?
On ne peut pas parler de Fâ ou Ifa sans parler du Nigeria. Le Fâ, cet art divinatoire vient de Ifè au Nigeria en pays Yorouba. Il s’agit d’une séance, la géomancie, qui a résisté au temps et qui continue d’aider les êtres humains au quotidien. Il se pratique à travers des signes et leurs explications par le prêtre du Fâ. Aujourd’hui et depuis des siècles, ce ne sont plus seulement les peuples Yorouba du Nigeria et du Bénin qui pratiquent le Fâ. Mais toujours est-il qu’il est important d’enrichir ses connaissances en Fâ. Nous les prêtres Fâ, pour un certain nombre d’entre nous, nous partons de plusieurs pays du monde entier dont le Bénin pour nous retrouver régulièrement à la source à Ifè au Nigeria. Pour mon dernier séjour à Ifè, il y avait des Espagnols, des Brésiliens, des Cubains, des Guadeloupéens et d’autres nationalités qui viennent approfondir leurs connaissances. Le Bénin peut aussi être une terre d’accueil pour approfondir les connaissances en Fâ. A l’occasion de mon dernier séjour à Ifè, j’ai pu échanger avec l’Empereur mondial Ojaja III en lui expliquant qu’il importe aujourd’hui de faire un travail pour aider les prêtres du Fâ du Bénin à mieux valoriser ce patrimoine.
Parlons du Bénin. Quel regard portez-vous sur la pratique du Fâ ?
Nous n’avons pas la prétention de dire que nous avons la science infuse en Fâ. Mais nous devons reconnaître qu’il y a des dérives. Il y a bien des gens qui s’autoproclament prêtres du Fâ. Il faut que les gens sachent que le Fâ est une science et on n’acquiert pas une science sans un minimum d’apprentissage. Si nous ne nous prenons pas au sérieux, le Fâ peut finir par perdre sa valeur au Bénin. Ce n’est pas le Professeur Kakpo Mahougnon, grand prêtre du Fâ qui dira le contraire. Au passage, je le remercie pour le travail gigantesque qu’il abat avec ses compères sur le plan scientifique autour de nos religions endogènes. Nous devons maintenant aller plus loin voire faire développer le tourisme autour du Fâ. Sans le Fâ, aucune divinité ne peut exister.
Avec la modernité d’aujourd’hui et les religions venues d’ailleurs, est-ce que la relève est assurée pour la pérennisation du Fâ ?
Justement ! C’est en ça que nous félicitons le gouvernement béninois et le Chef de l’État, Patrice Talon pour ce qu’ils font pour la préservation et la valorisation de nos patrimoines culturels et culturels. Si rien n’est fait et que nous-mêmes acteurs et gardiens de la tradition nous ne prenons pas conscience des enjeux, nos valeurs seront perdues de génération en génération.
Votre mot de la fin
Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à la question du Fâ. Encore une fois, je voudrais dire que c’est ensemble que nous allons sauvegarder l’héritage que nous ont laissé nos aïeuls.
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN
- 29 octobre 2024
- 27 octobre 2024
- 24 octobre 2024