Familles recomposées au Bénin : Gérer les émotions pour contrôler le chaud et le froid

La rédaction 21 septembre 2020

Les familles recomposées au Bénin ont chacune une histoire particulière. Appelées à vivre en harmonie, la plupart d’entre elles traversent, au fil des années, des périodes tumultueuses. Un tour dans quelques familles à Abomey-Calavi, et le constat laisse sans voix.

Samedi 12 septembre. Il est 14H à Tankpè, commune d’Abomey-Calavi. Jeannette B. et ses ‘’frères’’, confortablement assis dans un canapé, suivent avec beaucoup d’intérêt, une émission télévisée. Tout ceci, accompagné de discussions taquines qui laissent entrevoir une harmonie dans la famille. A l’arrière-cour, l’un de ses petits frères jouent avec le fils de son père adoptif. Ces enfants sont issus d’une famille composée. « J’ai perdu mon père à l’âge de 7 ans, lorsque nous étions au Burkina-Faso. Après son décès, la famille a refusé de nous venir en aide. C’est ainsi que nous sommes revenus au Bénin. Quelques temps après, maman a fait la rencontre de quelqu’un qui venait souvent nous rendre visite. Quelques mois plus tard, ils se sont mariés et nous avons emménagé chez lui. Il faut souligner que ce monsieur avait déjà 4 enfants. Actuellement, j’ai deux autres frères issus de leur union », explique Jeannette, visiblement déconcertée.

Divers horizons, diverses valeurs !
L’on connaît le vrai visage d’une personne seulement quand on vit avec elle, dit-on. Mais Jeannette a eu la chance de vivre dans une famille où la discrimination est le cadet des soucis. « Avec le temps, mon père adoptif n’a pas du tout changé. Il est resté le même. Il nous a toujours traités comme ses propres enfants. Il paye toujours notre scolarité. En tout cas, je ne me plains pas », confie-t-elle avec sourire, même si elle a des griefs contre lui. « Ce n’était pas facile pour moi de voir ma mère avec un autre homme. Mais je n’avais pas trop le choix. Il nous arrivait de nous disputer souvent pour des choses insignifiantes. Il lui arrivait souvent de nous insulter quand on l’énervait. Mais dans chaque famille, il y a des disputes. On se réconcilie et la vie continue. Avec le temps, ma mère lui donna deux enfants. Mais malgré cela, il ne faisait pas de discrimination entre nous. Il se foutait pas mal du fait que nous ne sommes pas ses propres enfants. Je ne me plains pas », ajoute Jeannette.

Quand ça tourne au vinaigre !
Contrairement à certaines familles recomposées où règne une entente parfaite, d’autres n’ont pas la chance de vivre cette harmonie. C’est l’histoire de Yasmine B. qui ne sait plus où donner de la tête : « Tout a changé, depuis que mes frères et moi avons rejoint le nouveau foyer de notre maman. Son mari était distant avec nous. Il ne nous adresse pas la parole. Nous étions dans la même maison, mais on ne se croisait presque jamais. Idem pour les enfants du monsieur. A l’approche de la rentrée, il se foutait de notre scolarité. Et cela l’irritait davantage, quand ma mère le lui rappelait. Il répond souvent qu’il ne pouvait prendre en charge la scolarité des enfants d’autrui. Il ne laissait plus les frais de nourriture avant d’aller au boulot », dit-elle, toute attristée. En d’autres termes, l’ambiance fut morose, et Yamine craignait pour sa mère. « J’ai très vite remarqué que ma mère n’était plus heureuse avec son mari. Car je la voyais souvent pleurer toute seule dans son coin. Et quand elle nous voyait, elle faisait comme si de rien n’était. J’ai fait toute l’année sans aller à l’école. Il a fallu que je trouve un job pour aider ma mère à payer l’école de mes petits frères…Finalement, ils ont divorcé… », indique-t-elle, les larmes aux yeux.

Enjeux liés à l’intégration des enfants !
L’intégration des enfants dans les familles recomposées est une équation difficile à résoudre. A ce sujet, les couples, selon leurs différents tempéraments et éducations, influent sur le comportement des enfants. Généralement, la plupart n’acceptent pas que quelqu’un d’autre remplace leur géniteur. Dans ce cas, les couples ont du mal à gérer les tensions et les crises de jalousie. A ce sujet, Jacqueline H. Raconte : « Après la mort de mon mari, j’ai rencontré un homme qui a promis prendre soin de ma famille. Dans les débuts, mon aîné a commencé sa crise de jalousie. Il trouvait toujours une occasion de vouloir provoquer mon mari. Il lui arrivait même de voler son argent. Et quand on lui fait des reproches, cela devenait la guerre dans la maison. Il a même voulu monter ses petits frères contre lui, et même se battre contre lui... ». Malgré la volonté du père adoptif de nouer des liens avec son fils adoptif, ce dernier était toujours sur ses gardes. « Mon mari faisait des efforts, faisait tout pour satisfaire ses besoins. Il payait sa scolarité sans rien demander en retour, mais mon fils refusait d’aller à l’école. Pour finir, il a quitté la maison familiale… », précise-t-elle. Pour ainsi dire, vivre dans une famille recomposée nécessite d’énormes investissements au plan émotionnel. Pour une famille harmonieuse, il faut un centre habilité à orienter les uns et les autres.

Arnaud Adikpeto au sujet des familles recomposées
« Il est fréquent de voir des gens se mettre en couple sans une préparation minimum »

Quelles sont les différentes formes de familles ?
On parle de plus en plus de plusieurs types de familles : les familles nucléaires, les familles recomposées, les familles monoparentales, les familles homoparentales. Ce sont les différentes formes de familles que nous avons de nos jours ça.

Qu’est-ce que c’est qu’une famille recomposée ?
Une famille recomposée est une famille dont les couples vivants ont au moins un enfant donc un seul des deux conjoints est parent. En terme clair c’est une famille qui a un enfant qui appartient soit à l’homme soit à la femme mais dont l’autre conjoint n’est pas le géniteur.

Les familles recomposées qui sont-elles ?
Dans une famille recomposée facilement nous voyons souvent les demi-frères, les demi-sœurs, les enfants avec lesquels on a un parent en commun. Au sein d’une famille vous avez peut-être deux enfants qui appartiennent à la mère avant qu’elle ne se remarie avec le papa qui lui-même peut-être déjà à un moment donné avait un enfant ensemble donc on a des belles mères ou des beaux pères qui sont les nouveaux conjoints de nos parents bien évidemment, on a des quasi frères ou des quasi sœurs, des enfants avec lesquels on a été élevé, avec qui on n’a aucun lien de sang forcément.

Quelles sont les causes des familles recomposées dans le passé et de nos jours ?
Les causes sont multiples et multiformes. Vous voyez on n’a pas forcément les mêmes types d’éducation. Il y a beaucoup de personnes qui pensent que le mariage, c’est ce qu’ils voient à la télévision. Sur les séries Novelas et ne se préparent pas du tout. Ils se jettent alors dans la famille et se confrontent à la réalité et ainsi les difficultés commencent. Vous voyez des hommes et des femmes qui se mettent en couple sans une préparation minimum et dès que les premières difficultés surviennent ils ramassent leurs bagages et puis rejoignent leur famille puis se remarient plus tard alors que par le passé dans la relation précédente on a déjà un ou deux enfants. Mais nous avons également le cas de ceux-là qui sont en couple et qui connaissent malheureusement le départ de leur conjoint(e) : je parle des veufs ou veuves qui se remarient et qui sont obligés d’avoir des familles recomposées. Si on va commencer par citer tout ce qui peut être à la base des familles recomposées, on n’en finira pas. Par le passé ce n’est pas un phénomène assez courant, c’est une question assez gênante de voir une femme avec un enfant aller se remettre facilement en couple avec un autre homme sauf en cas de décès de son conjoint où on peut aller facilement se remarier surtout dans les sociétés africaines mais de plus en plus de nos jours nous voyons que les familles recomposées deviennent monnaies courantes et sans gêne, vous voyez une femme qui a un ou deux enfants ailleurs quitter ce mariage pour aller se remarier avec un autre homme sans que cela ne lui pose de problème. Par le passé, vous entendez souvent l’expression « vihoutou oun kpodo assouhoué » qui fait que malgré les difficultés que certaines femmes vivaient dans leur foyer, elles faisaient tout pour rester là pour ne pas aller donner un autre père à leurs enfants et acceptent peut-être subir tout ce qu’il y a comme mépris dans le foyer dans lequel elles ont des enfants parce qu’elles se disent pour l’avenir de mes enfants je préfère rester sous le toit d’un seul homme pour mon propre honneur pour l’honneur de ma famille. Je préfère ne pas divorcer. Malheureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les familles recomposées sont devenues des choses très ordinaires de plus en plus, elles ne sont plus considérées comme contre nature comme cela était auparavant.

Quel est l’avenir de ces enfants au sein des familles recomposées ?
L’avenir des enfants ne dépend pas forcément du fait que l’enfant soit d’une famille recomposée, d’une famille monoparentale, d’une famille nucléaire etc. On peut avoir des enfants qui viennent d’une famille recomposée qui ont un avenir très radieux parce que les parents s’aiment et œuvrent pour l’éducation des enfants. De la même manière, on a des enfants qui viennent de ces familles recomposées qui ne sont pas du tout pris en charge. Généralement quand c’est l’homme qui a peut-être un enfant ou deux enfants avant de venir rencontrer une autre femme qui a peut-être un ou deux enfants on voit de plus en plus que les enfants que la femme a eus avant de venir dans le mariage sont parfois plus choyés que les enfants que l’homme a ce qui fait que cela joue beaucoup sur l’éducation, cela joue beaucoup plus sur l’avenir de ces enfants qui se voient parfois écartés et qui leur crée tellement de difficultés. Mais de toute les façons, ce n’est pas forcement le fait que l’on vienne d’une famille monoparentale, d’une famille nucléaire ou d’une famille recomposée qui fait que l’on a un bon avenir ou un avenir sombre. Tout est une question de vision des parents, c’est une question de la base sur laquelle cette famille recomposée a été fondée qui donnerait un bon ou un mauvais avenir à un enfant.
Nous voyons parfois des enfants qui viennent d’une famille recomposée et qui ont peut-être ce que j’appellerai la meilleure éducation ; ils s’aiment tellement comme des frères et sœurs issus des mêmes parents du même père ou d’une même mère, qui font beaucoup de choses ensemble et qui sont bien éduqués de sorte que vous ne saurez même pas qu’ils sont des enfants qui viennent d’une famille recomposée. De la même manière, vous allez voir des enfants d’une famille nucléaire qui sont ceux que j’appellerai, excusez-moi l’expression « les canailles », des cas sociaux, qui sont des enfants qui causent beaucoup de difficultés dans la société, ce sont eux que vous voyez parfois en train de commettre les pires bêtises de la vie parce qu’ils ont des parents qui les ont trop choyés, qui sont les enfants trop gâtés qui font du désordre dans la société. Mais par contre vous voyez parfois des enfants qui viennent des familles recomposées qui sont des enfants normaux, qui agissent normalement dans la société.

Quelle est la différence entre les enfants issus d’une famille recomposée et les enfants issus d’une famille nucléaire ?
Cela est relatif. Cette différence que l’on peut observer tel que je vous le disais précédemment, on peut avoir des enfants qui viennent d’une famille monoparentale, d’une famille nucléaire qui n’ont aucune éducation dans ce sens. Vous voyez des enfants de riche qui viennent d’une famille nucléaire mais qui sont ce qu’on appelle les « dogbé ». Ce sont eux que vous voyez en train de fumer de la drogue, en train de dépenser mal l’argent des parents. Ils utilisent les ressources des parents pour faire du désordre dans une société. On voit parfois des enfants d’une famille recomposée adopter le même type de comportement ; donc, ce n’est pas forcément le fait que je vienne d’une famille recomposée ou d’une famille nucléaire qui définit a priori mon éducation, mon comportement dans la société. C’est pour cela que j’aime tellement cette expression en langue fon qui dit « gbèwè nonkplon vî » autrement dit ‘’c’est parfois la nature qui éduque les enfants’’. On peut être d’une famille recomposée et être les meilleurs enfants au monde parce que les parents eux-mêmes ont reçu une meilleure éducation ou assurent une vie, un avenir meilleur à leurs enfants.

Quelles sont les difficultés rencontrées au sein d’une famille recomposée ?
Les difficultés qu’ont rencontre souvent dans le type de famille recomposée sont souvent liées au bouleversement d’un certain ordre pré établi. Généralement dans ces familles recomposées, des perturbations sont parfois à l’origine des sentiments de jalousie, de la frustration, de l’exclusion ou encore des sentiments provenant d’une déception relative au fait de ne pas être l’unique attraction du couple. C’est au sein de ces enfants qu’il y a parfois ce qu’on appelle beaucoup de blessures, un enfant qui peut ressentir un manque d’affection et d’attention de son parent biologique parce qu’on pense que son parent biologique s’occupe beaucoup plus de l’enfant de l’autre. Il arrive parfois que l’on culpabilise les parents par rapport au sentiment qu’on a à tel enfant ou tel enfant. Le rapport qui doit exister entre les beaux parents sont parfois éprouvés par des sentiments de trahison envers son parent. Ce ne sont pas des difficultés qui sont spécifiques à des familles recomposées. Vous pouvez avoir des familles nucléaires qui ont les mêmes difficultés que les familles recomposées, les problèmes de jalousie entre frères, des frères d’une famille nucléaire qui peuvent même s’entretuer. Il n’y a pas de difficulté particulière, schématisée, collée typiquement à une famille recomposée de ma part.
L’idéal, c’est que l’on puisse avoir des familles nucléaires mais malheureusement on ne peut pas avoir que des familles nucléaires parce que nous sommes dans une vie où il y a les morts, où la société a ses réalités et forcément un peu comme on le dit on va faire avec, on ne va quand même pas demander à une femme qui a perdu son mari alors qu’elle était encore bien jeune de ne pas se remarier un peu comme on le dit pour sa propre santé ou pour l’avenir de l’enfant. Donc pour moi, que l’on vienne d’une famille recomposée ou des autres formes de familles, ce n’est pas ça l’important. Le plus important, c’est la base sur laquelle les conjoints se sont entendus pour pouvoir formaliser leur famille, l’idéal c’est que les enfants puissent vivre heureux au sein d’une famille, avoir l’amour des parents, avoir la meilleure éducation que cela soit.
Réalisé par Mariam MOHAMED & Henriette ATIHOU (Stags.)



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