Fredy Massamba, musicien congolais : « C’est vraiment extraordinaire de voir une béninoise qui chante la Rumba par excellence »

29 avril 2023

Fredy Masamba est artiste congolais, chanteur compositeur, interprète arrangeur et producteur qui pilote aussi l’initiative de la directrice de l’Institut français du Bénin dénommé ‘’Concert Rumba en majesté’’. Cet entretien est une occasion pour lui de partager son parcours, dévoiler ses projets et soulever quelques difficultés auxquelles les artistes sont confrontés en général.

Vous êtes au Bénin ici à l’Institut français pour le concert Rumba en majesté. Donnez-nous plus de précisions sur cet événement qui a rassemblé beaucoup de personnes.
C’est un évènement qui est une initiative de la directrice de l’Institut Français de Cotonou qui a voulu rassembler des artistes béninois et des artistes congolais pour pouvoir mettre à l’honneur la Rumba congolaise. Donc le Bénin reçoit le Congo en Rumba. Et autour de cela, nous avons Émile Biayenda qui est le directeur artistique de ce projet. C’est lui qui a monté un répertoire riche en sonorités, en musiques, en textes, autour de la Rumba congolaise avec des artistes qu’il a sélectionnés que ce soit Taboulé, soit Mbilia Bel, Grand Callé, Mabiala qui vient du Congo Brazzaville. Et donc ce répertoire sera exécuté ici sous la paillote à l’Institut Français de Cotonou. Nous sommes en train de travailler sur cela et sommes prêts.

Le Bénin a reçu le Congo autour de la rumba. Cette musique congolaise dont l’originalité n’est plus à démontrer aujourd’hui. Cela fait combien de temps que vous êtes dans la Rumba ?
Je tiens à préciser que la Rumba, qui est quand même rentrée dans le patrimoine matériel de l’UNESCO, n’est plus que pour les congolais. La Rumba aujourd’hui est africaine, mondiale et nous Congolais, nous avons cette chance. Partout où on arrive à voir des cabarets, les musiques congolaises sont bien exécutées et parfois même mieux que les congolais. C’est-à-dire super interprétée par des artistes du Bénin. Par exemple, là, nous avons une fille béninoise, Lisa, chanteuse qui a grandi ici, qui a des parents béninois et qui chante dans la Rumba congolaise par excellence. Elle est extraordinaire avec l’accent et tout ce qui va avec. Alors moi, dans la Rumba congolaise, c’est plutôt mes oreilles et mon cerveau qui étaient dans la Rumba. Car mon père était comme aujourd’hui des mécènes à l’époque. Je vous parle des années 1970. Il est rentré de l’Allemagne et il donnait un coup de main aux orchestres. Et donc à la maison, ce disque tournait en boucle. J’ai donc écouté de la Rumba dès ma naissance mais je n’ai jamais fait de la Rumba dans un orchestre. C’est plus tard après que j’ai rencontré Émile Biayenda et je suis allé en Europe et j’ai commencé vraiment à apprendre la Rumba. Sinon, toutes les mélodies, je les avais. Les paroles je les connais. Mais je n’ai jamais fait la Rumba où je vais m’asseoir chanter devant un public sur un répertoire en Rumba. Moi, c’est plutôt l’inverse. Ma tête était sur James Brown, Marvin Gaye, Rossy, Bob Marley et Jimmy Clef. Je dansais du Smif en 1984 quand je suis arrivé au Congo avec des meilleurs films du hip-hop. J’étais ailleurs complètement mais je vivais au Congo. Donc quand je sortais, je n’écoutais pas la Rumba. Mais quand je rentrais à la maison, c’est la Rumba parce que mon père me l’imposait. Aujourd’hui je travaille avec Lema.

Freddy Massamba a combien d’enregistrements en terme d’albums ou titres à son actif ?
Une vingtaine d’albums. Je dirai même 30 parce que j’ai eu aussi des projets qui sont restés juste des projets du genre de 2 ans mais un album en est sorti. Bref, la liste est longue.

Justement parlant de projet, quels sont vos autres projets ?
La première chose que j’aimerais dire ici est que depuis 5 ans, j’ai monté un projet avec un Potalon qui est mon manager, qui s’appelle Latson. C’est est un sénégalais qui a un festival qu’on appelle le Fidas en France, festival de musique du monde. Nous avons monté un projet où on a réuni des artistes femmes d’Afrique. Et depuis, ce projet tourne en Europe. Donc j’ai sélectionné Koudi. C’est moi qui suis le directeur artistique du projet de Koudi. Il y a Tchiral de la Côte d’Ivoire, Geneviève Massibé du Tchad, ainsi de suite puis je suis parti à Montréal pour travailler aussi dans le cadre d’un autre festival avec des femmes à Montréal où j’ai réuni une Gabonaise, une Camerounaise, une Canadienne et une Marocaine. Et là, je pars au Brésil pour aller travailler avec un groupe de femmes dont Vanessa Kanga qui est directrice artistique de Afro politano festival qui s’est passé ici à Cotonou. Depuis un certain moment, je mets les femmes à l’honneur parce qu’elles ont beaucoup de choses à dire. Aujourd’hui on est au 21e siècle, on n’a pas besoin d’une femme qui ne reste que dans la cuisine, la voir soulever les gros sacs, de je ne sais quoi, faire des kilomètres à pieds parce qu’elle doit nourrir un petit fainéant. On a besoin des filles entrepreneures, aller chercher là où il faut et puis elles ont la tête qu’il faut. Je me rappelle qu’à l’école, c’étaient les femmes qui étaient premières de la classe. Elles ont le talent, c’est terrible. Donc, ce sont là mes projets avec les femmes. Il y a un autre projet que je suis en train d’installer petit à petit. J’aimerais venir ici au Bénin faire des résidences. Il y a aussi mon album qui arrive ce 28 avril. Cela a été produit par Onde musique, une boîte à moi et sera lancé à Pane Pépère à Paris à 20h le 13 mai mais l’album sort le 28 avril.

Un parcours plein de succès mais certainement pas sans difficultés ?
La première difficulté pour être sincère c’est le mouvement des artistes. Il y a quelque chose que j’ai toujours trouvé étrange chez les politiques. C’est qu’à un moment, ils oublient que nous on a besoin de circuler et que l’artiste ne peut pas être coincé là où il vit et ne produire que là. Il faut qu’ils voient ce qui se passe ailleurs. Comment ils doivent voir cela ? Ils doivent aller dans les festivals, faire du réseautage, rencontrer et écouter d’autres musiques des autres pays. Notre boulot nous demande de bouger. Tu vas voir dans certains pays, je ne veux même plus parler du Congo où vraiment c’est la folie en RDC, catastrophe. C’est le seul pays où pour sortir tu dois payer une attestation de sortie. Un artiste doit payer une attestation, je n’ai jamais entendu cela ailleurs. C’est quelque chose. Et puis, il y a aussi les moyens, les structures, les infrastructures qui doivent permettre aux artistes de bien faire leur boulot, de faire des résidences, avoir du bon sens, de vrais centres culturels dignes de ce nom. Un vrai centre culturel de théâtre. Les peintres ont besoin d’un espace pour pouvoir créer. Nous avons tous besoin de la création. On met des ordinateurs pour des gens mais nous, non. Cela, c’est aussi quelque chose. Nous avons besoin de la mobilité. Cela nous met presque à la limite et on est souvent en Afrique, les artistes sont en coma. On ne sait pas si nous sommes vivants ou pas. Mais il y a quelque chose qui est extraordinaire chez l’artiste. C’est qu’il a un esprit fort. Je n’ai jamais été invité par les officiels dans mon propre pays. Jamais ! Avec tous mes albums qui ont gagné des prix, jamais. Mais je vais au Congo, je vais à l’Institut Français, Pointe-Noire, jamais invité par des officiels. Nous avons un festival du nom de Fespam. Un des plus grands festivals avec un budget. Je n’ai jamais été invité. Je me pose la question de savoir pourquoi. On rencontre beaucoup de difficultés. Mais lorsque la lumière de Dieu jaillit, Cela fait disparaitre les ténèbres. J’ai toujours donné la place aux artistes surtout en Afrique. Parce que nous vivons des moments difficiles.

Votre mot de la fin
Juste pour te dire, toi qui es en face de moi en train de faire cette interview, je te dis juste merci. Continue à faire ce beau travail, noble mais difficile. Un message pour la jeunesse africaine en qui j’ai la confiance et je crois que demain sera meilleur. Je sais que l’Afrique est en train de changer, de devenir un continent de fou parce que tout le monde veut y venir et je sais qu’ils vont tous venir et les choses vont changer. Je crois au lendemain. J’invite toutes les générations confondues à nous soutenir. On va leur faire une musique et elles vont sortir en gardant quelque chose à vie.
Propos recueillis par Fidégnon HOUEDOHOUN



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