Photographie et numérique : Les professionnels au cœur du calvaire des nouvelles technologies

La rédaction 11 septembre 2019

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (Ntic) révolutionne de jour en jour le monde, notamment le quotidien des Béninois. Mais force est de constater que plusieurs métiers en subissent les conséquences. C’est le cas de la photographie qui, autrefois considérée et adoptée, est désormais reléguée au second rang. C’est un véritable dilemme qui suscite, dans le rang des professionnels, une kyrielle de questions.

Légion, étaient-ils, jadis ! mais aujourd’hui, les photographes se font de plus en plus rares sur le terrain face à l’avancée des Technologies de l’Information et de la communication. C’est du moins, ce qu’il convient de constater à Cotonou, Abomey-Calavi et environs. Odile Hounkpè, photographe à Godomey, donne la raison de la disparition progressive des professionnels de la photographie d’art qui, pour la plupart désertent les lieux et ferment leur studio : « Les smartphones ont quasi-totalement envahi les rues et les maisons à tel point que personne n’a plus besoin de s’approcher d’un professionnel de la photographie avant de se tailler une belle photo ». Un avis que partage Zacharie Tozoun, un cinquantenaire rencontré au labo "LIroko d’or" à quelques mètres de la télévision Canal 3. Pour lui, le métier disparaît progressivement au détriment des Tic. Pour abonder dans le même sens que Odile H., il déclare : « Le métier ne nourrit même plus son homme pour dire l’aider à entretenir sa famille ». À l’entendre, la photographie d’art, s’émousse peu à peu avec l’avènement des smartphones. D’ailleurs, Mariano de Dieu, artiste chanteur, mécanicien et vendeur de moto à Mènontin estime déjà que dix ans plus tôt, la photographie avait de la valeur et intéressait plus d’un. Pour lui, avec son téléphone portable, il peut se faire des photos comme bon lui semble sans donner un seul kopeck à un quelconque photographe. « J’ai un téléphone qui me permet de me photographier moi-même depuis ma maison. Partout où je suis et que le besoin se fait sentir, je le fais. Et donc, je trouve que c’est perdre mon temps que de solliciter encore un photographe avant de faire une photo », se rassure-t-il avant de confier : « je n’ai plus travaillé chez un photographe professionnel, il y a déjà une dizaine d’années ». De son côté, Moïse Sètondji, élève en classe de terminale D à Womey, lie son manque d’intérêt régulier à la photographie à ses conditions financières. Selon lui, il est un plaisir de se photographier. Toutefois, il rappelle qu’il faut d’abord avoir les moyens avant de solliciter les services d’un photographe. À cet effet, il rapporte : « La photo se fait pour le plaisir. Elle ne se mange pas. Ainsi, je ne trouve pas encore la raison de chaque fois donner à manger à un photographe alors que moi-même j’ai faim ». Certes, la photographie a régressé, mais elle ne mourra pas selon Géraud Houndjrèbo, photographe et graphiste. En fait, celui-ci se dit persuadé que contre vents et marées, la photographie gardera sa place. À l’en croire, les photographes traversent actuellement une situation très difficile, mais l’essentiel réside dans le professionnalisme. « Quoi qu’il en soit, la photographie ne disparaîtra jamais des vieux métiers de ce monde. Car, ce que l’appareil photo peut faire, les smartphones ne le pourront pas », a-t-il avoué. Par ailleurs, Géraud H., suggère que le photographe doit s’assigner le devoir du travail bien fait en s’équipant de bons matériels de travail. Se faire beaucoup d’amis, reste pour lui un conseil. « Ce qui donne à manger aux photographes aujourd’hui, c’est la connaissance et la compétence », a-t-il ajouté. Médard Gnondadé, photographe à Abomey-Calavi, précise aussi que la connaissance est un atout aujourd’hui pour le photographe professionnel : « Vous pouvez être à Abomey-Calavi, mais être sollicité à Lomé, au nord du pays comme à Abomey, Covè, Porto-Novo. C’est surtout grâce à votre savoir-être et savoir-faire ».

Comment s’adapter…
Si tant est que les smartphones ont envahi le monde et semblent faire disparaître la photographie, avoir plusieurs cordes à son arc semble nécessaire à la survie. C’est le cas de Zacharie T. qui, en plus de son métier de photographe est un commerçant. « La situation que je vis dans mon studio est si indésirable que j’ai été obligé de fermer les portes. Je travaille actuellement à la maison, mais je suis désormais plus actif dans le commerce », laisse-t-il entendre. Son collègue d’Abomey-Calavi, Médard G., exerce plusieurs activités en plus de la photographie. Il est à la fois agriculteur, cordonnier et tradi-thérapeute. Donc, il est désormais une pure illusion de penser gagner son pain uniquement avec la photographie. Pour la plupart des professionnels du métier, il n’est plus question d’orienter la postérité vers ce métier. « Jamais mon enfant, du moins mon petit-fils, ne va rêver devenir photographe », a lancé Médard G. Et à Zacharie T. de marteler qu’il ne peut plus permettre à son enfant d’apprendre la photographie de peur qu’il en souffre énormément. « Si aujourd’hui, nous qui l’avons apprise, nous sommes malheureux, qu’en sera-t-il d’eux ? », s’interroge-t-il.
Sébastien WOINSOU (Stag.)



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