Covid-19 et logement : Sale temps pour locataires, bailleurs réticents à des arrangements

Bergedor HADJIHOU 18 août 2020

Les rapports locatifs ne sont pas au beau fixe entre propriétaires et locataires en raison de la pandémie du coronavirus. Les premiers ressentent chômage partiel, perte d’emploi et baisse de revenus dus à la covid-19. Les seconds doutent de la bonne foi de leurs cocontractants. Enquête à Cotonou et Abomey-Calavi.

Depuis que la crise sanitaire a commencé, les agences immobilières délivrent les préavis comme de petits pains. Cet après-midi, Wilfried a rendez-vous avec un locataire au quartier Fidjrossè dans le 12ème arrondissement de Cotonou. Ce dernier doit deux mois d’arriérés. Il reconnaît avant d’embrayer sa moto, que ce n’est pas dans ses habitudes : « Il habitait déjà dans la maison avant qu’on ne prenne le portefeuille. Et ça fait trois ans que nous gérons. C’est la première fois que ça lui arrive. Il travaille dans un projet dont les partenaires se sont retirés temporairement en raison de la pandémie », confie le gérant. Nous le suivons sur les lieux, déguisé en assistant. D’habitude de garde les lundis matins sur son lieu de travail, J. Assogba suit une émission de téléréalité avec ses enfants en vacances. Avec un air désolé, il annonce vouloir remettre les clés : « Je n’ai toujours pas trouvé quelque chose. Comme vous pouvez le constater, j’ai commencé déjà à emballer mes effets. D’ici le 05, je serai prêt », annonce-t-il le regard dans le vide. La chance de Assogba, c’est d’avoir pris le bail en 2017 sous l’ancien régime juridique. Ses six mois de caution pour un loyer mensuel de cinquante (50) mille sont presque intacts et il a comme projet de prendre un appartement de (vingt-cinq) 25 mille à Calavi.
Fidèle à sa réputation de cité dortoir, Abomey-Calavi est le nouvel eldorado des promoteurs immobiliers. Le gouvernement de Patrice Talon envisage y construire onze mille (11.000) logements sociaux. En attendant, le privé investit le terrain. Les maisons en location poussent comme des champignons. Arconville, un quartier situé dans cette commune la plus peuplée du Bénin, n’échappe pas à cette réalité. La traversée du quartier où certaines ruelles forment une mosaïque de constructions va prendre quelques heures avec le responsable d’une société de gestion immobilière basée à Akpakpa. Le professionnel de l’habitat s’est mis en branle depuis Cotonou ce vendredi 14 août 2020 pour aller plaider la cause des locataires auprès de plusieurs bailleurs. Le maintien dans les logements par ces temps de crise sanitaire inédite est difficile : « J’ai du mal à récupérer le loyer chez beaucoup de locataires. J’ai pu convaincre certains propriétaires qui ont revu leurs prétentions à la baisse pour des maisons qu’ils ont déjà amorties. Ce que d’autres refusent systématiquement. Pour eux, c’est le loyer ou rien. Je ne peux rien. C’est leur bien », déclare Germain Houssou, membre de l’Association nationale des agences immobilières du Bénin.

Compréhensifs mais dubitatifs
Face à la crise du coronavirus, certains pays contraints par la fragilité de leur système social, ont mis en place des dispositifs d’aide exceptionnelle pour permettre aux ménages vulnérables de faire face aux impayés. C’est le cas du Gabon par exemple. Le gouvernement béninois n’est pas resté insensible. Il a pu aider une partie de la population. D’autres dans le besoin, ont estimé que l’aide était insuffisante ou ne leur est pas parvenue. La bouffée d’oxygène n’a pu empêcher des évictions pour non-paiement à cause d’un climat de méfiance : « Certains locataires honnêtes sont venus payer leur loyer normalement. D’autres sont passés maîtres dans l’art de la simulation. On se connaît au pays. Ceux qui sont vraiment en difficulté et qui viennent exprimer calmement leur situation, il n’a pas été compliqué pour moi de leur accorder des facilités de paiement », conclut Fidèle Gonçalves, propriétaire de maisons à louer à Abomey-Calavi. Entre locataires et propriétaires, la confiance mutuelle est une quête permanente. Et la crise des loyers impayés, corollaire du ralentissement des activités économiques est partie pour dégrader les relations.



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