Quelles seront les conséquences à long-terme des déguerpissements à Abidjan ? En ces jours de rentrée des classes, la scolarisation des enfants est une épreuve – c’est le cas dans la commune de Port-Bouët. Après la destruction du quartier de l’Abattoir, les familles expulsées se sont en partie relogées dans la presqu’île d’Adjahui, mais trois mois après, beaucoup d’entre elles peinent à inscrire leurs enfants à l’école.
Pas d’uniforme pour Aïcha : dans son t-shirt jaune Pikachu, la petite fille regarde les tenues bleue et blanche avec envie. Au lieu d’être à la maison, elle voudrait retourner à l’école : « J’étais en CE1, l’an dernier. Mais quand ils ont cassé notre coin, là, je devais partir en CE2. On ne peut pas m’inscrire parce qu’il y a manque d’argent, ça me rend triste, mais s’il y a eu de l’argent, ils vont m’inscrire. »
Le père d’Aïcha, Aboubakar dit avoir perdu son élevage de mouton, en plus de sa maison, dans le déguerpissement. Problème : l’année scolaire coûte 60 000 Francs CFA dans les écoles primaires privées d’Adjahui. Quant aux écoles publiques, elles sont déjà pleines selon les habitants.
Alors, comme beaucoup d’autres déguerpis du quartier, Aboubakar ne peut pas inscrire ses deux enfants en primaire faute d’argent… Ce qui le désespère : « ça me fait de la peine, vraiment, de voir les enfants à la maison. Ça peut avoir des conséquences. C’est difficile de voir ses enfants traîner à la maison sans aller à l’école, sans éducation... »
Une situation loin d’être isolée
La situation de la famille d’Aboubakar est loin d’être isolée. Parmi ses voisins, Alassane Tarnagda ravale ses larmes avec peine, ce frigoriste n’est plus en mesure de payer les 250 000 francs CFA de frais de scolarité de son fils aîné Inoussa, censé rentrer en seconde dans un lycée technique de Vridi.
La faute selon lui à la destruction de son atelier, à un loyer plus élevé, mais aussi à l’isolement d’Adjahui : le réseau télécom y est trop mauvais pour lui permettre de garder le contact avec ses clients. « C’est un vrai dilemme pour moi de voir les enfants rester à la maison, c’est une priorité qu’ils aillent à l’école... les avoir ici, ça ne m’arrange pas, mais il n’y a pas les moyens », lâche-t-il avant d’éclater en sanglots et de se cacher derrière la porte du studio qu’il occupe avec sa femme et ses trois enfants.
D’après le collectif des déplacés, dix écoles privées confessionnelles ont été détruites lors du déguerpissement de l’Abattoir début juin 2024. Plus largement, l’ONG Amnesty International s’alarme des conséquences potentielles du programme de lutte contre le désordre urbain en cours à Abidjan sur l’éducation des enfants déguerpis.
En mars dernier, le gouvernement ivoirien a de son côté promis une aide au relogement de 250 000 francs CFA aux familles déguerpies. Début septembre 2024, le président ivoirien Alassane Ouattara a demandé de continuer de déployer les efforts nécessaires pour organiser au mieux ces opérations et d’anticiper le soutien aux populations.
Source : rfi
- 1er octobre 2024
- 30 septembre 2024