RDC : Félix Tshisekedi proclamé vainqueur de l'élection présidentielle

La rédaction 11 janvier 2019

L’opposant Félix Tshisekedi remporte la présidentielle en RDC avec 38,57 % des voix. Le candidat de Kabila, Emmanuel Shadary, ne convainc que 23,8 % des électeurs. Ainsi, au regard des résultats donnés par la commission électorale, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, 55 ans, devient le président « provisoirement élu » qui doit succéder au chef de l’État sortant Joseph Kabila, 47 ans. « Provisoirement élu », car les résultats de la Ceni peuvent encore faire l’objet de recours devant la Cour constitutionnelle qui proclamera les résultats définitifs. Quoi qu’il en soit, c’est un événement sans précédent en République démocratique du Congo où, par trois fois depuis 2016, l’élection présidentielle a été reportée.

Une situation historique
La RDC, plus grand pays d’Afrique subsaharienne, vit ainsi une double situation historique. C’est la première fois qu’un opposant est proclamé vainqueur d’une élection présidentielle après les deux élections de M. Kabila en 2006 et 2011. C’est aussi la première fois que le président sortant acceptera de se retirer sous la pression de la Constitution et non des armes. M. Kabila ne pouvait pas briguer un troisième mandat. Cela dit, il appartient maintenant à la Cour constitutionnelle de publier les résultats définitifs d’ici le 15 janvier, selon l’actuel calendrier électoral qui a pris trois jours de retard. La prestation de serment du nouveau président élu pour un mandat de cinq ans est prévue le 18 janvier, selon ce même chronogramme.

Qui est Félix Tshisekedi ?
Le nouveau président « provisoirement élu » est d’abord le fils d’une figure majeure de l’histoire politique congolaise, Étienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles le 1er février 2017. D’ailleurs, près de deux ans après le décès de Tshisekedi père, le corps de celui-ci repose toujours à Bruxelles, officiellement faute d’accord pour les obsèques entre son parti l’UDPS, la famille et le pouvoir. Pour ce qui est de cette campagne présidentielle, Félix Tshisekedi a fait équipe avec l’ex-président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe, lequel doit devenir en cas de victoire confirmée Premier ministre selon l’accord entre les deux hommes.

Son attitude par rapport à Joseph Kabila
Maintenant que la campagne est terminée et que les résultats sont proclamés, il y a lieu de revenir sur l’évolution des attitudes de Félix Tshisekedi à l’endroit de Joseph Kabila. Notons que ces derniers jours, il avait aussi tendu la main au président Kabila. Dans un entretien au quotidien belge Le Soir, M. Tshisekedi avait déclaré au sujet du président sortant qu’il « est évident qu’il pourra vivre tranquillement dans son pays, vaquer à ses occupations, il n’a rien à craindre » s’il quitte le pouvoir. Mieux, il était allé au-delà de ces garanties sur la sécurité du président sortant : « Un jour, nous devrons même songer à lui rendre hommage pour avoir accepté de se retirer. Pourquoi, compte tenu de son expérience, ne pas lui confier des tâches diplomatiques spéciales, faire de lui un ambassadeur extraordinaire du Congo ? » avait-il ajouté.
Allant dans le même sens, le secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, avait par la suite suggéré « une rencontre » entre MM. Tshisekedi et Kabila « pour préparer la passation pacifique et civilisée du pouvoir », et ce, avant même la proclamation des résultats. « Nous n’allons pas rejeter la main tendue parce qu’il y a un temps pour tout. Un temps pour s’opposer et se disputer l’électorat, mais aussi un temps pour s’unir », a réagi le porte-parole du gouvernement et du candidat du pouvoir Lambert Mende sur la radio onusienne Okapi. Ces déclarations ont nourri des rumeurs d’un rapprochement qui n’ont pas été démenties et qui ont suscité la colère dans le camp de l’autre opposant, Martin Fayulu. À mots voilés, ses partisans ont mis en garde contre un accord dans leur dos. « Kabila n’a pas à dire : je veux telle personne, je ne veux pas de telle. Ce n’est sa résidence privée ni une affaire de famille, c’est une affaire d’État », a déclaré à l’AFP la porte-parole de la coalition Lamuka formée autour de M. Fayulu, Ève Bazaiba. Quoi qu’il en soit, ces derniers jours, l’opposition et les observateurs de l’Église catholique avaient appelé la Commission électorale à ne pas trahir « la vérité des urnes » avec à l’esprit l’épisode de 2011 où la réélection du président Kabila avait été entachée de contestation et de violences.

Tenir compte de la configuration de l’Assemblée nationale
S’il est confirmé, le nouveau président devra disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale pour gouverner. Les élections législatives et provinciales ont eu lieu le même jour que la présidentielle, le dimanche 30 décembre. Le nouveau président issu de l’opposition devra aussi composer avec les forces de sécurité acquises au président Kabila et avec les milieux économiques. Il ne pourra manquer de tenir compte du fait qu’avec deux ans de retard, le président Kabila avait accepté de se retirer contraint par la Constitution qui lui interdisait un troisième mandat de cinq ans vu qu’il est au pouvoir depuis l’assassinat de son père et prédécesseur le 16 janvier 2001. Dernier point : Joseph Kabila reste en fonction « jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu », selon les termes de la Constitution.

Qui est Félix Tshisekedi, le vainqueur contesté de la présidentielle en RDC ?
Félix Tshisekedi, le nouveau président de la République démocratique du Congo. JUNIOR D. KANNAH/AFP
Félix Tshisekedi a été désigné vainqueur de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo ce jeudi, mais sa victoire a été aussitôt contestée par une partie de l’opposition et mise en doute par la France.
Cette élection était présentée comme la première transition démocratique depuis l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC) en 1960. Après 17 années de présidence de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi a été déclaré vainqueur dans la nuit de mercredi à jeudi, un résultat aussitôt contestée par une partie de l’opposition et par l’Église, et déjà marquée par le sang. Éléments de portrait de cette figure de l’opposition :

● Le fils d’un opposant emblématique
« Étienne Tshisekedi s’est montré très sceptique vis-à-vis des capacités de son fils »
Félix Tshisekedi est le fils d’Étienne Tshisekedi, surnommé « le Sphynx », et opposant historique au Maréchal Mobutu qui dirigea la RDC entre 1965 et 1997. À sa mort le 1er février 2017, Félix reprend les rênes du parti fondé par son père, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Il bénéficie auprès de la base électorale de l’aura de son père - dont il s’engage à rapatrier le corps de Belgique - mais qui ne l’a jamais officiellement désigné comme successeur. « Étienne Tshisekedi s’est montré très sceptique vis-à-vis des capacités de son fils. Il était très exigeant », explique à la BBC Albert Moleka, l’ancien chef de cabinet du défunt leader. « C’était quelqu’un qui s’est battu pour le peuple et il n’allait pas donner un laissez-passer à son fils ». À 55 ans, Félix se place dans les pas de son père, dont il a d’ailleurs adopté la casquette de golfeur. « Je n’ai aucune ambition de rivaliser avec mon père car c’est mon maître », déclarait-il à sa mort.

● Un vrai exil en Belgique et de faux diplômes bruxellois
Lorsque son père créé l’UDPS en 1982 et invite le multipartisme dans la politique congolaise, la famille Tshisekedi est contrainte à l’exil. À 19 ans, Félix Tshisekedi suit son père dans la province du Kasaï dont ils sont originaires et trois ans plus tard, il s’envole pour la Belgique. Là-bas, il suit des études de marketing et de communication, dont il se prévaut d’un graduate lorsqu’il enregistre sa candidature pour l’élection présidentielle. Un diplôme qu’il n’a jamais obtenu, selon la presse belge, ce qui avait provoqué un scandale et menacé sa candidature d’invalidité.

● Contesté dans son propre parti
« On lui a reproché son rapprochement avec Kabila »
Qualifié de « fils à papa » dans les couloirs de l’UDPS, Félix Tshisekedi a dû lutter pour s’imposer au sein de son propre parti, quand la mort de son père laissait un vide politique. Les cadres du parti n’ont pas accepté facilement le fils que leur leader n’avait pas adoubé. Sa politique n’était pas acceptée de tous : ses efforts de conciliation tranchent avec l’intransigeance de son père. « Les controverses ont porté sur sa gestion à partir de 2016. On lui a reproché son rapprochement avec Kabila », explique Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique Subsaharienne de l’Ifri.

● Un vainqueur inattendu
« La surprise Tshisekedi », titre le site congolais Afrikarabia : personne ne croyait en la victoire de « Fatshi » il y a eu encore quelques jours. Le dauphin de Joseph Kabila, l’ancien ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, avait bénéficié de moyens énormes durant sa campagne, qui n’ont visiblement pas suffi à le porter à la tête de l’État.

● Soupçonné d’avoir négocié son élection
Martin Fayulu, l’autre opposant donné vainqueur dans les sondages, dénonce un « putsch électoral » organisé par l’UDPS et le clan Kabila. Dès avant les élections, Félix Tshisekedi rencontre le président sortant. Ces réunions se poursuivront pendant les décomptes des voix. De son côté, Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat du Front commun pour le Congo - le parti de Joseph Kabila - n’a pas contesté la victoire. Reste que le leader de l’UDPS a tendu la main au président sortant : « nous ne devons plus le considérer comme un adversaire, a-t-il déclaré, mais plutôt comme un partenaire de l’alternance démocratique dans notre pays ». Il est encore trop tôt pour affirmer ou infirmer la théorie d’une entente entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, mais pour Thierry Vircoulon, cette victoire ressemble beaucoup à un « résultat de compromis, qui donne l’apparence d’une transmission de pouvoir ».

Félix Tshisekedi
● Il est né à Kinshasa le 13 juin 1963
● Il est surnommé Fatshi, abréviation de ses trois noms Félix Antoine Tshilombo
● Son père, Étienne Tshisekedi, a fondé le parti d’opposition UDPS en 1982
● Il part pour la Belgique en 1985
● Il devient chef de l’UDPS en mars 2018

source : rfi.fr



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